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L’injonction de faire : conditions d’application

Table des matières

Votre prestataire n’a pas livré les meubles promis ? Un artisan a abandonné vos travaux ? Le droit français offre une procédure efficace pour les obliger à s’exécuter sans procès classique : l’injonction de faire. Cette procédure permet d’enjoindre rapidement un débiteur à exécuter son obligation. Encore faut-il respecter ses conditions précises.

1. Conditions relatives à l’obligation concernée

Une obligation de faire uniquement

La nature même de la procédure le confirme : seules les obligations de faire peuvent faire l’objet d’une injonction de faire. Comme l’explique l’article 1425-1 du Code de procédure civile, la procédure ne concerne que « l’exécution en nature d’une obligation » et plus précisément d’une « prestation ».

Concrètement, cela vise :

  • La livraison d’une chose commandée
  • La restitution d’un objet en dépôt
  • L’exécution de travaux à domicile
  • La délivrance de documents contractuels

Sont explicitement exclues :

  • Les obligations de donner
  • Les obligations de ne pas faire
  • Les obligations de payer une somme d’argent (qui relèvent de l’injonction de payer)

Origine contractuelle obligatoire

L’obligation doit impérativement être « née d’un contrat ». Ainsi, toute obligation découlant d’un quasi-contrat, d’un délit, d’un quasi-délit ou de la loi seule ne peut faire l’objet d’une injonction de faire.

Un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 3 septembre 2001 a clairement exclu les demandes de réparation découlant d’accidents ou de dégradations volontaires.

Mais attention aux nuances. Certaines obligations d’origine légale mais liées à un contrat peuvent être admises. Par exemple, l’obligation de délivrer un logement décent du bailleur (article 6 de la loi du 6 juillet 1989) a été jugée recevable par la Cour d’appel d’Amiens le 3 avril 2012.

2. Conditions économiques

Le plafond de 10 000 euros toujours en vigueur

Malgré la réforme de l’organisation judiciaire entrée en vigueur au 1er janvier 2020, le plafond de 10 000 euros reste applicable. L’article 1425-1 du Code de procédure civile, en renvoyant à l’article 817 puis à l’article 761, maintient ce seuil.

L’évaluation de la prestation est une condition de recevabilité. Elle ne peut être contournée par une prorogation de compétence.

L’évaluation : un exercice délicat

Le demandeur doit établir dès sa requête que « la valeur de l’objet de l’obligation » n’excède pas 10 000 euros. Cette évaluation se fait généralement par rapport au contrat lui-même :

  • Prix de vente de la chose à livrer
  • Coût de la prestation de service convenue

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 avril 1990 a confirmé qu’en l’absence de justificatifs permettant de vérifier la valeur de l’obligation, le rejet de la requête est inévitable.

Le Code de procédure civile n’impose toutefois pas de chiffrer exactement la demande. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a admis le 20 décembre 2000 qu’une demande de retrait d’objets entreposés devant une fenêtre entre dans le cadre de la procédure même si sa valeur n’est pas précisément déterminée.

3. Conditions liées à l’exécution

L’exécution en nature, unique finalité

L’article 1425-1 du Code de procédure civile est clair : seule l’exécution en nature peut être ordonnée. Le créancier ne peut pas demander des dommages-intérêts ou la résiliation du contrat par cette voie.

Seule exception : le demandeur peut préciser dans sa requête le montant des dommages-intérêts qu’il réclamerait en cas d’inexécution (article 1425-3 du Code de procédure civile).

La mise en demeure : recommandée mais non obligatoire

L’article 1221 du Code civil dispose que « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature ». Toutefois, d’un point de vue procédural, cette mise en demeure préalable n’est pas une condition de recevabilité de l’injonction de faire.

Elle reste néanmoins fortement conseillée car elle démontre la bonne foi du créancier et renforce le bien-fondé de son action.

Les limites à l’exécution forcée

Même si l’obligation de faire existe, l’exécution forcée en nature peut être exclue dans deux cas précis selon l’article 1221 du Code civil :

  1. L’impossibilité d’exécution
    • Impossibilité matérielle (disparition de l’objet)
    • Impossibilité juridique (cession à un tiers de bonne foi)
    • Impossibilité morale (atteinte aux libertés individuelles)
  2. La disproportion manifeste
    • Entre le coût pour le débiteur de bonne foi
    • Et l’intérêt pour le créancier

Cette dernière limite, introduite par l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, reste rarement applicable en pratique dans le cadre de l’injonction de faire.

4. Conditions relatives aux parties

Une obligation non commerciale

L’article 1425-1 du Code de procédure civile précise que l’injonction ne concerne que les obligations nées d’un contrat « conclu entre des personnes n’ayant pas toutes la qualité de commerçant ».

Sont donc exclus les contrats entre commerçants agissant dans le cadre de leur activité commerciale. Ces litiges relèvent du tribunal de commerce.

En revanche, la procédure reste accessible :

  • Entre deux non-commerçants
  • Entre un commerçant et un non-commerçant (contrat mixte)
  • Pour un commerçant contractant en dehors de son activité professionnelle

Cette distinction s’explique par la nature même de la procédure, conçue initialement pour protéger les consommateurs contre les professionnels.

À noter qu’un commerçant qui contracte en dehors de son activité professionnelle est considéré comme un consommateur et peut donc bénéficier de cette procédure.

Les conditions d’application de l’injonction de faire peuvent sembler nombreuses et techniques. Leur méconnaissance entraîne souvent le rejet de la requête, avant même que le juge n’examine le fond de la demande. Une analyse juridique préalable s’avère souvent nécessaire pour déterminer si cette procédure convient à votre situation et maximiser vos chances de succès.

Notre cabinet accompagne régulièrement des clients dans ces procédures et peut vous aider à déterminer si votre litige répond aux critères exposés. Contactez-nous pour une analyse personnalisée de votre dossier.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 1425-1 à 1425-9
  • Code civil, article 1221 (issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016)
  • Cour d’appel de Toulouse, 3 septembre 2001, RG n°2001/01504
  • Cour d’appel d’Amiens, 3 avril 2012, RG n°11/00778
  • Cour d’appel de Paris, 10 avril 1990, JurisData n°1990-023092
  • Cour d’appel de Paris, 20 décembre 2000, JurisData n°138734
  • LAHER Rudy, « Injonction de faire », Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2020

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