Surendettement des particuliers et rétablissement personnel : une seconde chance pour le débiteur

Table des matières

Lorsqu’un particulier se trouve dans l’incapacité de faire face à ses engagements financiers, la loi a prévu un ensemble de mécanismes destinés à lui offrir une issue et à organiser le règlement de sa situation. Le surendettement n’est pas une fatalité, mais une situation juridique encadrée, dont le traitement vise à la fois la protection du débiteur et le respect des droits de ses créanciers. Comprendre les rouages de cette procédure est indispensable pour toute personne confrontée à des difficultés économiques importantes. Cette démarche s’inscrit dans un cadre plus large visant à encadrer les aménagements de procédures pour la protection du débiteur, offrant des solutions graduées selon la gravité de la situation.

Le surendettement des particuliers : définition et champ d’application

La procédure de surendettement est conçue pour les personnes physiques de bonne foi qui ne parviennent plus à honorer leurs dettes. Son accès et ses modalités sont strictement définis par le Code de la consommation, qui en fixe les contours et organise l’intervention d’un acteur clé : la commission de surendettement.

La notion de situation de surendettement et les dettes concernées

La situation de surendettement est définie par l’article L. 711-1 du Code de la consommation comme « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ». Cette définition repose sur deux piliers. D’une part, l’impossibilité doit être « manifeste », c’est-à-dire évidente et non passagère. D’autre part, la procédure ne concerne que les dettes « non professionnelles » : les dettes contractées pour les besoins de la vie courante (crédits à la consommation, dettes de loyer, factures d’énergie, etc.) sont donc les seules prises en compte. Les dettes professionnelles, liées à une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale, relèvent des procédures collectives spécifiques.

Cependant, toutes les dettes non professionnelles ne sont pas traitées de la même manière. Le Code de la consommation exclut expressément certaines créances de tout rééchelonnement, remise ou effacement, sauf accord du créancier. Il s’agit principalement :

  • Des dettes alimentaires (pensions alimentaires).
  • Des réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale.
  • Des amendes pénales, qui sont totalement exclues de tout aménagement.

La bonne foi du débiteur est une condition fondamentale pour bénéficier de la procédure. Elle est présumée, mais peut être contestée si le débiteur a sciemment aggravé son endettement ou organisé son insolvabilité.

Le rôle central de la commission de surendettement

La procédure de surendettement est initiée par le débiteur lui-même, qui doit déposer un dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers de son département. Cet organisme, dont le secrétariat est assuré par la Banque de France, joue un rôle pivot. Sa première mission est d’examiner la recevabilité du dossier, c’est-à-dire de vérifier si le demandeur remplit les conditions légales, notamment l’existence d’un surendettement et sa bonne foi.

Une fois la demande jugée recevable, la commission dispose de pouvoirs étendus pour instruire le dossier. Elle dresse un état détaillé de l’actif et du passif du débiteur, en sollicitant si nécessaire des informations auprès des administrations publiques, des établissements de crédit ou des organismes sociaux. Cette phase d’instruction est essentielle pour obtenir une vision complète et précise de la situation financière du ménage. En fonction de ce bilan, la commission orientera le dossier vers la solution la plus adaptée, allant de la négociation d’un plan de remboursement à la recommandation d’un effacement des dettes.

Les interférences initiales avec les procédures civiles d’exécution

La décision de recevabilité du dossier de surendettement par la commission a des conséquences immédiates et significatives sur les poursuites qui peuvent être engagées par les créanciers. Elle marque le début d’une période de protection pour le débiteur, illustrant concrètement l’impact du surendettement sur l’exécution forcée. L’objectif est de geler la situation pour permettre à la commission de travailler sereinement à l’élaboration d’une solution durable.

La suspension et l’interdiction des poursuites

Dès que le dossier est déclaré recevable, une suspension automatique des procédures d’exécution s’applique. Selon l’article L. 722-2 du Code de la consommation, les créanciers ne peuvent plus engager ou poursuivre de saisies sur les biens ou les comptes bancaires du débiteur. Cette suspension concerne les saisies-attributions, les saisies-ventes de meubles, et paralyse également les procédures de saisie des rémunérations.

Cette protection est temporaire et dure le temps de la procédure devant la commission, dans une limite maximale de deux ans. Elle offre un répit indispensable au débiteur, qui n’est plus sous la pression directe des huissiers de justice. En contrepartie, le débiteur est tenu de ne pas aggraver sa situation. Il lui est interdit, sauf autorisation du juge, de payer une créance née avant la décision de recevabilité ou de vendre un bien de son patrimoine sans que cela ne s’inscrive dans une gestion normale.

La suspension des mesures d’expulsion du logement

La perte du logement est l’une des conséquences les plus redoutées du surendettement. La loi a donc prévu un mécanisme spécifique pour prévenir cette situation. À partir de la recevabilité du dossier, la commission peut demander au juge de suspendre une procédure d’expulsion locative en cours. Cette suspension, si elle est accordée, peut s’étendre sur une période maximale de deux ans.

Cette mesure est un outil puissant pour maintenir le débiteur et sa famille dans leur logement le temps de trouver une solution globale à leur endettement, qui inclura souvent un plan d’apurement de la dette locative. Il s’agit d’une manifestation concrète des droits et protections du locataire en difficulté face à l’expulsion, articulée avec la procédure de surendettement.

Autres mesures de protection du débiteur

La protection du débiteur ne s’arrête pas à la suspension des saisies. La décision de recevabilité entraîne d’autres effets bénéfiques. Le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que des pénalités de retard liés aux créances est stoppé. Cette mesure évite que la dette ne continue de croître pendant l’instruction du dossier. De plus, les droits du débiteur aux aides au logement (APL, AL) sont rétablis, garantissant une ressource souvent essentielle pour le budget du ménage. Enfin, le débiteur ne peut plus être fiché au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) pour les dettes examinées par la commission.

Les mesures de traitement de la situation de surendettement

Une fois la situation analysée, la commission de surendettement s’oriente vers des solutions concrètes pour apurer le passif. La priorité est donnée à une solution négociée, mais la loi lui confère également le pouvoir d’imposer des mesures si aucun accord n’est trouvé. Ces solutions s’apparentent, dans leur philosophie, à l’octroi de délais de paiement et l’aménagement des dettes, mais dans un cadre collectif et formalisé.

Le plan conventionnel de redressement : négociation et contenu

La première voie explorée par la commission est la recherche d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers. Cette phase de conciliation vise à élaborer un plan conventionnel de redressement. Ce plan, d’une durée maximale de sept ans (sauf pour le remboursement d’un prêt immobilier lié à la résidence principale), peut contenir diverses mesures :

  • Un rééchelonnement des paiements.
  • Un report d’échéances.
  • Une réduction des taux d’intérêt.
  • Une remise partielle de dettes, avec l’accord des créanciers concernés.

L’avantage de ce plan est sa nature consensuelle. Il est signé par le débiteur et les créanciers, ce qui favorise son exécution. S’il est respecté, il permet un apurement progressif du passif et une sortie durable du surendettement.

Les mesures imposées par la commission (rééchelonnement, remises partielles, délais)

En cas d’échec de la phase de conciliation, la commission ne reste pas démunie. Elle peut imposer aux créanciers (à l’exception des dettes alimentaires et pénales) des mesures contraignantes. Celles-ci sont similaires à celles d’un plan conventionnel : rééchelonnement des dettes, imputation des paiements en priorité sur le capital, ou encore réduction du taux d’intérêt. La commission peut également imposer un moratoire, c’est-à-dire une suspension de l’exigibilité des créances pour une durée maximale de deux ans. Durant cette période, le débiteur n’a rien à payer sur les dettes concernées, ce qui peut lui permettre de stabiliser sa situation financière.

Dans les cas les plus difficiles, où un simple rééchelonnement ne suffit pas, la commission peut recommander un effacement partiel des créances, combiné à un plan de remboursement pour le solde.

La garantie du paiement de la dette et les limites de la suspension des poursuites

Les mesures de traitement, qu’elles soient conventionnelles ou imposées, sont opposables aux créanciers, qui ne peuvent reprendre leurs poursuites individuelles tant que le plan est respecté. L’exécution du plan de redressement paralyse donc les voies d’exécution. Toutefois, cette suspension ne prive pas un créancier du droit d’agir en justice pour faire reconnaître sa créance et obtenir un titre exécutoire. Simplement, il ne pourra pas utiliser ce titre pour procéder à une saisie pendant la durée d’application des mesures. Si le débiteur ne respecte pas le plan, celui-ci devient caduc, et les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuel pour le solde de leurs créances.

Le rétablissement personnel : l’effacement des dettes pour une nouvelle vie

Pour les situations les plus dégradées, où aucun plan de remboursement n’est envisageable, la loi a prévu une procédure plus radicale : le rétablissement personnel. Il s’agit d’une procédure d’effacement total ou quasi-total des dettes, offrant au débiteur une véritable seconde chance.

La situation irrémédiablement compromise : conditions d’accès au rétablissement personnel

Le rétablissement personnel est réservé aux débiteurs dont la situation est qualifiée d' »irrémédiablement compromise ». Cette notion signifie qu’il est manifestement impossible de mettre en œuvre des mesures de traitement classiques. Concrètement, les ressources du débiteur sont si faibles, ou son passif si important, qu’aucun effort de remboursement, même étalé sur la durée maximale, ne permettrait d’apurer les dettes. C’est à la commission, ou au juge en cas de contestation, d’apprécier ce caractère irrémédiable.

Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire : conditions et effets de l’effacement total des dettes

Cette forme de rétablissement personnel est la plus simple et la plus rapide. Elle est mise en œuvre lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise et ne possède aucun patrimoine saisissable de valeur. Si son actif se limite à des meubles nécessaires à la vie quotidienne (meubles meublants, véhicule non luxueux indispensable pour le travail), la commission peut imposer directement un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette décision, une fois définitive, entraîne l’effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur (à l’exception des dettes exclues par la loi). Les créanciers ne peuvent plus rien réclamer.

Le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire : procédure, biens exclus et clôture

Si le débiteur, bien que sa situation soit irrémédiablement compromise, possède un patrimoine (un bien immobilier, un véhicule de valeur, de l’épargne…), la procédure de rétablissement personnel prend la forme d’une liquidation judiciaire. Avec l’accord du débiteur, le juge ouvre la procédure et désigne un liquidateur. Celui-ci est chargé de vendre les biens saisissables du débiteur dans un délai d’un an.

Sont exclus de la vente les biens indispensables à la vie et au travail du débiteur, tels que définis par le Code des procédures civiles d’exécution. Le produit de la vente est réparti entre les créanciers. À l’issue de la procédure, le juge prononce la clôture pour « insuffisance d’actif ». Ce jugement entraîne l’effacement de toutes les dettes qui n’ont pas pu être remboursées par la vente des biens. Le débiteur peut ainsi repartir sur de nouvelles bases, libéré du poids de son passif.

Le retour à un plan de redressement en cas d’amélioration de la situation

Le système conserve une certaine flexibilité. Même dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel, si la situation du débiteur s’améliore de manière significative (par exemple, un retour à l’emploi inattendu), il est exceptionnellement possible de basculer vers un plan de redressement. Cette option reste rare et vise à permettre un désintéressement des créanciers si la liquidation peut être évitée sans compromettre l’équilibre financier retrouvé par le débiteur.

L’accompagnement social et budgétaire du débiteur

Au-delà du traitement purement juridique et financier des dettes, la loi reconnaît l’importance d’un suivi humain. À toutes les étapes de la procédure, que ce soit par la commission ou par le juge, le débiteur peut être invité à solliciter des mesures d’aide sociale. Un accompagnement social personnalisé (MASP) ou un programme d’éducation budgétaire peut être mis en place. L’objectif est de fournir au débiteur les outils et le soutien nécessaires pour gérer son budget de manière autonome et durable, et ainsi prévenir une nouvelle spirale d’endettement. Cette dimension sociale est un complément indispensable aux mesures de redressement pour assurer leur efficacité à long terme.

La procédure de surendettement est un parcours complexe, jalonné d’étapes techniques et de choix stratégiques. Qu’il s’agisse de négocier un plan, de contester une mesure ou d’envisager un rétablissement personnel, l’assistance d’un professionnel est fondamentale pour faire valoir ses droits et choisir la voie la plus adaptée. Face à l’enjeu que représente la stabilisation de votre situation financière, le recours à un avocat compétent en matière de surendettement constitue la meilleure garantie pour un accompagnement sécurisé et efficace.

Sources

  • Code de la consommation
  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code civil

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