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Quotas carbone, CEE, transferts sportifs : la comptabilité des cas spécifiques

Table des matières

Les principes généraux de comptabilisation, d’évaluation, d’amortissement et de dépréciation des actifs forment le socle commun des règles comptables. Cependant, la diversité des activités économiques et la spécificité de certains biens ou opérations nécessitent parfois des règles adaptées. Le Plan Comptable Général (PCG) prévoit ainsi des traitements particuliers pour certains éléments qui, par leur nature réglementaire ou leur caractère unique, sortent du cadre habituel. C’est le cas notamment des quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES), des certificats d’économie d’énergie (CEE) ou encore des indemnités versées lors du transfert de joueurs professionnels dans les clubs sportifs. Aborder correctement ces cas spécifiques est indispensable pour les entreprises concernées. De plus, l’identification des actifs non financiers revêt une importance particulière dans le cadre de l’application des normes spécifiques. En effet, ces actifs, souvent intangibles ou spécifiques à une industrie, nécessitent une évaluation rigoureuse afin de garantir la transparence et la fiabilité des états financiers. Ainsi, une approche minutieuse dans l’analyse et le traitement de ces actifs s’avère essentielle pour assurer une bonne gestion comptable et favoriser la prise de décision stratégique.

Quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES)

Dans le cadre des politiques environnementales de lutte contre le changement climatique, certaines entreprises industrielles sont soumises à des réglementations leur imposant de détenir des « quotas » pour couvrir leurs émissions de gaz à effet de serre (comme le CO2). Ces quotas, souvent alloués par l’État ou achetés sur un marché dédié, posent des questions comptables particulières traitées aux articles 615-3 et suivants du PCG.

Le PCG considère ces quotas d’émission comme des actifs, plus précisément comme une sorte de matière première de nature administrative. Ils sont donc comptabilisés dans des comptes de stocks. Ils sont « consommés » (sortis des stocks) soit lorsque l’entreprise émet effectivement des GES, soit lorsqu’elle les cède sur le marché.

La comptabilisation dépend ensuite du modèle économique pour lequel l’entreprise détient ces quotas. Le PCG distingue deux modèles, qui peuvent coexister :

  1. Le modèle « production » : L’entreprise détient les quotas principalement pour se conformer à ses obligations réglementaires, c’est-à-dire pour couvrir ses propres émissions.
  2. Le modèle « négoce » : L’entreprise détient les quotas dans le but de les revendre et de réaliser une plus-value, indépendamment de ses propres besoins de couverture.

Sous le modèle « production », les règles sont les suivantes :

  • Les quotas alloués gratuitement par l’État sont enregistrés en stocks pour une valeur nulle. L’idée est qu’ils sont donnés en contrepartie de l’obligation future de les restituer pour couvrir les émissions.
  • Les quotas achetés sur le marché sont enregistrés en stocks à leur coût d’acquisition.
  • Lorsque l’entreprise émet des GES, elle « consomme » ses quotas. La sortie des stocks est évaluée selon une méthode cohérente (FIFO – premier entré, premier sorti ou CUMP – coût unitaire moyen pondéré).
  • Si, à la clôture de l’exercice, les émissions de l’entreprise dépassent les quotas qu’elle détient (en stock), elle doit comptabiliser un passif (une provision pour charges). Ce passif correspond au coût estimé des quotas qu’elle devra acheter pour couvrir son déficit d’émissions.
  • Inversement, si les quotas détenus excèdent les émissions réalisées, l’excédent reste comptabilisé en stocks (évalués selon la méthode FIFO ou CUMP appliquée).
  • Si l’entreprise cède des quotas détenus dans ce cadre, la plus ou moins-value de cession est comptabilisée en résultat d’exploitation.

Sous le modèle « négoce », la logique est plus simple :

  • Les quotas sont comptabilisés en stocks à leur coût d’acquisition.
  • Ils ne sont pas consommés par les émissions de l’entreprise, même si elle est soumise à la réglementation. Leur finalité est la revente.
  • Les plus ou moins-values réalisées lors de la cession sont comptabilisées en résultat d’exploitation.
  • Le PCG précise que les quotas gérés sous le modèle « production » et ceux gérés sous le modèle « négoce » doivent faire l’objet d’une évaluation distincte à l’inventaire.

Des règles similaires s’appliquent aux autres « unités » liées aux émissions de GES (comme les crédits carbone issus de projets), mais le modèle « production » ne peut être utilisé que si ces unités sont effectivement utilisables pour remplir les obligations réglementaires de l’entreprise. Des informations spécifiques sur les modèles retenus, les émissions, les passifs éventuels et la gestion du risque CO2 doivent être fournies en annexe.

Certificats d’économie d’énergie (CEE)

Un mécanisme similaire existe en France pour inciter les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, fioul…) à promouvoir les économies d’énergie auprès de leurs clients : les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE). Ces certificats, qui représentent une quantité d’énergie finale économisée (en kWh cumac), sont délivrés par l’État aux acteurs réalisant ou faisant réaliser des opérations d’économie d’énergie éligibles. Les fournisseurs d’énergie (« les obligés ») doivent justifier, à la fin de chaque période, de la détention d’un certain volume de CEE proportionnel à leurs ventes d’énergie. Ces CEE peuvent être obtenus via leurs propres actions, achetés à d’autres acteurs (non obligés ou autres obligés excédentaires) sur un marché, ou obtenus via des contributions financières à des programmes.

Comptablement, le PCG (art. 616-8 et s.) traite les CEE comme des biens meubles négociables, considérés comme une fourniture de nature administrative. Comme les quotas GES, ils sont comptabilisés dans des comptes de stocks. Ils sont sortis des stocks soit lors de leur « consommation » pour remplir l’obligation (liée aux ventes d’énergie), soit lors de leur cession sur le marché.

De même, le PCG distingue deux modèles économiques :

  1. Le modèle « économie d’énergie » : L’entreprise (généralement un obligé) détient les CEE pour remplir ses obligations réglementaires.
  2. Le modèle « négoce » : L’entreprise détient les CEE principalement dans le but de les revendre.

Sous le modèle « économie d’énergie » :

  • Les CEE obtenus directement de l’État (suite à des actions d’économie d’énergie) sont enregistrés en stocks à leur coût de production (coût des actions menées pour les obtenir).
  • Les CEE acquis sur le marché sont enregistrés à leur coût d’acquisition.
  • Les CEE sont considérés comme consommés par la survenance du fait générateur de l’obligation, c’est-à-dire les ventes d’énergie qui créent cette obligation. Ceux qui sont conservés spécifiquement pour être restitués à l’État à la fin de la période pour prouver le respect de l’obligation ne sont plus considérés comme des actifs une fois le fait générateur passé.
  • La sortie des stocks (pour consommation ou cession) est évaluée selon une méthode cohérente (FIFO ou CUMP).
  • Si à la clôture, l’obligation générée par les ventes d’énergie excède les CEE détenus ou attendus, un passif doit être constaté pour le coût estimé des CEE manquants.

Sous le modèle « négoce », comme pour les quotas GES, les CEE sont enregistrés en stocks à leur coût d’acquisition et les profits ou pertes de cession sont enregistrés en résultat d’exploitation. Une évaluation distincte est nécessaire si les deux modèles coexistent.

Indemnités de mutation des joueurs professionnels

Le monde du sport professionnel, et notamment du football, connaît des transactions financières importantes lors du transfert de joueurs entre clubs. Les indemnités versées par un club pour acquérir un joueur sous contrat avec un autre club font l’objet d’un traitement comptable spécifique dans le PCG (art. 613-1 et s.), applicable aux sociétés sportives visées par le Code du sport.

Le PCG analyse ces indemnités de mutation comme l’acquisition de droits contractuels. Ces droits permettent au club acquéreur d’obtenir les avantages économiques futurs liés à la présence du joueur dans son équipe (performances sportives, revenus marketing…). Ces droits sont donc considérés comme une immobilisation incorporelle. Pour être comptabilisée à l’actif, l’opération doit satisfaire aux critères généraux : probabilité des avantages futurs et évaluation fiable du coût.

L’évaluation initiale se fait au coût d’acquisition (l’indemnité versée). Un cas particulier est celui des échanges de joueurs. Le PCG considère qu’il n’existe pas de marché actif pour les joueurs (chaque contrat étant unique et négocié individuellement). Par conséquent, en cas d’échange, l’évaluation ne peut se faire à la valeur vénale. Le joueur « reçu » est évalué à la valeur nette comptable du joueur « cédé » dans les comptes du club. Si une soulte est versée en plus de l’échange, elle s’ajoute à la valeur de l’immobilisation. Si une soulte est reçue, elle vient en déduction (et en résultat pour l’excédent éventuel).

Cette immobilisation incorporelle (« droits sur contrat de joueur ») est amortissable, car son utilisation est limitée dans le temps par la durée du contrat du joueur acquis. Le PCG (art. 613-4) précise même que la durée d’amortissement ne peut excéder cinq ans, même en cas de renouvellement ultérieur du contrat (car le renouvellement se fait entre le club et le joueur, alors que l’indemnité initiale bénéficiait à un autre club). Le mode d’amortissement linéaire est considéré comme le plus approprié.

Enfin, ces actifs sont soumis aux tests de dépréciation. En l’absence de valeur vénale fiable, la valeur actuelle est déterminée par la valeur d’usage. Le calcul des flux de trésorerie futurs attendus liés au joueur doit être fait avec prudence, surtout si le club est en déficit récurrent. Le test de dépréciation doit être mené à deux niveaux : au niveau global de l’équipe (considérée comme une unité génératrice de trésorerie) et au niveau individuel du joueur si des indices de perte de valeur apparaissent (baisse de performance, blessure longue durée, faible participation aux matchs…). Pour comprendre la dépréciation des actifs, il est essentiel d’analyser les performances passées et les perspectives futures des joueurs. De plus, la prise en compte des conditions du marché et des attentes des fans peut également influencer l’évaluation de ces actifs. Une approche rigoureuse dans cette analyse permettra d’anticiper les impacts financiers et de mieux gérer les ressources du club.

Rappel sur les logiciels et sites internet

Nous avons déjà évoqué dans un précédent article les règles spécifiques à l’activation des coûts de création des logiciels et sites internet développés en interne. Rappelons brièvement que la distinction entre phase de recherche (toujours en charges) et phase de développement (activable sous conditions strictes de faisabilité, d’intention, de capacité, d’avantages futurs et d’évaluation fiable) est essentielle. Les coûts activables pour les logiciels concernent principalement la conception détaillée, la programmation, les tests et la documentation technique. Pour les sites internet, cela inclut notamment le nom de domaine, le matériel/logiciel d’exploitation, le développement du code, le contenu initial et les graphiques. Les dépenses ultérieures sur ces actifs sont généralement comptabilisées en charges, sauf si elles augmentent significativement les performances initiales et peuvent être évaluées de manière fiable.

La comptabilité s’adapte aux spécificités de certaines activités. Maîtriser ces règles particulières est indispensable pour les entreprises concernées. Pour une application correcte des normes à votre situation, consultez notre cabinet.

Sources

  • Plan Comptable Général (tel qu’issu notamment du Règlement ANC n° 2014-03 et ses mises à jour ultérieures), Articles 611-2 et s., 612-1 et s. (Logiciels et sites internet), 613-1 à 613-7 (Indemnités de mutation sportives), 615-3 à 615-10, 615-12 à 615-17, 615-19, 615-22 (Quotas GES), 616-8 à 616-12, 616-15, 616-16 (CEE).
  • Code du sport (notamment articles L. 122-1 et s. pour le cadre des sociétés sportives).
  • Code de l’environnement (notamment article L. 229-7 pour le contexte des quotas d’émission alloués).

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