Vous êtes victime(s) d’une saisie sur vos biens sur le fondement d’un contrat de prêt susceptible de contenir des clauses abusives mais vous n’avez pas eu l’occasion de le soulever préalablement : rien n’est perdu. Venez vite nous rencontrer !
LE CONTEXTE : Une saisie en présence d’une clause abusive
Le contexte est le suivant : il y a déjà plusieurs années, vous avez été condamné au paiement d’une certaine somme en vertu d’un contrat de prêt ou de cautionnement.
Ce contrat contient potentiellement une ou plusieurs clauses abusives qui n’ont jamais fait l’objet d’une vérification par le juge (par exemple, il est contractuellement prévu qu’en cas de défaillance de votre part, la déchéance du terme peut être prononcée sans mise en demeure préalable et donner lieu à l’exigibilité immédiate des sommes empruntées, il s’agit d’une clause abusive).
Si cette clause demeure appliquée cependant qu’elle est manifestement abusive, c’est parce que la décision qui sert de support à la saisie a été rendue hors votre présence soit par le biais d’une injonction de payer qui par nature n’est pas contradictoire, soit par le biais d’une procédure qui a certes été portée à votre connaissance, mais en un lieu où vous ne résidez plus !
Cette décision est à présent définitive. On dit qu’elle est revêtue de l’autorité de la chose jugée, ce qui, en d’autres termes, signifie qu’elle constitue une vérité judiciaire à défaut de représenter LA VERITE, et qu’à ce titre, elle ne peut normalement plus être remise en cause.
Vous venez d’en découvrir l’existence parce que vous avez fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée sur vos biens : saisie des rémunérations, saisie pratiquée sur les comptes bancaires, ou pire encore, saisie immobilière.
L’AUTORITE DE CHOSE JUGEE : un obstacle pas si insurmontable
Deux arguments de textes et une jurisprudence relativement bien établie nous donnaient à penser qu’effectivement, une fois la décision définitive rendue, il n’est plus possible de refaire le match et de soulever l’existence d’une ou plusieurs clauses abusives.
En vertu de l’article 480 du Code de procédure civile :
« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 ».
L’article 1355 du Code civil précise la triple condition permettant de revêtir le dispositif d’un jugement de l’autorité de chose jugée :
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
Bien connu, le principe de concentration des moyens (dont l’article R. 311-5 du Code des procédures civiles d’exécution constitue une application textuelle – voir notre article sur le sujet) issu de l’arrêt Césareo rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 7 juillet 2006 imposait au demandeur – et donc à l’emprunteur – de faire valoir, dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estimait de nature à fonder celle-ci. Si d’aventure il élevait une nouvelle demande, entre les mêmes parties, portant sur le même objet, celle-ci se heurtait à l’autorité de chose jugée.
Aussi, et en application de ces deux textes ainsi que dudit principe, il était classiquement retenu que le juge de l’exécution ne pouvait pas exercer de contrôle sur un titre exécutoire formellement correct et définitif, tel qu’une injonction de payer non frappée d’opposition et devenue exécutoire.
Impossible donc, pour le débiteur, de soulever l’existence d’une clause abusive au stade de la saisie de ses biens.
Et si d’aventure ce rempart que constitue l’autorité de chose jugée ne fonctionnait pas, il était alors toujours possible d’invoquer la prescription d’une telle demande.
LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR : un impératif primordial *
L’édifice semblait solide, mais c’était sans compter sur la Cour de Justice de l’Union Européenne qui a apporté la première brèche en 2017 dans un arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-21/14 : « dans l’hypothèse où, lors d’un précédent examen d’un contrat litigieux ayant abouti à l’adoption d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, le juge national s’est limité à examiner d’office, au regard de la directive 93/13, une seule ou certaines des clauses de ce contrat, cette directive impose à un juge national, régulièrement saisi par le consommateur, d’apprécier, à la demande des parties ou d’office dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif des autres clauses dudit contrat ».
A la suite de cet arrêt, plusieurs confrères audacieux ont tenté d’introduire une distinction entre le principe général de concentration des moyens et la concentration temporelle applicable à la seule procédure d’appel. En vain, la Cour de cassation retint qu’il se déduit des articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation, et 910-4 du code de procédure civile que : « le principe de concentration temporelle des prétentions posé par le troisième de ces textes ne s’oppose pas à l’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
17. Pour déclarer irrecevables les prétentions de Mme [L] en annulation de stipulations contractuelles abusives, l’arrêt retient que celles-ci auraient dû être présentées dans le premier jeu de conclusions d’appel, qu’elles ont été formées dans le troisième et qu’elles ne sont nullement destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
18. En statuant ainsi, sans examiner d’office le caractère abusif des clauses invoquées au regard des éléments de droit et de fait dont elle disposait, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » Cass. Civ. 1ère,2 février 2022, n° 19-20.640).
La seconde brèche a été apportée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt rendu en 2022. Saisie d’une question préjudicielle posée par un juge de l’exécution italien, la Cour devait répondre à la question de savoir si les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE ainsi que l’article 47 de la [Charte] s’opposent à une réglementation nationale qui empêcherait le juge de l’exécution de procéder à un contrôle intrinsèque du titre exécutoire passé en force de chose jugée et qui empêche le même juge, en cas de manifestation de volonté du consommateur de se prévaloir du caractère abusif de la clause contenue dans le contrat sur la base duquel le titre exécutoire a été obtenu, d’écarter les effets de l’autorité de la chose jugée implicite ? (CJUE, n° C-693/19, Arrêt de la Cour, SPV Project 1503 Srl et Dobank SpA contre YB et Banco di Desio e della Brianza SpA e.a. contre YX et ZW, 17 mai 2022)
Au terme d’une longue analyse du droit italien existant, des principes sous-tendus par l’autorité de chose jugée, et des impératifs de protection du consommateur, la Cour tranche donc en faveur d’une contrariété à la directive 93/13 de la législation qui empêcherait le Juge de l’exécution de contrôler l’éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à l’injonction de payer revêtue de l’autorité de chose jugée et non frappée d’opposition.
Depuis lors, tous les arrêts de la Cour de cassation n’ont de cesse de rappeler la construction jurisprudentielle européenne et de conclure que l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle en soi, à ce que le juge national soit tenu d’apprécier, sur la demande des parties ou d’office, le caractère éventuellement abusif d’une clause, même au stade d’une mesure d’exécution forcée (Voir pour deux exemples récents : Cass. Com, 8 février février 2023, 21-17.763, Publié au bulletin ; Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 avril 2023, 21-14.540, Publié au bulletin).
*Une limite évidente cependant : il ne faut que cet examen ait déjà été effectué à l’occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée.
NOTRE DEMARCHE EXPERIMENTALE CHEZ SOLENT AVOCATS : traquer les clauses abusives susceptibles de faire échec à la saisie au moins partiellement
On sait que le code de la consommation répartit les clauses abusives en deux catégories.
Il y a d’une part, une liste dite noire des clauses abusives, qui ne souffre aucune discussion. Leur seule présence au sein d’un contrat de prêt doit entraîner, d’office, la sanction du réputé non écrit.
En vertu de l’article R212-1 du Code de la consommation, sont irréfragablement illicites les clauses qui, par exemple, ont pour objet ou pour effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ou encore celles qui consistent à imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l’autre partie au contrat.
Il y a d’autre part une liste grise de clauses qui sont simplement présumées abusives, mais dont il est possible de rapporter la preuve contraire. A titre d’illustrations, en vertu de l’article R212-2 du Code de la consommation, sont présumées illicites, les clauses qui mettent à la charge du consommateur défaillant une indemnité d’un montant manifestement disproportionné, ainsi que celles qui visent à reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable.
Nous nous donnons pour mission de contraindre les sociétés saisissantes à produire les contrats de prêt et autres actes de cautionnement, au besoin sous astreinte, et de repérer les clauses abusives susceptibles de faire échec à la saisie ou, à tout le moins, d’en limiter les effets.