Le phénomène du surendettement est relativement récent dans notre système juridique. Depuis la loi Neiertz de 1989, les réformes se succèdent à un rythme soutenu. Cette évolution constante vise à adapter le droit aux nouvelles réalités économiques et sociales.
L’émergence du droit du surendettement en France
Le surendettement n’a pas toujours été encadré par des dispositions légales spécifiques. Avant 1989, les débiteurs en difficulté ne bénéficiaient que des délais de grâce prévus par le code civil ou des lois de moratoires ponctuelles.
La loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite « loi Neiertz », marque le véritable acte de naissance du droit du surendettement en France. Elle définit pour la première fois la situation de surendettement comme « l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».
Cette loi a instauré une procédure dualiste :
- Une phase de règlement amiable devant une commission administrative
- Une procédure de redressement judiciaire civil devant le juge d’instance
Plusieurs réformes majeures ont ensuite façonné ce droit :
- La loi n°95-125 du 8 février 1995 qui modifie la répartition des tâches entre le juge et les commissions
- La loi n°98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, qui tient compte du développement du surendettement « passif »
- La loi n°2003-710 du 1er août 2003 qui introduit la procédure de rétablissement personnel
- La loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 qui renforce la protection des consommateurs
- La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui accentue le rôle des commissions
Les grandes tendances des réformes récentes
Trois tendances majeures caractérisent l’évolution récente du droit du surendettement.
La déjudiciarisation de la procédure
La loi du 18 novembre 2016 marque une étape décisive dans la déjudiciarisation du traitement du surendettement. Les commissions de surendettement peuvent désormais imposer des mesures sans homologation judiciaire préalable. L’article L.733-7 du code de la consommation prévoit ainsi que la commission peut, sur demande du débiteur, imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Le juge n’intervient plus qu’en cas de contestation des mesures imposées par la commission. Comme le rappelle l’article L.733-10 du code de la consommation : « Une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret, les mesures imposées par la commission ».
L’accélération du traitement des dossiers
Les différentes réformes ont visé à accélérer le traitement des dossiers. La loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires autorise le juge saisi d’un recours à ouvrir directement une procédure de rétablissement personnel.
La loi du 17 mars 2014 a réduit la durée des plans conventionnels de redressement à sept ans au lieu de huit, permettant ainsi un effacement plus rapide des dettes.
Le renforcement du rôle des commissions de surendettement
Le rôle des commissions s’est considérablement renforcé. Elles peuvent désormais imposer des mesures auparavant soumises à l’homologation du juge, comme l’effacement partiel des dettes. L’article L.733-4 du code de la consommation leur permet d’imposer des mesures telles que la réduction des prêts immobiliers après vente du logement principal.
Ce renforcement vise à désencombrer les tribunaux. Selon les travaux parlementaires, plus de 90 000 demandes d’homologation étaient adressées chaque année aux tribunaux, avec un taux d’homologation supérieur à 98%.
Le cas particulier de l’EIRL et des anciens professionnels
L’introduction de l’EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée) a modifié l’articulation entre procédures collectives et surendettement.
L’article L.711-7 du code de la consommation prévoit que le droit du surendettement s’applique à l’EIRL « à raison d’une situation de surendettement résultant uniquement de dettes non professionnelles ».
La Cour de cassation a précisé que « la seule circonstance que le patrimoine affecté de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée relève de la procédure instituée par les titres II à IV du livre VI du Code de commerce […] n’était pas de nature à exclure le patrimoine non affecté du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement » (Civ. 2e, 27 sept. 2018).
Pour les anciens professionnels, l’article L.631-5 du code de commerce empêche l’ouverture d’une procédure de surendettement pendant un an après la cessation d’activité. Passé ce délai, seules les dettes domestiques peuvent être traitées dans le cadre du surendettement.
Protection des cautions et coobligés : quelle évolution ?
L’évolution du droit du surendettement n’a pas toujours été favorable aux cautions. La jurisprudence a établi que les remises consenties au débiteur principal ne bénéficient pas à la caution (Civ. 1re, 13 nov. 1996).
Cette position jurisprudentielle contestable s’écarte du principe d’accessoire du cautionnement prévu à l’article 2290 du code civil. Elle contraste avec le droit des entreprises en difficulté qui, à l’article L.626-11 du code de commerce, permet aux cautions personnes physiques de se prévaloir des dispositions du plan.
La loi du 1er août 2003 a toutefois apporté une amélioration en permettant aux cautions qui ne sont pas dirigeantes de bénéficier de la procédure de surendettement. L’article L.711-1 du code de la consommation inclut désormais « l’engagement qu’il a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société dès lors qu’il n’a pas été, en droit ou en fait, dirigeant de celle-ci ».
Les enjeux actuels et futurs
Le droit du surendettement doit encore relever plusieurs défis :
- La prévention du surendettement reste insuffisante. La tentative d’établir un registre national des crédits aux particuliers a été censurée par le Conseil constitutionnel (décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014).
- L’articulation entre bail d’habitation et surendettement demeure problématique malgré les améliorations apportées par la loi Elan du 23 novembre 2018.
- La situation des cautions mérite d’être reconsidérée. Le système actuel peut conduire à des situations où la caution est tenue plus sévèrement que le débiteur principal.
- La protection de la résidence principale s’est renforcée avec l’article L.711-1 alinéa 2 du code de la consommation, mais peut limiter l’appréciation globale de la situation financière du débiteur.
Le cabinet peut analyser votre situation personnelle d’endettement et vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter. L’évolution constante du droit du surendettement rend indispensable l’expertise d’un avocat spécialiste pour naviguer efficacement dans ces procédures complexes, y compris les voies d’exécution, et défendre au mieux vos intérêts. N’hésitez pas à prendre contact avec le cabinet pour un premier rendez-vous d’évaluation.
Sources
- Code de la consommation, articles L.711-1 à L.761-2
- Loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles
- Loi n°2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine
- Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
- Civ. 2e, 27 septembre 2018, n°17-10.090, publié au bulletin
- Civ. 1re, 13 novembre 1996, n°94-12.856, Bull. civ. I, n°492
- Conseil constitutionnel, décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014