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La titrisation STS : simple, transparente et standardisée pour le marché européen

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Après la crise financière de 2008, le mot « titrisation » a longtemps été associé à une finance opaque et risquée. Pourtant, cet outil de financement demeure essentiel pour l’économie en permettant aux banques et aux entreprises de transformer des actifs peu liquides, comme des portefeuilles de crédits, en titres négociables. Pour restaurer la confiance et relancer un marché sain, l’Union européenne a créé un label de qualité : la titrisation Simple, Transparente et Standardisée (STS). Ce cadre vise à distinguer les produits de titrisation vertueux et à offrir une meilleure lisibilité aux investisseurs. Comprendre le mécanisme de la titrisation est une première étape pour saisir l’importance de ce label.

Origine et objectifs de la titrisation STS

La crise des subprimes a mis en lumière les dangers des titrisations excessivement complexes et opaques. Des crédits hypothécaires à risque étaient regroupés et vendus à des investisseurs qui peinaient à évaluer la qualité réelle des actifs sous-jacents. Ce manque de transparence a conduit à une défiance généralisée, paralysant une source de financement pourtant vitale pour l’économie.

En réponse, les législateurs européens ont souhaité réhabiliter la titrisation en créant un marché de haute qualité, clairement identifiable. L’objectif n’était pas de bannir la technique, mais de l’encadrer rigoureusement. C’est dans ce contexte qu’a été adopté le règlement (UE) n° 2017/2402, qui établit un cadre général pour toutes les titrisations européennes et, surtout, introduit le label STS. Ce dernier agit comme un standard d’excellence, destiné à attirer de nouveau les investisseurs en leur garantissant un niveau élevé de simplicité, de transparence et de prévisibilité. La mise en œuvre de ces exigences européennes s’articule avec le cadre juridique des organismes de titrisation en France, qui définit les structures juridiques pouvant porter ces opérations.

Les trois piliers de la titrisation STS

Pour mériter le label STS, une opération de titrisation doit reposer sur trois fondations indissociables, définies par des critères stricts. L’initiateur et le sponsor de l’opération doivent s’assurer du respect de chaque critère et le notifier aux autorités compétentes. Cette auto-labellisation engage leur responsabilité et est soumise à la surveillance des régulateurs.

Le critère de simplicité : homogénéité et cession parfaite

Une titrisation STS doit avant tout être facile à comprendre. Cela commence par la nature des actifs qui la composent. Le règlement impose que les expositions sous-jacentes soient homogènes. Concrètement, cela signifie qu’un portefeuille ne peut pas mélanger des crédits immobiliers résidentiels avec des créances commerciales et des prêts automobiles. Cette homogénéité permet aux investisseurs d’analyser plus facilement le risque associé à une classe d’actifs qu’ils connaissent.

La simplicité réside également dans la structure même de l’opération. L’une des exigences fondamentales est la réalisation d’une « cession parfaite » (true sale). Ce terme juridique implique que les actifs titrisés sont véritablement vendus par l’établissement d’origine (le cédant) au véhicule de titrisation (SPV). Ils sortent ainsi du bilan du cédant, ce qui garantit que les actifs sont bien isolés et ne seront pas affectés par une éventuelle faillite de l’initiateur. Enfin, la simplicité interdit toute gestion active et discrétionnaire du portefeuille. Une fois le portefeuille constitué, il ne peut être modifié, sauf dans des conditions très limitées, assurant ainsi sa prévisibilité.

Le critère de transparence : information et divulgation

Pour un investisseur, la transparence signifie avant tout un accès aisé à une information complète et fiable. Le règlement STS impose à l’initiateur et au sponsor de fournir des données granulaires sur chaque exposition du portefeuille. Ils doivent notamment mettre à disposition des investisseurs potentiels les données historiques sur les performances en matière de défaut et de perte pour des actifs similaires, sur une période significative.

La documentation de l’opération doit aussi inclure une description claire et sans ambiguïté de l’ordre de priorité des paiements (la « cascade de paiements »). Cet élément est fondamental car il définit qui est payé, dans quel ordre et avec quelles sommes, en fonction des flux de trésorerie générés par les actifs. Les investisseurs doivent pouvoir modéliser ces flux sans avoir à déchiffrer des clauses complexes. Dans un souci d’alignement avec les objectifs de finance durable, le règlement encourage aussi la publication d’informations sur la performance environnementale des actifs, ouvrant la voie à des « titrisations vertes » labellisées STS.

Le critère de standardisation : pratiques uniformes

Le troisième pilier vise à harmoniser les pratiques du marché. La standardisation concerne d’abord la documentation juridique, qui doit être claire et suivre des modèles autant que possible. Elle touche également des aspects fondamentaux de l’alignement des intérêts. Par exemple, les exigences de rétention du risque, qui obligent l’initiateur à conserver une partie de l’exposition, sont une composante standard de toute titrisation STS.

La standardisation implique aussi que les modèles de flux de trésorerie fournis aux investisseurs soient accessibles et compréhensibles. Pour les titrisations à court terme, comme les programmes de papier commercial adossé à des actifs (ABCP), des adaptations spécifiques sont prévues pour tenir compte de leur nature renouvelable, tout en assurant que les principes de simplicité et de transparence sont respectés. L’objectif est de créer un langage commun et des pratiques partagées à travers l’Europe, réduisant les coûts d’analyse pour les investisseurs et facilitant la comparaison entre les différentes opérations.

Obligations applicables à toutes les titrisations européennes

Au-delà des critères spécifiques au label STS, le règlement européen a imposé un socle d’obligations communes qui s’appliquent à toutes les titrisations réalisées dans l’Union, qu’elles soient labellisées ou non. Ces règles visent à moraliser l’ensemble du marché et à éviter les dérives du passé. L’une des plus fondamentales concerne l’obligation de rétention du risque. L’initiateur, le sponsor ou le prêteur initial doit conserver un intérêt économique net d’au moins 5 % dans l’opération. Cette règle garantit un alignement des intérêts : le créateur de l’opération reste exposé aux risques et est donc incité à s’assurer de la qualité des actifs titrisés.

À cette exigence s’ajoute un devoir de diligence pour les investisseurs institutionnels. Avant d’investir, ils doivent effectuer leurs propres vérifications sur la structure de la titrisation et la qualité des actifs sous-jacents. Ils ne peuvent plus se reposer uniquement sur les notations des agences. La transparence est également renforcée pour toutes les opérations via une obligation de déclaration à des référentiels centraux de titrisation (securitisation repositories) agréés par l’ESMA, centralisant l’information. Enfin, le règlement interdit par principe la retitrisation (titriser des produits déjà titrisés) et impose que les crédits titrisés aient été octroyés selon les mêmes critères de sélection que ceux que l’établissement conserve à son bilan. Ces obligations redéfinissent le rôle et les responsabilités des différents acteurs, de l’initiateur à l’investisseur.

Les avantages du label STS et les perspectives d’évolution

L’obtention du label STS n’est pas qu’une simple mention honorifique. Elle confère des avantages réglementaires concrets et significatifs, principalement pour les banques et les compagnies d’assurance qui investissent dans ces produits. Le principal bénéfice est un traitement prudentiel plus favorable. Concrètement, les exigences en fonds propres pour les expositions sur des titrisations STS sont considérablement réduites. Les banques qui détiennent ces titres ont besoin de mettre moins de capital de côté en regard du risque, ce qui libère des ressources pour financer d’autres projets et soutenir l’économie.

De plus, les positions de titrisation STS de haute qualité sont reconnues comme des actifs liquides de haute qualité (HQLA) et peuvent être utilisées par les banques pour respecter leurs ratios de liquidité (LCR). Cette éligibilité les rend particulièrement attractives pour la gestion de trésorerie des établissements financiers. Le cadre STS est évolutif. Initialement réservé aux titrisations traditionnelles, il a été étendu par le règlement (UE) n° 2021/557 aux titrisations synthétiques inscrites au bilan, une technique où seuls les risques sont transférés, et non les actifs eux-mêmes. Cette évolution montre la volonté du législateur d’adapter le label pour couvrir une plus large gamme d’outils de gestion des risques et de financement.

Exemples concrets de titrisations STS en France

Pour rendre ces concepts plus concrets, examinons deux opérations récentes sur le marché français qui ont obtenu le label STS.

Le groupe Crédit Immobilier de France (CIF) a été pionnier en réalisant l’une des toutes premières titrisations STS en Europe dès mars 2019. L’opération, portant sur un portefeuille de plus d’un milliard d’euros de prêts immobiliers résidentiels, a été structurée via un Fonds Commun de Titrisation (FCT) français. Elle a démontré la faisabilité et l’attrait du nouveau cadre, en réussissant à placer les titres émis auprès d’investisseurs institutionnels.

Plus récemment, fin 2022, BRED Banque Populaire a mené une opération de titrisation STS de grande envergure sur un portefeuille de près de 2,5 milliards d’euros de prêts immobiliers résidentiels. Les obligations senior émises par le FCT ont obtenu la meilleure note de crédit (AAA) de la part de deux grandes agences de notation et ont été admises à la négociation sur Euronext Paris. Le recours à un agent de vérification tiers a permis de confirmer la conformité de l’opération aux critères STS, offrant une assurance supplémentaire aux investisseurs.

Le cadre de la titrisation STS est un outil puissant pour les entreprises et les institutions financières, mais sa mise en œuvre exige une expertise juridique précise pour garantir la conformité à chaque étape du processus. Pour une analyse de la faisabilité de vos projets de financement ou pour sécuriser vos investissements, prenez contact avec notre cabinet d’avocats.

Sources

  • Règlement (UE) 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées.
  • Règlement (UE) 2017/2401 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.
  • Règlement (UE) 2021/557 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2021 modifiant le règlement (UE) 2017/2402 en ce qui concerne le cadre STS pour les titrisations synthétiques.
  • Code monétaire et financier, notamment les articles L. 214-166-1 et suivants relatifs aux organismes de financement.

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