Vous avez identifié le titre de séjour qui correspond à votre projet entrepreneurial en France ? Félicitations, c’est une étape importante. Maintenant, il faut vous préparer à franchir les suivantes : les démarches administratives pour obtenir concrètement cette autorisation de séjour et de travail. Que vous soyez encore à l’étranger ou déjà sur le territoire français sous un autre statut, la procédure demande rigueur et anticipation. Cet article détaille les parcours possibles, les documents généralement exigés et les points de vigilance pour mettre toutes les chances de votre côté.
Demander le titre depuis l’étranger : la voie du visa long séjour
Si vous résidez hors de France, la première étape pour venir y créer ou gérer votre entreprise est d’obtenir un visa de long séjour adapté à votre projet. La demande se fait auprès des autorités consulaires françaises (consulat ou ambassade) de votre pays de résidence habituelle, comme le précise l’article R. 313-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Si vous envisagez de créer une activité
Le cœur de votre demande sera de démontrer le sérieux et la viabilité de votre projet entrepreneurial. Les services consulaires vont évaluer si votre future activité a des chances raisonnables de réussir et de vous permettre de subvenir à vos besoins. Pour cela, vous devrez fournir un dossier convaincant, incluant typiquement :
- Un business plan détaillé présentant votre projet, votre étude de marché, votre stratégie commerciale.
- Un budget prévisionnel sur plusieurs années, montrant les dépenses et les revenus attendus.
- Des justificatifs prouvant que vous respecterez la réglementation française applicable à votre secteur d’activité (conditions de diplôme, licences nécessaires, etc.).
L’administration française, via le consulat, portera une attention particulière à la solidité économique de votre projet. Si votre dossier est jugé convaincant, le visa de long séjour pourra vous être accordé.
Si vous envisagez de participer à une activité existante
Si votre projet consiste à rejoindre une entreprise déjà établie en France (en tant que dirigeant, associé actif, etc.), la démarche est un peu différente. Il faudra prouver non seulement l’existence et l’effectivité de cette entreprise, mais aussi sa capacité à vous procurer des ressources suffisantes. Le seuil de référence est généralement un revenu au moins équivalent au SMIC français pour un emploi à temps plein. Vous devrez fournir des documents relatifs à l’entreprise (statuts, Kbis, bilans…) et à votre futur rôle ou rémunération. Si les garanties sont jugées suffisantes, le visa pourra être délivré.
L’arrivée en France
Une fois le visa long séjour obtenu, il vous permettra d’entrer en France. Selon le type exact de visa délivré (notamment s’il s’agit d’un VLS-TS – Visa Long Séjour valant Titre de Séjour), vous devrez accomplir certaines démarches à votre arrivée : validation en ligne de votre visa dans les premiers mois, ou demande de votre première carte de séjour directement en préfecture. Il est essentiel de bien se renseigner sur les formalités spécifiques liées à votre visa dès son obtention.
Changer de statut depuis la France : passer d’un autre titre à entrepreneur
Si vous résidez déjà légalement en France sous un autre statut (étudiant, salarié, visiteur…) et que vous souhaitez créer ou reprendre une activité non salariée, vous devez impérativement demander un changement de statut. Cette demande se dépose auprès de la préfecture (ou sous-préfecture selon les départements) de votre lieu de résidence.
Les conditions de fond sont similaires à celles d’une demande depuis l’étranger : vous devrez prouver la viabilité de votre projet de création ou la capacité de l’entreprise rejointe à vous assurer des revenus suffisants. La préfecture évaluera votre dossier sur ces aspects économiques.
Elle effectuera également des contrôles supplémentaires, notamment pour s’assurer que votre activité ne risque pas de porter atteinte à la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publiques, et que vous ne faites pas l’objet en France d’une interdiction de gérer ou d’exercer une activité commerciale ou artisanale.
Si votre demande est acceptée, la préfecture vous délivrera d’abord un récépissé qui, souvent, vous autorise déjà à commencer vos démarches de création (notamment l’immatriculation au RCS ou au RM). Une fois l’immatriculation effective et présentée à la préfecture, votre carte de séjour mention « entrepreneur/profession libérale » ou « passeport talent » vous sera remise.
Le dossier de demande : les pièces justificatives essentielles
Que la demande soit faite depuis l’étranger ou depuis la France, la constitution d’un dossier complet et bien organisé est absolument déterminante. Les listes de pièces peuvent varier légèrement d’un consulat ou d’une préfecture à l’autre, et selon votre situation précise. Il est donc impératif de toujours vérifier la liste exacte et à jour fournie par l’administration compétente.
Néanmoins, on peut distinguer les grands types de documents habituellement requis, en se basant notamment sur les exigences historiques (comme celles formalisées par l’arrêté du 12 septembre 2007, même s’il convient de vérifier son actualité).
Documents généraux (communs à la plupart des demandes)
Ces pièces visent à établir votre identité, votre situation personnelle et votre régularité administrative :
- Votre passeport en cours de validité (et le visa si demande depuis l’étranger).
- Des justificatifs d’état civil (acte de naissance avec filiation, traduit si nécessaire ; acte de mariage/divorce le cas échéant).
- Un justificatif de domicile en France (ou de votre lieu de résidence à l’étranger pour une demande de visa). Cela peut être une quittance de loyer, une facture d’énergie récente, un titre de propriété, ou une attestation d’hébergement avec justificatif de domicile et pièce d’identité de l’hébergeant.
- Des photos d’identité récentes et conformes aux normes françaises.
- Des preuves de non-condamnation : extrait de casier judiciaire de votre pays d’origine et/ou des pays où vous avez résidé récemment. Une déclaration sur l’honneur de non-condamnation peut aussi être demandée.
- Une déclaration sur l’honneur de non-faillite personnelle dans les pays où vous avez résidé ou exercé une activité.
- Si vous demandez un changement de statut depuis la France : votre titre de séjour actuel, et souvent vos derniers avis d’imposition français pour prouver votre situation fiscale régulière.
Documents spécifiques au projet d’entreprise
C’est le cœur de votre dossier, destiné à prouver le sérieux et la viabilité de votre démarche entrepreneuriale.
- Pour tous les projets :
- Une présentation détaillée du projet : souvent sous forme de business plan, incluant étude de marché, stratégie, points forts et points faibles.
- Un budget prévisionnel réaliste sur au moins 3 ans, détaillant les investissements, les charges et les prévisions de chiffre d’affaires.
- Des justificatifs de vos moyens financiers pour lancer et soutenir l’activité : attestation de solde créditeur suffisant sur un compte bancaire ouvert en France, ou engagement de cautionnement pris par une banque ou une compagnie d’assurance agréée établie en France. Le montant exigé varie selon la nature et l’ampleur du projet.
- Si vous créez une activité (en nom propre ou via une société) :
- Un justificatif concernant les locaux : promesse de bail commercial mentionnant l’activité prévue, contrat de domiciliation commerciale, acte de propriété…
- Si vous créez une société : le projet des statuts de la société, précisant la forme juridique, le capital social, l’objet, la répartition des parts/actions, et votre rôle.
- Si vous reprenez un fonds de commerce ou prenez une location-gérance :
- La promesse ou l’acte de vente du fonds, ou le contrat de location-gérance.
- Un extrait Kbis (pour un commerce) ou D1 (pour un artisanat) de moins de 3 mois du vendeur ou du bailleur du fonds.
- Une copie du bail commercial principal au nom du propriétaire du fonds.
- Si vous participez à une entreprise existante (comme dirigeant, associé actif…) :
- Un extrait Kbis/D1 récent de l’entreprise concernée.
- Les statuts à jour de la société.
- Le justificatif de votre nomination ou de votre rôle futur (procès-verbal d’assemblée générale, lettre d’intention de nomination…).
- Des éléments prouvant la santé et la régularité de l’entreprise : derniers bilans comptables, bordereau de situation fiscale (formulaire P237), attestation de compte à jour de l’URSSAF.
- Un justificatif des revenus que vous allez tirer de cette activité : si vous devenez salarié de l’entreprise, votre contrat de travail ; sinon, une attestation d’un expert-comptable certifiant la rémunération prévue ou celle perçue par votre prédécesseur, démontrant qu’elle atteint au moins le niveau du SMIC.
Documents pour la carte « recherche d’emploi ou création d’entreprise »
Pour cette carte spécifique, il faudra fournir :
- La preuve de l’obtention de votre diplôme (niveau Master ou équivalent) ou de l’achèvement de vos travaux de recherche en France.
- Une attestation d’assurance maladie.
- Une description détaillée de votre projet de création d’entreprise, expliquant son lien avec votre formation ou vos recherches et démontrant son caractère réel et sérieux.
Renouveler son titre de séjour entrepreneur : prouver la continuité
Votre première carte de séjour arrive à expiration ? Pour continuer votre activité en France, vous devez en demander le renouvellement. Cette demande doit être déposée en préfecture, idéalement dans les deux mois précédant la date d’échéance de votre titre actuel pour éviter toute rupture de droits.
L’enjeu principal du renouvellement est de prouver que votre activité est non seulement réelle, mais aussi qu’elle vous permet de dégager des ressources suffisantes, toujours par référence au niveau du SMIC annuel brut. L’administration vérifiera également que votre entreprise respecte ses obligations légales et réglementaires.
Les documents typiquement demandés pour un renouvellement incluent :
- Votre titre de séjour actuel et votre passeport.
- Un justificatif de domicile récent et des photos d’identité.
- La preuve de la continuité de votre activité : un extrait Kbis ou D1 récent.
- Le justificatif de vos locaux professionnels (bail, contrat de domiciliation…).
- La preuve de vos ressources : votre dernier avis d’imposition sur le revenu, et/ou des justificatifs de revenus récents (bulletins de salaire si vous êtes salarié de votre propre structure, attestation de rémunération de votre expert-comptable, extraits de votre livre de comptes ou de vos comptes professionnels montrant les revenus générés par l’activité sur les 12 derniers mois…).
- La preuve de la régularité de votre entreprise : une attestation de régularité fiscale récente (souvent appelée « attestation de vigilance » ou issue du compte fiscal professionnel), et une attestation similaire de l’URSSAF.
- Une attestation d’assurance couvrant votre responsabilité civile professionnelle ou votre activité.
Ne pas pouvoir justifier de revenus suffisants tirés de l’activité est l’un des principaux motifs de refus de renouvellement.
Que faire en cas de refus ?
Malgré tous vos efforts, il peut arriver que votre demande (de visa, de première carte ou de renouvellement) soit refusée. L’administration doit vous notifier sa décision par écrit et la motiver, c’est-à-dire expliquer les raisons du refus.
Les motifs peuvent être variés : projet jugé économiquement non viable, ressources estimées insuffisantes, activité non conforme à la réglementation, non-respect de vos obligations fiscales ou sociales, menace à l’ordre public… Un refus de renouvellement ou de changement de statut peut avoir des conséquences importantes, y compris l’obligation de quitter le territoire français si vous n’avez pas d’autre droit au séjour.
Heureusement, des voies de recours existent :
- Le recours gracieux : Vous pouvez écrire au préfet (ou au consulat) qui a pris la décision pour lui demander de la revoir, en apportant de nouveaux éléments ou en contestant les motifs invoqués. Si le refus était basé sur des aspects économiques, la préfecture peut réexaminer ces éléments, éventuellement en s’appuyant sur une nouvelle analyse technique.
- Le recours hiérarchique : Vous pouvez vous adresser au supérieur de l’autorité qui a refusé, c’est-à-dire le Ministre de l’Intérieur, généralement dans un délai de deux mois après la notification du refus.
- Le recours contentieux : Si les recours administratifs n’aboutissent pas, ou en parallèle, vous pouvez saisir le tribunal administratif compétent pour contester la légalité de la décision. Le délai est généralement de deux mois à compter de la notification du refus (attention, des délais plus courts peuvent s’appliquer en cas d’OQTF). C’est à ce stade qu’une argumentation juridique solide, préparée avec un avocat, est essentielle pour défendre vos droits.
Monter un dossier solide, anticiper les exigences parfois complexes de l’administration et connaître les procédures est déterminant pour le succès de votre projet d’installation en France en tant qu’entrepreneur. Les détails peuvent faire la différence. Pour une assistance dans la préparation de votre dossier, la compréhension des subtilités réglementaires et la navigation dans les procédures de demande ou de renouvellement, contactez notre cabinet.
Sources
- Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), notamment articles L. 311-4 (ancienne rédaction), L. 313-7, L. 313-10, L. 313-20, R. 311-2 (ancienne rédaction), R. 313-3-1, R. 313-16.
- Code de commerce.
- Arrêté du 12 septembre 2007 relatif aux pièces justificatives à produire à l’appui des demandes de titres de séjour (sous réserve d’actualisations par les préfectures/consulats).
- Jurisprudence administrative (ex : CAA Paris, 19 janv. 2021, n° 20PA02407).
- Jurisprudence judiciaire (ex : Soc. 29 nov. 2023, n° 22-10.004).