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La révolution des sûretés immobilières : disparition des privilèges spéciaux et réforme des hypothèques

Table des matières

Les sûretés immobilières constituent la pierre angulaire du crédit immobilier, tant pour les particuliers que pour les entreprises. L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a profondément remanié ce pan essentiel du droit des sûretés, procédant à des modifications structurelles parmi lesquelles la suppression pure et simple des privilèges immobiliers spéciaux se distingue comme la mesure phare. Cette réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, répond à un objectif de modernisation et de simplification du droit hypothécaire français, dont la complexité avait été régulièrement critiquée.

Ce bouleversement juridique, qui transforme radicalement le paysage des garanties immobilières, mérite d’être analysé en détail pour en comprendre les enjeux pratiques et les conséquences pour les propriétaires, les créanciers et les praticiens du droit.

Les dispositions générales sur les sûretés immobilières

Une définition et une classification maintenues

L’article 2375 du Code civil, qui remplace l’ancien article 2373, maintient la classification tripartite des sûretés immobilières, qui comprennent les privilèges, le gage immobilier et les hypothèques. S’y ajoute la propriété immobilière retenue ou cédée à titre de garantie.

Cette continuité structurelle masque cependant des changements profonds dans le contenu même de ces sûretés, particulièrement au niveau des privilèges immobiliers et des hypothèques.

Une simplification pour les personnes morales

L’article 2326 du Code civil, qui s’applique tant aux sûretés mobilières qu’immobilières, simplifie considérablement la constitution de sûretés réelles par les personnes morales. Désormais, une sûreté réelle peut être constituée sur les biens d’une personne morale en vertu de pouvoirs résultant de délibérations ou délégations établies sous signatures privées, même si la constitution de la sûreté nécessite un acte authentique.

Cette règle, auparavant limitée aux sociétés dans l’ancien article 1844-2 du Code civil (désormais abrogé), est étendue à toutes les personnes morales de droit privé, notamment les associations. Les personnes morales peuvent ainsi gagner en souplesse lors de la constitution d’hypothèques, sans nécessité de recourir à des pouvoirs notariés.

La réforme des privilèges immobiliers: généralisation

La disparition des privilèges immobiliers spéciaux

L’innovation majeure de la réforme réside dans la suppression pure et simple de la catégorie des privilèges immobiliers spéciaux. L’article 2376 du Code civil dispose désormais que les privilèges immobiliers sont généraux et dispensés de la formalité de l’inscription.

  • Du vendeur d’immeuble
  • Du prêteur de deniers
  • Du copartageant
  • Des architectes et entrepreneurs
  • Du syndicat des copropriétaires

Ces privilèges n’ont pas véritablement disparu, mais ont été transformés en hypothèques légales spéciales, comme nous le verrons plus loin.

Les raisons de cette suppression

Cette transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales répond à plusieurs objectifs:

  • Simplifier le droit des sûretés immobilières en réduisant le nombre de catégories juridiques
  • Harmoniser le régime des sûretés immobilières soumises à publicité
  • Supprimer l’effet rétroactif attaché aux privilèges spéciaux, source d’insécurité juridique

De fait, depuis la réforme de la publicité foncière par le décret du 4 janvier 1955, ces privilèges étaient déjà soumis à publicité, comme les hypothèques. Leur nature de privilège n’avait donc plus guère de justification pratique.

Les privilèges immobiliers généraux: liste réduite

L’article 2377 du Code civil énumère désormais les seules créances privilégiées sur la généralité des immeubles:

  • Les frais de justice (sous condition qu’ils aient profité au créancier auquel le privilège est opposé)
  • Les rémunérations et indemnités dues aux salariés, apprentis et autres bénéficiaires

Cette liste très réduite contraste avec l’abondance antérieure des privilèges immobiliers. L’article 2378 précise que ces privilèges s’exercent dans l’ordre de l’article 2377 et qu’ils priment le droit de préférence attaché au gage immobilier et à l’hypothèque.

Les hypothèques légales: extension du champ d’application

La réforme de 2021 a profondément modifié la portée des hypothèques légales. Ces changements clés ont notamment conduit à la transformation de nombreux privilèges immobiliers en hypothèques légales.

Les hypothèques légales générales

L’article 2393 du Code civil établit une liste des hypothèques légales générales, plus longue que celle de l’ancien article 2400. Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances auxquelles une hypothèque légale générale est attachée sont notamment:

  • Celles de l’un des époux contre l’autre
  • Celles des mineurs ou des majeurs en tutelle contre l’administrateur légal ou le tuteur
  • Celles de l’État, des départements, des communes et des établissements publics contre les receveurs et administrateurs comptables
  • Celles du légataire, sur les immeubles de la succession
  • Celles des frais funéraires
  • Celles ayant fait l’objet d’un jugement, contre le débiteur condamné
  • Celles du Trésor public et des Caisses de sécurité sociale

Certaines de ces hypothèques légales font l’objet de dispositions particulières dans le Code civil, comme celle des époux (limitée désormais au régime de participation aux acquêts) ou celle des mineurs et des majeurs en tutelle.

La requalification de l’hypothèque « judiciaire » attachée aux jugements

Une clarification importante concerne l’hypothèque traditionnellement appelée « judiciaire », attachée aux jugements de condamnation. L’article 2401 du Code civil la qualifie désormais expressément d’hypothèque légale, ce qui correspond à sa véritable nature juridique.

En effet, cette hypothèque résulte directement de la loi et non d’une décision judiciaire accordant spécifiquement cette garantie. Seule l’hypothèque judiciaire conservatoire, constituée à titre conservatoire par décision du juge, conserve la qualification d’hypothèque judiciaire (article 2408 du Code civil).

Les hypothèques légales spéciales: héritières des privilèges spéciaux

L’article 2402 du Code civil établit la liste des créances auxquelles une hypothèque légale spéciale est attachée. Cette liste reprend, sous une forme simplifiée, les anciens privilèges immobiliers spéciaux:

  1. La créance du prix de vente d’un immeuble est garantie sur celui-ci
  2. La créance de celui qui a fourni les deniers pour l’acquisition d’un immeuble est garantie sur celui-ci
  3. Les créances du syndicat des copropriétaires sont garanties sur le lot vendu du copropriétaire débiteur
  4. La créance d’un héritier ou d’un copartageant est garantie sur les immeubles partagés, donnés ou légués
  5. Les créances sur une personne défunte et les legs sont garantis sur les immeubles successoraux
  6. La créance de l’accédant à la propriété titulaire d’un contrat de location-accession est garantie sur l’immeuble objet du contrat
  7. Certaines créances de l’État et des collectivités territoriales liées à des mesures de police administrative

L’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires fait l’objet d’une extension notable: elle couvre désormais « les créances de toute nature » relatives à l’année courante et aux quatre dernières années échues, et non plus seulement les charges et travaux limitativement énumérés.

Les hypothèques conventionnelles: modernisation et assouplissement

L’hypothèque sur biens futurs: renversement du principe

L’article 2414 du Code civil opère un changement radical en disposant que « l’hypothèque peut être consentie sur des immeubles présents ou futurs ». Cette disposition renverse le principe ancien selon lequel l’hypothèque ne pouvait porter que sur des immeubles présents, les hypothèques sur biens futurs n’étant admises qu’à titre exceptionnel.

Cette évolution important aligne le régime de l’hypothèque sur celui des autres sûretés réelles, qui peuvent généralement porter sur des biens futurs. Elle facilite notamment les opérations de financement de projets immobiliers en cours de développement.

Le texte impose toutefois une condition de forme stricte: l’acte notarié doit désigner spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles futurs hypothéqués.

L’hypothèque rechargeable: maintien limité

L’hypothèque rechargeable, créée en 2006, supprimée en 2014, puis partiellement rétablie fin 2014, voit son régime confirmé par l’article 2416 du Code civil. Cette sûreté peut garantir des créances autres que celle mentionnée dans l’acte constitutif, à condition qu’il s’agisse de créances professionnelles.

L’ordonnance n’a pas suivi la proposition de l’avant-projet de la commission Grimaldi qui suggérait d’étendre l’hypothèque rechargeable à toute espèce de créance. Son utilisation reste donc limitée au monde professionnel.

Extension de la subrogation aux accessoires de la créance

L’article 2390 du Code civil apporte une précision importante: « L’hypothèque s’étend aux intérêts et accessoires de la créance garantie. Cette extension profite au tiers subrogé dans la créance pour les intérêts et autres accessoires qui lui sont dus. »

Cette disposition met fin à une controverse jurisprudentielle en précisant expressément que la subrogation dans la créance garantie emporte également subrogation dans tous les accessoires, notamment les intérêts conventionnels. Cette clarification est particulièrement bienvenue dans les opérations de refinancement de prêts immobiliers.

Les règles relatives à l’inscription et aux effets des hypothèques

Règles d’inscription simplifiées

Les règles relatives à l’inscription des hypothèques sont largement reprises des dispositions antérieures, avec quelques simplifications. L’article 2434 du Code civil dispose notamment que l’inscription conserve l’hypothèque pendant une durée de dix ans à compter du jour de sa publication.

La réforme supprime certaines règles jugées trop techniques qui figuraient autrefois dans le Code civil et qui relèvent désormais du niveau réglementaire.

Un droit de suite précisé

Les articles 2450 à 2460 du Code civil précisent les effets du droit de suite attaché à l’hypothèque. L’article 2455 reconnaît expressément au tiers acquéreur le droit d’opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal.

Cette précision est importante car elle met fin à une controverse jurisprudentielle sur l’étendue des moyens de défense que peut invoquer le tiers acquéreur d’un bien hypothéqué.

La procédure de purge simplifiée

La procédure de purge des hypothèques, qui permet au tiers acquéreur de libérer l’immeuble des hypothèques qui le grèvent en offrant de payer son prix d’acquisition, fait l’objet d’une simplification bienvenue. Les articles 2461 à 2472 du Code civil réorganisent les dispositions anciennes dans un ordre plus logique.

L’article 2472 innove en étendant la procédure de purge au gage portant sur un immeuble par destination. Cette extension était nécessaire pour tenir compte de la possibilité, désormais reconnue, de constituer un gage sur un tel bien (article 2334 du Code civil).

Un impact pratique considérable pour les professionnels et les particuliers

Cette réforme des sûretés immobilières, d’une ampleur inédite, va considérablement modifier les pratiques des professionnels du droit et de l’immobilier.

Pour les notaires, il s’agit d’adapter leurs formules d’actes et leurs conseils, notamment en matière de vente immobilière et de prêt immobilier. La disparition des privilèges spéciaux au profit d’hypothèques légales spéciales simplifie certes les concepts juridiques, mais impose une mise à jour des pratiques.

Pour les établissements bancaires, la réforme apporte des clarifications bienvenues, notamment sur la transmission des sûretés en cas de subrogation. Le renversement du principe d’interdiction des hypothèques sur biens futurs ouvre également de nouvelles perspectives pour le financement de projets immobiliers.

Pour les particuliers et les entreprises propriétaires d’immeubles, la réforme renforce la sécurité juridique en supprimant l’effet rétroactif attaché aux anciens privilèges spéciaux. Elle simplifie également la compréhension des mécanismes de garantie immobilière.

Cette réforme n’est pas une simple retouche technique mais une véritable refonte du droit des sûretés immobilières, qui allie simplification conceptuelle et renforcement de la sécurité juridique, tout en préservant l’efficacité des garanties.

Pour une analyse approfondie de l’impact de cette réforme sur vos garanties immobilières existantes ou pour la mise en place de nouvelles sûretés adaptées à vos besoins, notre cabinet se tient à votre disposition. Contactez-nous pour un conseil personnalisé en matière d’hypothèques qui prendra en compte les spécificités de votre situation patrimoniale ou de votre activité professionnelle.

Sources

  • Code civil, articles 2375 à 2474 (réformés par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021)
  • Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
  • Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière

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