« `html
Dans l’arsenal procédural français, l’ordonnance sur requête constitue une arme redoutable. Cette procédure non contradictoire permet d’obtenir rapidement une décision de justice sans que l’adversaire en soit informé. Le prix de cette efficacité? Un système de contestation spécifique qu’il faut maîtriser pour défendre ses droits.
L’ordonnance sur requête et son régime particulier
L’ordonnance sur requête est définie à l’article 493 du Code de procédure civile comme « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». Cette procédure déroge au principe fondamental du contradictoire. En contrepartie, le législateur a prévu des voies de recours adaptées.
L’appel du requérant débouté : une voie restrictive
Lorsque la requête est rejetée, l’article 496 alinéa 1er du Code de procédure civile prévoit que le requérant peut interjeter appel. Cette voie est exclusivement réservée au requérant débouté.
Le délai d’appel est court : quinze jours à compter de la date de l’ordonnance. La jurisprudence a précisé que ce délai court à partir de la délivrance de la minute (Civ. 2e, 16 juillet 1992, n°90-21.922, Bull. civ. II, n°212).
L’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la matière gracieuse. Il doit être déposé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision et non directement à la cour d’appel. Cette particularité procédurale ne doit pas être négligée sous peine d’irrecevabilité.
Le référé-rétractation : un mécanisme original
Lorsque l’ordonnance fait droit à la requête, la voie de contestation ouverte aux tiers est le référé-rétractation, mécanisme prévu par l’article 496 alinéa 2 du Code de procédure civile.
Ce dispositif permet à toute personne qui s’estime lésée par l’ordonnance d’en « référer » au juge qui l’a rendue. Il ne s’agit pas d’un appel classique mais d’un réexamen contradictoire de l’affaire par le même juge.
La demande n’est soumise à aucun délai, ce qui constitue un avantage considérable. Elle peut même être présentée alors que le juge du fond est déjà saisi (article 497 CPC), comme l’a confirmé la jurisprudence (Civ. 2e, 6 janvier 1983, Gaz. Pal. 1983. Pan. 177).
Nature juridique controversée
La nature juridique du référé-rétractation fait débat. La Cour de cassation a tranché en considérant qu’il « ne constitue pas une voie de recours mais s’inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction » (Civ. 1re, 13 juillet 2005, n°05-10.519, Bull. civ. I, n°334).
Cette position, critiquée par certains auteurs, révèle la fonction première du mécanisme : restaurer le contradictoire temporairement écarté lors de la procédure initiale. Le référé-rétractation est un correctif procédural.
Présentation et procédure
Pour contester efficacement une ordonnance sur requête, plusieurs règles doivent être respectées :
- La demande doit être présentée au juge qui a rendu l’ordonnance, interprété comme le magistrat exerçant la fonction de juge des requêtes au moment de la demande en rétractation, peu importe qu’il s’agisse d’une personne physique différente (Civ. 2e, 11 mai 2006, n°05-16.678, Bull. civ. II, n°127).
- La demande doit être formée par assignation et non par requête (Civ. 2e, 7 janvier 2010, n°08-16.486).
- Le demandeur doit justifier d’un intérêt à agir, ce qui suppose que l’ordonnance lui fasse grief.
À noter que, contrairement au référé classique, il n’est pas nécessaire de démontrer l’urgence ou l’absence de contestation sérieuse. Le juge dispose des mêmes pouvoirs que lors de l’examen initial de la requête.
L’office du juge de la rétractation
Le juge de la rétractation procède à un nouvel examen de l’affaire à l’aune du contradictoire. Son office est précisément délimité par la jurisprudence.
Il doit d’abord vérifier la régularité de la procédure initiale. Si des irrégularités sont constatées (absence de motivation, non-remise des pièces), il doit rétracter l’ordonnance sans autre recherche (Civ. 2e, 30 janvier 2003, n°01-01.128, Bull. civ. II, n°25).
Le juge ne peut statuer que dans les limites de l’objet de la requête initiale. Il ne peut ordonner une mesure nouvelle (Civ. 2e, 20 février 1991, n°89-13.954, Bull. civ. II, n°61).
En pratique, le juge peut:
- Rejeter la demande et maintenir l’ordonnance
- Rétracter intégralement l’ordonnance
- Modifier partiellement l’ordonnance
Jurisprudence récente et évolutions
La jurisprudence récente a apporté plusieurs précisions importantes:
La Cour de cassation a clarifié que le juge doit prendre en compte les éléments portés à sa connaissance lors du débat contradictoire, y compris les faits survenus après l’ordonnance (Civ. 2e, 2 octobre 2001, n°99-12.382).
En 2018, elle a précisé que « la demande de mainlevée du séquestre des documents saisis par un huissier consécutivement à une mesure d’instruction relève du contentieux de l’exécution d’une telle mesure en sorte que le juge de la rétractation est incompétent pour en connaître » (Civ. 2e, 27 septembre 2018, n°17-20.127).
Plus récemment, elle a rappelé que « l’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire » (Civ. 2e, 19 mars 2020, n°19-11.323).
Quant aux ordonnances sur requête probatoires fondées sur l’article 145 du Code de procédure civile, le juge de la rétractation « doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui » (Civ. 2e, 7 juillet 2016, n°15-21.579).
La contestation d’une ordonnance sur requête requiert une stratégie bien pensée. Selon votre position, requérant insatisfait ou tiers lésé, les voies de recours diffèrent. Les délais, formalités et pouvoirs du juge varient également. Un conseil juridique personnalisé, notamment en matière de recouvrement de créances et de défense face aux mesures conservatoires, s’avère souvent déterminant. N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse de votre situation.
Sources
- Code de procédure civile, articles 493 à 498
- Civ. 2e, 16 juillet 1992, n°90-21.922, Bull. civ. II, n°212
- Civ. 1re, 13 juillet 2005, n°05-10.519, Bull. civ. I, n°334
- Civ. 2e, 11 mai 2006, n°05-16.678, Bull. civ. II, n°127
- Civ. 2e, 30 janvier 2003, n°01-01.128, Bull. civ. II, n°25
- Civ. 2e, 19 mars 2020, n°19-11.323
- Civ. 2e, 7 juillet 2016, n°15-21.579
- Civ. 2e, 27 septembre 2018, n°17-20.127, FS-P+B
« `