Vous avez choisi le crédit-bail mobilier pour financer un nouvel équipement. C’est une étape importante. Maintenant, il est essentiel de bien comprendre les implications du contrat que vous allez signer ou que vous avez déjà signé. Ce document n’est pas une simple formalité ; il définit un cadre juridique précis qui encadre vos responsabilités (celles du locataire, aussi appelé crédit-preneur) mais aussi vos protections tout au long de la période de location. Ignorer ou mal interpréter certaines clauses peut avoir des conséquences non négligeables sur votre activité. Cet article a pour objectif de vous éclairer sur les points fondamentaux de ce contrat, en se concentrant sur votre rôle actif dans sa mise en place, vos obligations majeures pendant sa durée, et les droits essentiels qui vous protègent.
La mise en place du contrat : votre rôle actif
Contrairement à une idée reçue, vous n’êtes pas un simple utilisateur passif dans une opération de crédit-bail. Dès le départ, vous jouez un rôle déterminant.
Le choix du matériel et du fournisseur : votre liberté, votre responsabilité
L’un des grands principes du crédit-bail est que c’est vous, futur utilisateur, qui choisissez librement le matériel qui répond le mieux à vos besoins professionnels. Vous sélectionnez également le fournisseur ou le fabricant auprès duquel ce matériel sera acquis. Cette liberté de choix est un avantage indéniable, car elle vous assure d’obtenir l’outil précisément adapté à votre activité. Cependant, cette liberté s’accompagne d’une responsabilité : le crédit-bailleur, jouant principalement un rôle financier, n’intervient généralement pas dans ce choix technique. Sauf cas très particulier, la pertinence de l’équipement choisi relève donc de votre propre jugement et expertise.
La réception du bien : une étape fondamentale
Une fois le matériel commandé (souvent par le crédit-bailleur sur la base de votre sélection), vient le moment de la livraison. La réception du matériel est une étape juridique majeure. Elle est généralement formalisée par la signature d’un procès-verbal (PV) de réception ou de livraison. Pourquoi ce document est-il si important ?
- Il marque souvent le point de départ officiel de la location et donc de l’obligation de payer les loyers.
- En le signant, vous reconnaissez (sauf réserves expresses) que le matériel livré est conforme à la commande et en bon état de fonctionnement.
Il est donc primordial de vérifier attentivement le matériel avant de signer ce PV. Les contrats prévoient fréquemment un délai court (souvent huit jours) après la mise à disposition pour refuser la prise en charge et informer le fournisseur et le crédit-bailleur si le matériel n’est pas conforme ou présente des défauts apparents. Passé ce délai, vous êtes généralement réputé avoir accepté le matériel sans réserve vis-à-vis du crédit-bailleur. Signer ce document avec légèreté, ou pire « en blanc », peut vous priver de recours ultérieurs directs contre le bailleur pour des problèmes de conformité initiaux et déclencher le paiement du fournisseur par le crédit-bailleur, même si l’installation n’est pas complète ou satisfaisante.
Votre rôle de mandataire du bailleur
Juridiquement, lorsque vous choisissez le matériel et que vous le réceptionnez, vous agissez très souvent en qualité de mandataire du crédit-bailleur. C’est-à-dire que vous effectuez ces actes au nom et pour le compte de la société de crédit-bail, qui est juridiquement l’acheteur et le propriétaire du bien. Cette qualification a des implications : elle souligne votre responsabilité dans la bonne exécution de ces étapes initiales. Une négligence de votre part dans le choix ou la réception pourrait, théoriquement, engager votre responsabilité vis-à-vis du crédit-bailleur.
Vos obligations majeures pendant la durée du contrat
Une fois le matériel réceptionné et le contrat de location démarré, plusieurs obligations vous incombent en tant que locataire. Elles sont généralement détaillées dans les conditions générales de votre contrat.
Payer les loyers convenus
C’est l’obligation la plus évidente. Vous devez payer les loyers selon les montants, la périodicité (mensuelle, trimestrielle…) et les modalités prévues au contrat. Le non-paiement d’une seule échéance peut, selon les clauses, entraîner la résiliation anticipée du contrat et l’exigibilité d’indemnités. L’action en recouvrement des loyers impayés se prescrit généralement par cinq ans.
Utiliser le bien raisonnablement
Comme dans toute location, vous devez utiliser le matériel « en bon père de famille », c’est-à-dire avec soin, et conformément à l’usage pour lequel il est destiné (son usage professionnel normal). Vous ne pouvez pas modifier sa destination sans accord.
Entretenir et réparer le matériel
C’est un point qui différencie souvent le crédit-bail d’une location classique. Les contrats de crédit-bail mettent très fréquemment l’intégralité des frais d’entretien et de réparation à la charge du locataire, comme s’il en était propriétaire. Cela inclut non seulement l’entretien courant mais aussi les grosses réparations qui pourraient survenir. Cette dérogation à l’article 1720 du Code civil (qui met normalement les grosses réparations à la charge du bailleur) est valable car ce texte n’est pas d’ordre public. Vous êtes donc contractuellement responsable du maintien en bon état de fonctionnement du matériel.
Assurer le bien contre les risques
Le contrat vous impose quasi systématiquement de souscrire et de maintenir pendant toute la durée de la location une assurance couvrant le matériel contre les principaux risques : vol, incendie, dégâts matériels, responsabilité civile liée à son utilisation… Deux formules existent : soit vous souscrivez vous-même la police auprès de l’assureur de votre choix (en justifiant de cette couverture auprès du bailleur), soit le crédit-bailleur propose une assurance groupe à laquelle vous adhérez (les primes étant alors souvent collectées avec les loyers). En cas de sinistre total (destruction, vol…), le contrat prévoit généralement sa résiliation et le versement d’indemnités spécifiques au bailleur.
Respecter les obligations comptables de publicité
Même si le bien ne figure pas à l’actif de votre bilan, la loi impose une transparence sur vos engagements de crédit-bail. Vous devez mentionner dans l’annexe de vos comptes annuels des informations précises sur vos contrats en cours (valeur d’origine des biens, loyers payés et restant dus, valeur résiduelle…). L’objectif est de donner une image fidèle de votre situation financière aux tiers (banquiers, investisseurs, partenaires…). Ces obligations découlent notamment des articles R. 313-3 et suivants du Code monétaire et financier.
Respecter les interdictions contractuelles
Sauf autorisation expresse et écrite du crédit-bailleur, il vous est généralement interdit de :
- Sous-louer le matériel à un tiers.
- Prêter le matériel, même à titre gratuit.
- Céder le matériel ou le contrat lui-même. Si une cession du contrat est envisagée, elle nécessite l’accord du bailleur et peut prendre la forme d’une novation (changement de débiteur).
- Nantir le matériel (le donner en gage).
Le non-respect de ces interdictions constitue une violation du contrat et peut même, dans certains cas (comme la vente du bien appartenant au bailleur), relever de sanctions pénales comme l’abus de confiance.
Vos droits essentiels en tant que locataire
Face à ces obligations, vous bénéficiez également de droits importants qui visent à garantir que vous puissiez utiliser le matériel dans de bonnes conditions.
Le droit à la délivrance d’un matériel conforme
Le crédit-bailleur, même s’il ne choisit pas le matériel, a l’obligation fondamentale, découlant du contrat de location (inspiré de l’article 1719 du Code civil), de mettre à votre disposition un bien conforme à sa destination et à ce qui a été commandé. Cela inclut non seulement le matériel principal mais aussi ses accessoires indispensables à un usage normal (par exemple, le logiciel nécessaire au fonctionnement d’un ordinateur).
Si le matériel livré est impropre à l’usage prévu, ou s’il n’est tout simplement pas livré, le contrat de crédit-bail peut être considéré comme étant privé d’objet ou de cause, ce qui peut conduire à sa nullité ou à sa résiliation. Un retard important dans la livraison peut également justifier une demande de résiliation.
L’action en garantie contre le fournisseur
Que se passe-t-il si le matériel livré tombe fréquemment en panne, présente des défauts cachés (vices cachés) ou ne correspond pas aux performances attendues ? Normalement, dans une location simple, vous vous adresseriez à votre bailleur. Dans le crédit-bail, le mécanisme est différent et souvent plus direct pour vous.
La plupart des contrats de crédit-bail organisent un transfert au locataire des actions en garantie que le crédit-bailleur détient lui-même contre le fournisseur en tant qu’acheteur. Concrètement, cela signifie que vous pouvez agir directement contre le vendeur ou le fabricant pour faire valoir la garantie légale des vices cachés (article 1641 et suivants du Code civil) ou la garantie de conformité.
Ce transfert s’opère généralement par le biais d’un mandat donné par le bailleur dans le contrat de crédit-bail, vous autorisant à agir en son nom, ou parfois par un mécanisme assimilé à une cession de créance de garantie. L’avantage pour vous est considérable : vous n’avez pas besoin de passer par le crédit-bailleur pour faire valoir vos droits face à un matériel défectueux. Vous traitez directement avec le fournisseur.
Il est cependant essentiel de bien lire les clauses de votre contrat à ce sujet. Elles définissent l’étendue exacte des actions qui vous sont transférées et les modalités pour les exercer (par exemple, l’obligation d’informer préalablement le crédit-bailleur). Parfois, le contrat peut limiter les types de recours possibles.
En cas de litige technique avec le fournisseur, la première étape est donc de vérifier ce que prévoit votre contrat de crédit-bail sur le transfert de garantie, puis d’agir en conséquence, généralement après en avoir informé votre crédit-bailleur. Une action réussie contre le fournisseur (obtenant réparation, remplacement ou même résolution de la vente) aura bien sûr des répercussions sur la suite de votre contrat de crédit-bail.
Comprendre précisément l’étendue de vos obligations et de vos droits en tant que locataire est la clé pour une relation de crédit-bail sereine et efficace. Une lecture attentive du contrat et, en cas de doute ou de difficulté, un conseil juridique adapté sont recommandés.
Si vous rencontrez des difficultés dans l’exécution de votre contrat de crédit-bail, que ce soit concernant le paiement des loyers, l’état du matériel ou un litige avec le fournisseur, notre cabinet peut vous assister pour analyser votre situation et défendre vos intérêts. N’hésitez pas à nous contacter.
Sources
- Code civil : articles 1134, 1184, 1603, 1615, 1641 et suivants, 1709, 1719, 1721, 1728, 1991, 1992.
- Code monétaire et financier : articles R. 313-3 et suivants (publicité comptable).




