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Vous avez obtenu un titre exécutoire contre votre débiteur et vous êtes prêt à lancer une saisie-vente? Attention : l’ouverture d’une procédure collective ou d’un dossier de surendettement peut tout changer. Ces situations juridiques spécifiques imposent des règles strictes qui suspendent ou interdisent les voies d’exécution individuelles. Un point complet sur ces situations qui peuvent bloquer votre recouvrement.
Les procédures collectives : l’arrêt immédiat des poursuites
L’article L. 622-21-II du Code de commerce est catégorique : le jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire « arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ».
Concrètement, cela signifie que :
- Si votre saisie-vente n’a pas encore produit ses effets par la vente, elle doit être immédiatement stoppée.
- Aucune nouvelle saisie-vente ne peut être pratiquée après le jugement d’ouverture.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation l’a rappelé fermement dans un arrêt du 21 septembre 2010 : la saisie-vente doit être arrêtée dès lors qu’à la date du jugement d’ouverture, cette procédure d’exécution forcée n’a pas, par la vente, produit ses effets.
Un point crucial à noter : l’indisponibilité des biens créée par la saisie n’est pas translative de propriété. Seule l’adjudication ou la vente amiable transfère effectivement la propriété du bien saisi. Par conséquent, si le jugement d’ouverture intervient avant cette étape, la mainlevée de la saisie-vente doit être ordonnée.
Le surendettement des particuliers : une protection étendue
Un blocage automatique des poursuites
L’article L. 722-1 du Code de la consommation prévoit que la recevabilité du dossier de surendettement entraîne la suspension et l’interdiction des procédures civiles d’exécution. Cette protection est immédiate et automatique.
Cette suspension se prolonge jusqu’à :
- L’approbation d’un plan conventionnel
- L’homologation des mesures recommandées
- Le jugement de rétablissement personnel
- Dans la limite maximale de 2 ans (art. L. 722-3 du Code de la consommation)
Les effets concrets pour le créancier
Durant cette période, vous ne pouvez :
- Ni continuer une saisie-vente en cours
- Ni en engager une nouvelle
- Ni faire procéder à la vente des biens déjà saisis
En revanche, vous conservez le droit d’obtenir un titre exécutoire si vous n’en avez pas encore. La Cour de cassation l’a précisé dans un arrêt du 5 février 2009 : le bénéfice d’une procédure de rétablissement personnel n’interdit pas l’accomplissement des diligences utiles à l’obtention d’un titre exécutoire.
Cette stratégie peut s’avérer pertinente, notamment pour :
- Éviter la forclusion biennale pour les prêts à la consommation
- Disposer d’un titre en cas de retour à meilleure fortune du débiteur (sauf effacement des dettes)
Une précaution importante : même dans les cas d’urgence, vous ne pouvez pas ignorer cette suspension. La commission peut saisir le juge des contentieux de la protection dès le dépôt du dossier, avant même la décision sur sa recevabilité, pour suspendre les procédures d’exécution (art. L. 721-4 du Code de la consommation).
Le cas particulier de l’ACAN
L’acceptation à concurrence de l’actif net (ACAN), qui a remplacé l’acceptation sous bénéfice d’inventaire depuis la loi du 23 juin 2006, présente un mécanisme spécifique pour les créanciers.
L’article 792-1 du Code civil dispose que la publication de la déclaration d’ACAN entraîne l’arrêt des procédures d’exécution à l’encontre de la succession. Cette interdiction s’applique pendant une durée de 15 mois suivant la publicité de la déclaration.
Les conséquences pratiques sont importantes :
- Si le procès-verbal de saisie a été régularisé avant la publication de l’ACAN, le créancier saisissant conserve le bénéfice de cette saisie
- Dans le cas contraire, aucune saisie-vente ne peut être pratiquée sur les biens de la succession
Il convient de noter que l’arrêt des procédures d’exécution n’entraîne pas l’arrêt des poursuites individuelles. Vous pouvez toujours accomplir les diligences nécessaires pour obtenir un titre exécutoire.
Stratégies pour les créanciers
Au vu de ces contraintes, quelques recommandations s’imposent :
- Agir rapidement dès l’obtention du titre exécutoire, sans attendre qu’une procédure collective ou de surendettement ne soit ouverte.
- Surveiller attentivement la situation financière de votre débiteur pour anticiper l’ouverture éventuelle d’une procédure collective.
- Vérifier, avant d’engager des frais de procédure d’exécution, l’absence d’une procédure collective ou de surendettement en cours.
- Dans le cadre d’une succession, s’informer de l’éventuelle acceptation ACAN par les héritiers.
Un exemple concret : vous avez obtenu un jugement condamnant une entreprise au paiement de factures impayées. Vous apprenez que celle-ci connaît des difficultés financières. Il est préférable de mandater immédiatement un huissier pour procéder à une saisie-vente, plutôt que d’accorder des délais supplémentaires qui risqueraient de vous placer dans la situation où la procédure collective serait ouverte avant toute mesure d’exécution.
Pour ces situations complexes, le recours à un avocat spécialisé peut s’avérer déterminant. L’analyse de la chronologie précise des événements (commandement, saisie, ouverture de la procédure collective) et la connaissance des jurisprudences récentes permettent souvent de déterminer si votre saisie-vente peut être maintenue ou doit être levée.
Sources
- Code de commerce, article L. 622-21-II
- Code de la consommation, articles L. 722-1, L. 722-3 et L. 721-4
- Code civil, articles 792 et 792-1
- Cour de cassation, chambre commerciale, 21 septembre 2010, n° 09-15.117
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 février 2009, n° 07-21.306
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 novembre 2003, n° 01-17.579
- Circulaire n° 2007-12 du 29 mai 2007, BO min. Justice du 30 août 2007
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