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Dénigrement et désorganisation : quand les attaques de vos concurrents deviennent illégales

Table des matières

La vie des affaires est souvent une compétition intense. Mais parfois, certains acteurs dépassent les limites de la simple rivalité économique pour s’engager dans des pratiques agressives visant directement à nuire à leurs concurrents. Répandre des rumeurs malveillantes, critiquer publiquement et de manière injustifiée les produits d’un rival, piller son personnel clé… Ces attaques frontales peuvent causer des dommages considérables et relèvent souvent de la concurrence déloyale. Parmi ces comportements agressifs, deux figures sont particulièrement fréquentes et préjudiciables : le dénigrement et la désorganisation. Quand une critique devient-elle une faute ? Où s’arrête la liberté d’embaucher et où commence le débauchage illégal ? Cet article décrypte ces pratiques, leurs manifestations concrètes et les lignes rouges à ne pas franchir.

Le dénigrement : jeter le discrédit sur votre entreprise ou vos produits

Le dénigrement, c’est l’art sombre de la critique malveillante dans le monde des affaires. Il consiste, pour un acteur économique, à jeter publiquement le discrédit sur un concurrent, ses produits, ses services ou son activité en général, dans le but de détourner sa clientèle ou de nuire à sa réputation. C’est une attaque directe contre l’image et la crédibilité d’une entreprise.

Pour qu’il y ait dénigrement sanctionnable, plusieurs éléments sont généralement réunis :

  1. Des propos critiques ou négatifs : Ils peuvent viser l’entreprise elle-même (son manque de sérieux, sa situation financière prétendument fragile, ses pratiques commerciales jugées douteuses…), ses dirigeants (leur incompétence, leur malhonnêteté…) ou, le plus souvent, ses produits ou services (qualité médiocre, dangerosité, prix excessifs, non-conformité…).
  2. Une publicité : Les propos dénigrants doivent être rendus publics, c’est-à-dire diffusés au-delà d’un cercle privé restreint. Peu importe le support : une campagne publicitaire, un article de presse, un post sur les réseaux sociaux, une circulaire adressée aux clients, une déclaration lors d’un salon professionnel, ou même des propos tenus oralement à des clients ou fournisseurs. Une diffusion même limitée (à quelques clients par exemple) peut suffire si elle est de nature à causer un préjudice.
  3. L’identification de la cible : L’entreprise ou le produit dénigré doit être identifiable, même s’il n’est pas nommément désigné. Si les critiques sont formulées de telle manière que la clientèle comprend sans ambiguïté qui est visé (par exemple, en faisant référence à une campagne publicitaire concurrente ou en étant le seul acteur sur un marché local), le dénigrement peut être caractérisé.
  4. Un caractère fautif : C’est le point crucial. Toute critique n’est pas un dénigrement. La liberté d’expression et le droit à l’information permettent de critiquer, de comparer, d’émettre des opinions négatives, surtout si cela concerne un sujet d’intérêt général (santé publique, environnement…). Pour que la critique devienne une faute, elle doit dépasser certaines limites. Le dénigrement est généralement retenu lorsque les propos sont :
    • Mensongers ou non vérifiés.
    • Excessifs, injurieux ou inutilement agressifs dans leur forme.
    • Présentés de manière tendancieuse ou partiale.
    • Visant principalement à nuire au concurrent plutôt qu’à informer objectivement.

Attention à un point essentiel : l’argument « mais c’est vrai ! » ne suffit généralement pas à échapper à la qualification de dénigrement. Contrairement à la diffamation (qui vise l’atteinte à l’honneur d’une personne), le dénigrement commercial peut être constitué même si l’information diffusée est exacte. Critiquer publiquement la qualité réelle mais médiocre d’un produit concurrent peut être considéré comme déloyal si l’intention malveillante ou la volonté de profiter de la situation est manifeste. La finalité et la mesure des propos sont déterminantes.

De même, si l’humour et la caricature peuvent parfois justifier des critiques piquantes (on pense à certaines émissions satiriques), ils ne sont pas un passe-droit absolu et peuvent constituer un dénigrement si l’intention de nuire est prédominante sous couvert de plaisanterie.

Enfin, il faut savoir que l’auteur du dénigrement n’est pas nécessairement un concurrent direct de la victime. Une association, un fournisseur, ou même un client mécontent qui dépasserait les limites de la simple critique pourraient voir leur responsabilité engagée pour dénigrement.

La désorganisation : perturber le fonctionnement interne de votre concurrent

La seconde forme d’attaque agressive est la désorganisation. Ici, l’objectif (ou l’effet) n’est pas tant de salir la réputation que de porter atteinte au bon fonctionnement interne de l’entreprise rivale ou, plus largement, de perturber les règles du jeu sur le marché. Comme pour le dénigrement, il n’est pas nécessaire de prouver une intention malveillante ; une action imprudente ayant pour effet de désorganiser un concurrent peut suffire.

On distingue généralement deux grands types de désorganisation :

1. La désorganisation de l’entreprise rivale

Elle vise directement les rouages internes de l’entreprise concurrente. Les méthodes sont variées :

  • Le débauchage de personnel : C’est sans doute le cas le plus fréquent et le plus sensible. Le principe est clair : la liberté du travail et la liberté d’embauche autorisent une entreprise à recruter des salariés venant d’une entreprise concurrente. De même, un salarié est libre de quitter son employeur pour rejoindre un concurrent (sauf clause de non-concurrence spécifique). Le simple fait d’embaucher plusieurs anciens salariés d’un rival n’est donc pas, en soi, un acte de concurrence déloyale. Quand le débauchage devient-il fautif ? Lorsque l’embauche s’accompagne de circonstances particulières révélant une intention de désorganiser ou ayant un effet déstabilisateur anormal. Les juges examinent alors un faisceau d’indices :
    • Le caractère massif et/ou simultané des départs : le départ concerté de toute une équipe commerciale, de plusieurs cadres clés au même moment, peut paralyser un service ou l’entreprise.
    • Le ciblage : viser spécifiquement les salariés qui détiennent un savoir-faire unique, les secrets de fabrication, ou qui entretiennent des relations privilégiées avec la clientèle stratégique.
    • Les manœuvres employées : incitations financières excessives et anormales pour attirer les salariés, dénigrement de l’ancien employeur auprès de ses propres salariés pour les pousser à partir, organisation active des démissions par le nouvel employeur…
    • L’effet réel : le débauchage a-t-il effectivement désorganisé l’entreprise victime, ou a-t-elle pu remplacer rapidement le personnel parti ? Un cas particulier est l’embauche d’un salarié qui était lié par une clause de non-concurrence valide avec son ancien employeur. Si le nouvel employeur connaissait (ou, selon les juges, aurait dû connaître, par exemple en raison des usages de la profession) l’existence de cette clause, il se rend complice de sa violation et commet une faute de concurrence déloyale envers l’ancien employeur.
  • La divulgation ou l’utilisation de secrets ou de savoir-faire : Obtenir ou utiliser des informations confidentielles appartenant à un concurrent (secrets de fabrication, stratégies commerciales, fichiers clients…) constitue un acte de désorganisation grave. Cela peut se produire via d’anciens salariés indélicats, mais aussi par des partenaires commerciaux (fournisseurs, sous-traitants) qui trahiraient la confiance placée en eux. Il est important de distinguer le savoir-faire général et l’expérience qu’un ancien salarié peut légitimement emporter avec lui, du savoir-faire spécifique et confidentiel appartenant à l’entreprise, qui lui, ne doit pas être divulgué ou utilisé au profit d’un nouveau concurrent. La protection du secret des affaires est d’ailleurs renforcée par une législation spécifique récente.
  • Autres actes de perturbation : On peut citer le détournement systématique de commandes destinées à un concurrent, l’espionnage industriel, la perturbation physique de l’accès à l’entreprise, la suppression ou la dégradation des supports publicitaires d’un rival…

2. La désorganisation générale du marché

Parfois, le comportement fautif ne vise pas une entreprise en particulier, mais perturbe l’équilibre concurrentiel de l’ensemble du marché. C’est notamment le cas lorsqu’une entreprise s’affranchit délibérément des réglementations qui s’imposent à tous les acteurs du secteur (règles fiscales, sociales, environnementales, normes techniques, licences obligatoires…). En ne respectant pas ces règles, elle bénéficie d’un avantage concurrentiel indu (coûts moins élevés, délais plus courts, accès facilité au marché…) qui fausse la compétition au détriment de tous les concurrents vertueux. Cette violation de la loi, en plus des sanctions administratives ou pénales éventuelles, peut être considérée comme un acte de concurrence déloyale permettant aux concurrents lésés de demander réparation.

Le dénigrement et la désorganisation représentent des formes particulièrement dommageables de concurrence déloyale. Ils témoignent d’une volonté de gagner non pas par le mérite, l’innovation ou l’efficacité, mais en affaiblissant ou en sabotant directement ses rivaux. Ces pratiques agressives sont non seulement préjudiciables pour les entreprises qui en sont victimes, mais elles minent aussi la confiance et l’équité nécessaires au bon fonctionnement des marchés.

Le dénigrement et la désorganisation peuvent gravement affecter votre activité. Si vous êtes confronté à de telles pratiques, il est important de réagir rapidement. Contactez notre cabinet pour examiner les recours possibles.

Sources

  • Code civil : Article 1240, Article 1241.
  • Code du travail : Articles L1227-1 (secret de fabrique), L1237-3 (rupture abusive par le salarié).
  • Code de commerce : Livre IV, Titre IV (mention des pratiques restrictives comme forme de désorganisation du marché).
  • Code de la consommation : Articles L121-1 et suivants (pratiques commerciales trompeuses), L122-1 et suivants (publicité comparative).
  • Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (mention pour distinction avec la diffamation).
  • Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires (mention).

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