La spirale de l’endettement peut rapidement devenir incontrôlable. Factures impayées, crédits qui s’accumulent, découverts bancaires… Quand il devient impossible de faire face à ses dettes non professionnelles, la procédure de surendettement offre une issue légale. Cette démarche, codifiée aux articles L.711-1 et suivants du Code de la consommation, permet aux personnes physiques de bonne foi de restructurer leur endettement, voire d’obtenir l’effacement partiel ou total de leurs dettes.
La saisine de la commission de surendettement : procédure et délais
La procédure commence par le dépôt d’un dossier auprès de la commission de surendettement de la Banque de France. Ce dépôt peut désormais s’effectuer en ligne, comme l’indique un communiqué de la Banque de France du 8 janvier 2021.
Pour être recevable, le demandeur doit :
- être une personne physique (les personnes morales sont exclues)
- être de bonne foi
- se trouver dans l’impossibilité manifeste de faire face à ses dettes non professionnelles
Comme le précise l’article L.711-1 du Code de la consommation, « le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. »
La commission dispose ensuite de trois mois pour examiner la recevabilité de la demande et décider de son orientation, conformément à l’article L.721-2 du Code de la consommation.
Les effets immédiats de la recevabilité du dossier
Suspension des procédures d’exécution
Dès que la commission déclare le dossier recevable, un mécanisme de protection se déclenche automatiquement. L’article L.722-3 du Code de la consommation prévoit que « les procédures et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas » jusqu’à l’aboutissement de la procédure.
Cette suspension ne peut toutefois pas dépasser deux ans. Elle protège le débiteur contre les saisies mobilières et autres mesures d’exécution. Un créancier qui tenterait de poursuivre une procédure d’exécution en violation de cette règle s’exposerait à des sanctions.
Suspension des mesures d’expulsion
Pour le logement, la protection n’est pas automatique. Selon l’article L.722-6 du Code de la consommation, la commission peut saisir le juge des contentieux de la protection pour demander la suspension des mesures d’expulsion. Cette démarche est possible même en cas d’urgence, à l’initiative du président de la commission, de son délégué, du représentant de la Banque de France ou du débiteur lui-même.
La durée maximale de cette suspension est également limitée à deux ans.
Règles particulières pour le bail d’habitation
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a créé un lien entre la procédure de surendettement et le bail d’habitation. L’article L.714-1 du Code de la consommation prévoit désormais qu’en cas de plan conventionnel ou de mesures imposées incluant la dette locative, le juge des loyers doit accorder les mêmes délais et modalités de paiement.
Si la commission impose un délai de suspension d’exigibilité de la créance locative, le juge des loyers doit accorder ce délai, majoré de trois mois. Cette règle vise à harmoniser les décisions et éviter des contradictions préjudiciables au débiteur.
Le plan conventionnel de redressement : négociation et mise en œuvre
La première solution recherchée par la commission est l’établissement d’un plan conventionnel de redressement. L’article L.732-1 du Code de la consommation prévoit que la commission « s’efforce de concilier les parties en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers. »
Ce plan peut comporter diverses mesures :
- rééchelonnement des dettes
- report d’échéances
- réduction ou suppression du taux d’intérêt
- consolidation, création ou substitution de garantie
Sa durée maximale est fixée à sept ans par l’article L.732-3 du Code de la consommation. Des exceptions existent pour les dettes liées à la résidence principale.
Le succès du plan repose sur l’accord du débiteur et de ses principaux créanciers. S’il est adopté, le président de la commission y appose sa signature et un exemplaire est transmis à chaque partie.
Les recommandations en cas d’échec du plan conventionnel
Quand l’accord s’avère impossible, la commission peut, à la demande du débiteur, imposer certaines mesures par décision spéciale et motivée.
L’article L.733-1 du Code de la consommation lui permet notamment de :
- rééchelonner le paiement des dettes jusqu’à sept ans
- imputer les paiements sur le capital en priorité
- réduire les taux d’intérêt
- suspendre l’exigibilité des créances pour deux ans maximum
Pour les situations plus graves, l’article L.733-4 prévoit des mesures plus drastiques comme l’effacement partiel des créances.
Une difficulté soulevée par la cour d’appel de Riom dans un arrêt du 16 janvier 2017 mérite d’être soulignée : « la procédure prévue en matière de surendettement n’impose pas une égalité de traitement entre créanciers, l’objectif premier de la loi étant de remédier à la situation du surendetté. »
Le rôle du juge dans la procédure
La loi du 18 novembre 2016 a redéfini le rôle du juge, qui intervient désormais principalement en cas de contestation des décisions de la commission. Cette réforme vise à accélérer les procédures.
Le juge des contentieux de la protection dispose de prérogatives importantes. L’article L.733-12 du Code de la consommation lui permet de :
- ordonner l’exécution provisoire de certaines mesures
- faire publier un appel aux créanciers
- vérifier la validité des créances et des titres
- s’assurer de la situation de surendettement du débiteur
- prescrire des mesures d’instruction
En cas de situation irrémédiablement compromise, il peut ouvrir une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire, qui peut conduire à l’effacement total des dettes du débiteur.
Dans quels cas l’assistance d’un avocat est-elle opportune ?
Un avocat peut apporter une valeur ajoutée déterminante en matière de surendettement, notamment lors de :
- La constitution du dossier initial : un avocat peut aider à identifier toutes les dettes à inclure et à présenter les arguments en faveur de la bonne foi du débiteur.
- La contestation d’une décision d’irrecevabilité : selon l’article R.722-2 du Code de la consommation, le débiteur dispose de 15 jours pour contester une décision défavorable.
- La vérification des créances : un avocat peut contester certaines créances douteuses ou dont le montant paraît excessif.
- La négociation avec les créanciers : particulièrement utile pour les dettes importantes comme les crédits immobiliers.
- La contestation des recommandations : l’article L.733-10 prévoit la possibilité de contester les mesures imposées par la commission.
- La protection contre les procédures d’exécution (saisies, expulsions) illégales pendant la procédure : un arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2024 (n° 22-12.797) a rappelé que le débiteur peut contester directement devant le juge de l’exécution les mesures conservatoires prises en violation de l’interdiction résultant de la recevabilité du dossier.
- La procédure de rétablissement personnel : quand les enjeux concernent la liquidation des biens du débiteur.
Pour ne pas compromettre ses chances d’obtenir l’allègement de son endettement, consulter un avocat dès les premières difficultés financières peut s’avérer judicieux. Notre cabinet est à votre disposition pour analyser votre situation et vous orienter vers la solution la plus adaptée à votre cas particulier.
Sources
- Code de la consommation, articles L.711-1 à L.761-2
- Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
- Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (loi ELAN)
- Communiqué de la Banque de France du 8 janvier 2021 sur le dépôt de dossier en ligne
- Cour d’appel de Riom, arrêt du 16 janvier 2017
- Cour de cassation, 2ème chambre civile, arrêt du 28 mars 2024, n° 22-12.797
- Cour de cassation, 2ème chambre civile, arrêt du 31 janvier 2019 sur les effets de l’effacement des dettes
- Rapport de la Banque de France sur le surendettement (2020)