Vente sur licitation de navires : indivision et régime quirataire

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La propriété d’un navire n’est pas toujours l’apanage d’une seule personne ou entité. Qu’il s’agisse d’un héritage, d’un achat en commun ou d’un montage d’exploitation, plusieurs personnes peuvent se retrouver copropriétaires d’un même bâtiment. Cette situation, si elle n’est pas correctement encadrée, peut mener à des blocages, notamment lorsqu’un ou plusieurs des propriétaires souhaitent se retirer. La vente sur licitation est alors l’une des voies juridiques permettant de sortir de l’impasse. Cette procédure technique aboutit à la vente aux enchères du navire afin que sa valeur soit partagée entre les différents ayants droit. Dans ces situations complexes, où les enjeux financiers et juridiques sont élevés, l’assistance d’un avocat expert en saisie de navire et en procédures de vente est déterminante pour protéger les intérêts de chaque partie.

Qu’est-ce que la vente sur licitation de navires ?

La vente sur licitation est un mécanisme juridique qui permet de mettre fin à une situation de propriété collective sur un bien qui ne peut être partagé en nature. Un navire, par définition, est indivisible. On ne peut pas le découper en plusieurs lots. La licitation consiste donc à le vendre en bloc, généralement aux enchères publiques, pour en répartir le prix de vente entre les copropriétaires.

Définition et distinctions (vs. vente forcée)

Il est important de ne pas confondre la licitation avec une vente forcée classique. La vente sur licitation trouve son origine dans la volonté de cesser une copropriété. Elle est initiée par un des copropriétaires (ou son créancier) qui ne souhaite plus rester dans cette situation. L’objectif premier est de transformer le bien en liquidités pour permettre un partage. C’est une procédure qui organise la sortie d’une situation de propriété partagée. Pour le dire autrement, la cause de la vente est la fin de la propriété commune.

À l’inverse, la vente forcée résulte d’une mesure d’exécution. Elle est la conséquence d’une procédure de saisie-exécution des navires, engagée par un créancier pour recouvrer une dette impayée. Dans ce cas, la vente n’est pas liée à la structure de propriété du navire, mais à l’existence d’une créance. Même si la finalité, une vente aux enchères publiques, peut paraître identique, le fondement de l’action est radicalement différent. La licitation s’inscrit donc dans le cadre plus large des ventes aux enchères de bateaux, navires et aéronefs mais avec une cause juridique qui lui est propre.

Le cadre légal spécifique (Loi n°67-5 du 3 janvier 1967, Décret n°67-967 du 27 octobre 1967)

Le droit maritime français encadre précisément le statut des navires et les opérations qui les affectent. La loi fondatrice est celle du 3 janvier 1967, complétée par son décret d’application du 27 octobre 1967. Ces textes établissent les règles de propriété, d’hypothèque et de vente des navires. Pour la licitation, ils posent un principe essentiel : la procédure applicable est celle de la saisie d’exécution. Autrement dit, même si la cause de la vente est différente, les étapes procédurales (tribunal compétent, établissement du cahier des charges, publicité, déroulement des enchères) sont calquées sur celles de la vente forcée. Cette référence assure une sécurité juridique et une procédure éprouvée pour toutes les parties impliquées.

La licitation en cas d’indivision du navire

L’indivision est la forme la plus simple de copropriété. Elle survient souvent de manière non choisie, par exemple à la suite d’une succession, ou lors d’un achat à plusieurs sans structure sociétaire. Chaque propriétaire, appelé « indivisaire », détient une quote-part abstraite du navire (par exemple, un tiers, un quart…).

Conditions de mise en œuvre par un indivisaire ou un créancier

Le Code civil pose un principe fondamental qui gouverne l’indivision : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Sur cette base, tout indivisaire peut, à tout moment, demander le partage et donc, pour un navire, provoquer sa vente sur licitation. Il n’a pas à justifier sa décision ; sa seule volonté de sortir de l’indivision suffit. Cette faculté est un droit absolu.

De plus, les créanciers personnels d’un indivisaire peuvent également provoquer la vente sur licitation. S’ils ne peuvent pas saisir la part indivise de leur débiteur (une part abstraite n’ayant pas de valeur sur le marché), la loi leur donne le droit de provoquer le partage au nom de leur débiteur pour que le navire soit vendu. Ils pourront ensuite se faire payer sur la part du prix de vente revenant à cet indivisaire.

Procédure et règles applicables (analogie avec saisie-exécution navires)

Comme le prévoit l’article 10 de la loi du 3 janvier 1967, la vente sur licitation d’un navire en indivision suit les règles de la saisie-exécution. La procédure est donc judiciaire et formalisée. Elle débute par une assignation devant le tribunal judiciaire. Un cahier des charges est ensuite rédigé, contenant toutes les informations sur le navire, les conditions de la vente et la mise à prix. Des mesures de publicité sont obligatoires pour informer les acheteurs potentiels et assurer la meilleure enchère possible. La vente se déroule enfin à la barre du tribunal, et le navire est adjugé au plus offrant. La nature des parts de propriété et la question de savoir si le bien fait partie des navires saisissables ou insaisissables sont des points analysés en amont de la procédure.

Le régime particulier de la vente sur licitation des navires exploités en la forme quirataire

Lorsque l’exploitation d’un navire devient une activité économique structurée, la simple indivision montre ses limites. Le droit maritime a donc développé une forme de copropriété spécifique et bien plus organisée : la copropriété quirataire.

Spécificités de la copropriété quirataire et son importance

Dans ce régime, la propriété du navire est divisée en parts, nommées « quirats ». Chaque quirataire est propriétaire d’un certain nombre de ces parts, qui sont librement cessibles. Contrairement à l’indivision, la copropriété quirataire est organisée autour d’un gérant, qui représente les copropriétaires et assure la gestion courante du navire. Les décisions importantes sont prises en assemblée générale. Ce système est pensé pour l’exploitation commerciale des navires, en offrant un cadre stable pour les investisseurs.

La licitation volontaire : décision par la majorité des quirataires

Le régime quirataire prévoit une porte de sortie plus souple que l’indivision. La vente du navire peut être décidée sans passer par un juge, par une simple décision de l’assemblée des copropriétaires. La loi exige une double majorité : la décision doit être prise par un nombre de copropriétaires représentant plus de la moitié des quirats, c’est-à-dire plus de la moitié de la valeur du navire. Si cette majorité est atteinte, les quirataires minoritaires ne peuvent s’opposer à la vente. La licitation est alors « volontaire » et se déroule à l’amiable, souvent via un courtier maritime, sans l’appareil d’une vente judiciaire.

La licitation par décision de justice : sanction d’un dysfonctionnement grave

Que se passe-t-il si la majorité requise pour une vente volontaire n’est pas atteinte, mais que la situation est bloquée ? Un ou plusieurs quirataires, même minoritaires, peuvent alors s’adresser au tribunal pour demander la licitation forcée du navire. Cependant, contrairement à l’indivisaire, le quirataire minoritaire ne dispose pas d’un droit absolu à la vente. Il doit prouver l’existence de « justes motifs ».

La jurisprudence reconnaît comme justes motifs des situations de dysfonctionnement grave qui paralysent l’exploitation du navire. Il peut s’agir, par exemple :

  • D’une mésentente profonde et durable entre les copropriétaires qui empêche toute prise de décision.
  • Du refus de la majorité d’engager des réparations indispensables à la navigabilité du navire.
  • D’une immobilisation prolongée du bâtiment qui lui fait perdre sa valeur et génère des coûts.

Le juge examinera si la poursuite de la copropriété est devenue préjudiciable à l’intérêt commun. Si c’est le cas, il ordonnera la vente sur licitation, qui suivra alors, de nouveau, les règles de la procédure de saisie-exécution.

Conséquences pour les copropriétaires et les créanciers

L’issue de la licitation, qu’elle soit volontaire ou judiciaire, est la vente du navire. Le prix obtenu est ensuite distribué. L’ordre de distribution est strict. D’abord, les créanciers de la copropriété (ceux dont la créance est née pour les besoins de l’exploitation, comme les fournisseurs de carburant ou les chantiers de réparation) sont payés. Ensuite, le solde est réparti entre les quirataires, au prorata du nombre de parts qu’ils détiennent. Les créanciers personnels de chaque quirataire pourront alors faire valoir leurs droits sur la somme revenant à leur débiteur.

Naviguer dans les méandres de la licitation, qu’elle résulte d’une indivision ou d’une copropriété quirataire, exige une connaissance approfondie du droit maritime et des procédures d’exécution. Les choix procéduraux, la justification d’une demande en justice ou la négociation d’une sortie amiable ont des conséquences directes et importantes. Pour sécuriser vos droits et mener à bien une procédure de vente sur licitation, l’accompagnement par un avocat compétent en droit maritime est indispensable. Notre cabinet vous accompagne pour défendre vos intérêts. Prenez contact avec notre équipe pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer
  • Décret n°67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer
  • Code des transports
  • Code de procédure civile d’exécution

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