L’opposition est une voie de recours ordinaire qui permet à une partie défaillante de faire rétracter un jugement rendu par défaut. Contrairement à l’appel, elle ramène l’affaire devant la même juridiction. Sa particularité réside dans son effet dévolutif, qui provoque une véritable renaissance de l’instance.
1. La saisine et la mission du tribunal
Le juge compétent
L’opposition saisit la juridiction qui a rendu la décision par défaut. Ce principe s’applique que cette juridiction soit de droit commun ou d’exception, de premier ou second degré.
L’article 572, alinéa 1er, du Code de procédure civile précise que l’opposition « remet en question devant les mêmes juges, les points jugés par défaut pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. » Cette règle ne signifie pas que les magistrats doivent être physiquement les mêmes. Un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 1912 a clarifié ce point.
Question de l’impartialité du tribunal
Le fait que la même juridiction statue deux fois sur l’affaire soulève la question de l’impartialité. La Cour de cassation a tranché en faveur de la conventionnalité de cette procédure.
Dans un arrêt du 5 février 1997, la deuxième chambre civile a jugé que la voie de l’opposition ne méconnaît pas le principe d’impartialité. La Cour européenne des droits de l’homme adopte une position plus nuancée : elle estime qu’il y a atteinte à l’impartialité si le président du tribunal est le même qu’en première instance et que la décision n’est pas soumise au contrôle d’un organe judiciaire (CEDH, 26 août 1997, De Haan c/ Pays-Bas).
Recevabilité de l’opposition
Le tribunal doit vérifier la recevabilité de l’opposition avant d’examiner le fond. Les fins de non-recevoir peuvent être soulevées par le demandeur initial ou d’office par le juge lorsqu’elles présentent un caractère d’ordre public.
L’article 125 du Code de procédure civile impose au juge de relever d’office les fins de non-recevoir résultant de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.
2. La poursuite de l’instance initiale
Continuation de l’instance primitive
L’opposition n’ouvre pas une nouvelle instance mais provoque la continuation de l’instance initiale. Ce principe a des conséquences sur les délais de prescription.
L’interruption de la prescription provoquée par la citation initiale se poursuit jusqu’à ce que la nouvelle décision soit rendue. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 mars 1893 l’a confirmé.
Maintien des qualités procédurales des parties
L’article 576 du Code de procédure civile prévoit que « l’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition. »
Les parties conservent donc leurs qualités procédurales de l’instance initiale. Le demandeur à l’opposition reste défendeur à l’action, et le défendeur à l’opposition reste demandeur à l’action.
Conséquences sur la charge de la preuve
Cette règle a un impact direct sur la charge de la preuve. La Chambre sociale, dans un arrêt du 3 avril 1979, a rappelé que le demandeur initial doit toujours prouver le bien-fondé de sa prétention.
Seule exception : si le défendeur présente une demande reconventionnelle, il assume la charge de la preuve pour cette prétention.
3. L’étendue de l’effet dévolutif
Dévolution totale de la décision initiale
L’effet dévolutif de l’opposition est global. Le juge est saisi de l’ensemble des chefs de contestation examinés lors de l’instance initiale.
Ce principe rend possible une décision plus sévère pour l’opposant que celle rendue par défaut. La Cour d’appel de Paris l’a confirmé dans un arrêt du 7 mai 1954.
Réexamen complet au fond
Le tribunal doit procéder à un nouvel examen complet de l’affaire. Il apprécie les moyens au jour où il rend sa seconde décision, et non au jour du jugement par défaut.
Un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans (7 novembre 1884) a établi que toute circonstance nouvelle survenue depuis le jugement par défaut doit être prise en compte.
Moyens présentés par le défendeur et le demandeur
Le défendeur (opposant) peut contester tous les chefs de la décision, invoquer tous moyens de forme ou de fond, et même soulever l’incompétence de la juridiction.
Quant au demandeur initial, il peut présenter des demandes additionnelles (article 65 du Code de procédure civile) et reprendre les chefs de demande rejetés si les prétentions procèdent de la même cause et sont indissociables.
4. Les pouvoirs du tribunal
Mesures d’instruction
Le tribunal dispose des pouvoirs ordinaires d’instruction. Il peut ordonner toute mesure d’instruction, même si des mesures avaient déjà été ordonnées lors de l’instance initiale.
En cas de carence des parties, le tribunal peut appliquer les articles 469 et 470 du Code de procédure civile pour mettre fin à l’instance.
Arrêt possible de l’exécution provisoire
Si le jugement par défaut bénéficiait de l’exécution provisoire facultative, le tribunal peut l’arrêter en vertu de l’article 524 du Code de procédure civile.
En revanche, quand l’exécution provisoire est de droit, elle ne peut être arrêtée avant la rétractation de la décision. Un recours devant le premier président de la cour d’appel est alors possible.
Règles en matière de dépens
Les règles en matière de dépens sont désormais alignées sur le droit commun des articles 695 à 725 du Code de procédure civile.
L’article 696 attribue les dépens à la partie qui succombe, mais permet au tribunal de mettre tout ou partie des dépens à la charge de l’autre partie par décision motivée.
Pour maîtriser cette procédure complexe, un défendeur condamné par défaut devrait consulter un avocat. Les délais sont courts et les règles subtiles. Une erreur de procédure peut rendre l’opposition irrecevable, laissant le jugement par défaut définitif.
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Sources
- Code de procédure civile, articles 571 à 578, 695 à 725
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 février 1997, n° 95-13.504
- CEDH, 26 août 1997, De Haan c/ Pays-Bas
- Cour de cassation, 31 janvier 1912, DP 1912. 1. 323
- Cour d’appel de Paris, 2 mars 1893, DP 1894. 2. 210
- Cour d’appel de Paris, 7 mai 1954, JCP 1954. IV. 104
- Cour de cassation, chambre sociale, 3 avril 1979, n° 77-41.667
- CADIET et JEULAND, Droit judiciaire privé, 8e éd., 2013, LexisNexis
- DESDEVISES, Jugements par défaut et opposition, J.-Cl. Pr. civ., fasc. 540