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La vente CIF : mécanismes et particularités de ce contrat maritime international

Table des matières

La vente CIF (Cost, Insurance, Freight) constitue l’une des formules les plus utilisées dans le commerce maritime international. Ce type de contrat, dont l’appellation française est CAF (Coût, Assurance, Fret), présente des spécificités juridiques qu’il est essentiel de maîtriser pour sécuriser ses opérations commerciales. Sa structure particulière, qui intègre dans un prix global la marchandise, son transport et son assurance, en fait un outil privilégié par de nombreux opérateurs économiques.

La nature juridique de la vente CIF

La vente CIF se distingue des autres formes de ventes maritimes par sa structure et ses implications juridiques, tout en conservant certaines caractéristiques fondamentales des ventes au départ.

Une vente au départ particulière

La vente CIF est avant tout une vente au départ, c’est-à-dire que le transfert des risques s’effectue au port d’embarquement. Comme le précise l’article L. 5424-9 du code des transports, « dans la vente ‘coût, assurance, fret’, le vendeur s’oblige à conclure le contrat de transport et à mettre la marchandise à bord ainsi qu’à l’assurer contre les risques de ce transport ».

Cette définition légale met en lumière les trois composantes de la vente CIF: la fourniture de la marchandise, son transport et son assurance. Malgré cette apparente complexité, il s’agit bien d’une vente et non d’un contrat mixte comportant une vente et deux mandats.

Les trois composantes du prix

Dans une vente CIF, l’acheteur est redevable d’un prix global qui comprend « indivisément le prix de la chose, la prime d’assurance et le fret » (article L. 5424-10 du code des transports). Cette caractéristique présente un avantage majeur pour l’acheteur: il connaît, dès la conclusion du contrat, le coût total de l’opération, incluant le transport jusqu’au port de destination.

Le caractère indivisible du prix a été confirmé par la jurisprudence qui considère que ces trois éléments forment un tout. Ainsi, contrairement à une idée reçue, le vendeur n’agit pas comme mandataire de l’acheteur lorsqu’il conclut le contrat de transport et souscrit l’assurance. Il le fait pour son propre compte, en exécution du contrat de vente CIF.

Distinction avec les ventes FOB et FAS

Si la vente CIF présente des similitudes avec les ventes FOB et FAS, notamment en ce qui concerne le transfert des risques au départ, elle s’en distingue fondamentalement par les obligations du vendeur.

Dans une vente FOB ou FAS, comme expliqué dans notre article dédié, c’est l’acheteur qui doit s’occuper du transport maritime et de l’assurance. Le vendeur se contente de livrer la marchandise au port d’embarquement, le long du navire (FAS) ou à bord (FOB).

En revanche, dans une vente CIF, ces obligations incombent au vendeur, ce qui simplifie considérablement la tâche de l’acheteur, souvent situé loin du port d’embarquement. Cette caractéristique explique la popularité de cette formule dans les échanges avec des pays lointains ou émergents.

Le transfert des risques dans la vente CIF

Le moment du transfert des risques constitue un enjeu majeur dans toute vente maritime, car il détermine qui, du vendeur ou de l’acheteur, supportera les conséquences financières d’une perte ou d’une avarie des marchandises.

Moment du transfert

Dans la vente CIF, malgré l’obligation pour le vendeur de fournir le transport et l’assurance jusqu’à destination, les risques sont transférés à l’acheteur dès l’embarquement de la marchandise. L’article L. 5424-10 du code des transports est sans ambiguïté: « les risques de transport sont à la charge de l’acheteur ».

La jurisprudence a précisé que ce transfert intervient « au jour de l’embarquement effectif des marchandises vendues et leur spécialisation ». Cette spécialisation, qui consiste à identifier précisément les marchandises destinées à un acheteur déterminé, est généralement matérialisée par le connaissement.

Cette solution peut sembler paradoxale: le vendeur organise et paie le transport, mais n’en assume pas les risques. Elle s’explique par la nature même de la vente maritime internationale, où la marchandise peut changer plusieurs fois de propriétaire pendant le voyage.

Nature des risques supportés par l’acheteur

Les risques supportés par l’acheteur CIF sont variés:

  • Dégâts matériels subis par la marchandise
  • Manquants et freintes de route
  • Frais imprévus liés au transport et à la conservation
  • Surestaries dues pour le déchargement

En revanche, l’acheteur ne supporte pas les risques qui résulteraient d’une faute du vendeur antérieure à l’embarquement, comme un vice propre de la marchandise ou un conditionnement défectueux. La Cour de cassation a ainsi jugé que les avaries provenant d’un vice propre de la marchandise restent à la charge du vendeur.

Clauses particulières: poids reconnu, poids délivré

Les parties peuvent aménager la répartition des risques par des clauses particulières. Les plus fréquentes sont les clauses « poids reconnu à l’arrivée » ou « poids délivré », qui prévoient que le prix sera calculé d’après le poids constaté à l’arrivée.

Ces clauses ne modifient pas la nature de la vente CIF, comme le confirme expressément l’article L. 5424-11 du code des transports. Elles ont simplement pour effet de renverser la charge de la preuve: en cas de manquants, le vendeur devra établir que ceux-ci sont survenus après l’embarquement pour ne pas avoir à en supporter les conséquences.

Cette possibilité d’aménagement contractuel illustre la souplesse de la vente CIF, qui peut être adaptée aux besoins spécifiques des parties tout en conservant ses caractéristiques essentielles, comme c’est le cas pour l’ensemble des ventes maritimes.

Les obligations du vendeur CIF

Les obligations du vendeur CIF sont particulièrement étendues, ce qui explique que le prix de vente soit généralement plus élevé que dans une vente FOB ou FAS comparable.

Obligations relatives au fret

Le vendeur CIF doit conclure, à ses frais, le contrat de transport maritime. Cette obligation découle directement du contrat de vente et non d’un mandat donné par l’acheteur. Le vendeur agit pour son propre compte et assume la qualité de chargeur, avec les droits et obligations qui en découlent.

En pratique, le vendeur peut choisir librement le transporteur et négocier les conditions du transport. Toutefois, cette liberté n’est pas absolue: la bonne foi lui impose de choisir un navire adapté au transport de la marchandise concernée et d’obtenir des conditions raisonnables. La jurisprudence a sanctionné des vendeurs ayant accepté des conditions excessivement défavorables à l’acheteur, notamment en matière de surestaries.

Le vendeur doit également veiller à ce que le trajet emprunte « l’itinéraire habituel », c’est-à-dire la voie la plus sûre et la plus rapide. Cette exigence se comprend aisément: les risques du transport pesant sur l’acheteur, celui-ci a tout intérêt à ce que le voyage s’effectue dans les meilleures conditions possibles.

Obligations relatives à l’assurance

Le vendeur CIF doit souscrire, à ses frais, une assurance couvrant les risques du transport maritime. Comme pour le fret, il agit pour son propre compte et non comme mandataire de l’acheteur.

La couverture d’assurance doit généralement être conforme aux clauses C des Institute Cargo Clauses, qui couvrent les principaux risques maritimes: naufrage, échouement, abordage, incendie, etc. Cette couverture minimale peut être complétée à la demande de l’acheteur, notamment pour couvrir le risque de guerre ou de grève.

L’assurance doit être souscrite auprès d’un assureur « de bonne réputation » et couvrir au minimum le prix prévu au contrat majoré de 10%. Cette règle permet à l’acheteur de récupérer non seulement la valeur de la marchandise, mais aussi une partie de son manque à gagner en cas de sinistre.

Obligations relatives aux marchandises et aux documents

Le vendeur doit livrer une marchandise conforme aux stipulations contractuelles, tant en quantité qu’en qualité. Cette marchandise doit être conditionnée et emballée de manière à supporter le voyage maritime.

L’embarquement doit avoir lieu dans le délai convenu, et le vendeur doit veiller à ce que la marchandise soit spécialisée, c’est-à-dire identifiée comme étant destinée à l’acheteur. Cette spécialisation s’effectue généralement par la mention de l’acheteur sur le connaissement.

Le vendeur a également l’obligation de remettre à l’acheteur plusieurs documents essentiels:

  • Le connaissement, qui matérialise la prise en charge de la marchandise par le transporteur et permet d’en obtenir la livraison à destination
  • La police d’assurance, qui permettra à l’acheteur d’être indemnisé en cas de sinistre
  • La facture commerciale, détaillant la marchandise et son prix
  • Éventuellement, un certificat attestant la conformité de la marchandise

La remise de ces documents doit s’effectuer « aussitôt » après l’embarquement, selon l’article L. 5424-9 du code des transports. Cette célérité est essentielle pour permettre à l’acheteur de revendre éventuellement la marchandise pendant le voyage.

Les obligations de l’acheteur CIF

Si les obligations du vendeur CIF sont étendues, celles de l’acheteur sont relativement limitées, ce qui constitue l’un des principaux avantages de cette formule.

Acceptation des documents

L’acheteur CIF doit vérifier les documents qui lui sont présentés par le vendeur et les accepter s’ils sont conformes aux stipulations du contrat. Cette vérification doit s’effectuer dans un délai très bref, généralement de trois jours selon les usages.

L’acceptation des documents vaut reconnaissance par l’acheteur de la bonne exécution du contrat par le vendeur, du moins pour ce qui est vérifiable à travers les documents. Elle ne couvre pas les irrégularités non décelables à la lecture des documents, comme un vice caché de la marchandise.

Si les documents présentent des irrégularités (absence d’un document requis, mention incomplète sur le connaissement, etc.), l’acheteur est en droit de les refuser. Il doit alors informer promptement le vendeur des motifs de son refus.

Paiement du prix

L’obligation principale de l’acheteur est évidemment de payer le prix convenu. Comme nous l’avons vu, ce prix comprend indivisément le coût de la marchandise, le fret et l’assurance.

En l’absence de clause contraire, le paiement s’effectue contre remise des documents. L’acheteur doit donc payer le prix dès que les documents conformes lui sont présentés, sans attendre l’arrivée effective de la marchandise à destination.

Cette règle peut sembler rigoureuse, mais elle est atténuée par la possibilité de recourir au crédit documentaire, qui offre des garanties tant au vendeur qu’à l’acheteur. Dans ce mécanisme, une banque s’engage à payer le vendeur contre remise des documents conformes, garantissant ainsi le paiement au vendeur et la conformité des documents à l’acheteur.

Réception et agrément des marchandises

À l’arrivée du navire au port de destination, l’acheteur doit prendre livraison de la marchandise. Cette opération s’effectue généralement par la présentation du connaissement au transporteur.

L’acheteur procède alors à la vérification de la marchandise pour s’assurer qu’elle correspond bien à ce qui était prévu au contrat. Cette vérification porte essentiellement sur les aspects qui n’étaient pas contrôlables à travers les documents: qualité intrinsèque, fonctionnement, etc.

Si la marchandise s’avère conforme, l’acheteur l’agrée. Cet agrément est généralement tacite et résulte du silence gardé par l’acheteur dans les jours qui suivent la réception. En revanche, si la marchandise présente des défauts non apparents à la lecture des documents, l’acheteur peut émettre des réserves et exercer les recours prévus par le droit de la vente.

La vente CIF, par sa structure équilibrée, offre des avantages tant au vendeur qu’à l’acheteur. Pour le vendeur, elle permet d’être libéré des risques dès l’embarquement tout en conservant la maîtrise de l’opération logistique. Pour l’acheteur, elle simplifie considérablement l’acquisition de marchandises provenant de pays lointains, en confiant au vendeur les démarches liées au transport et à l’assurance.

Toutefois, la mise en œuvre d’une vente CIF exige une attention particulière à de nombreux détails juridiques et pratiques. Une connaissance approfondie de ses mécanismes est indispensable pour éviter les pièges et sécuriser vos opérations commerciales internationales.

Si vous envisagez de conclure une vente CIF ou rencontrez des difficultés dans l’exécution d’un tel contrat, notre cabinet spécialisé en droit maritime commercial peut vous accompagner à chaque étape de votre projet.

Sources

  • Code des transports, articles L. 5424-9 à L. 5424-11
  • Chambre de Commerce Internationale, Incoterms 2020
  • Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM)

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