Lorsqu’on pense à l’assurance aérienne, les images de compagnies aériennes et de passagers viennent naturellement à l’esprit. Pourtant, l’écosystème aéronautique est bien plus vaste et complexe. Autour des avions qui volent gravitent une multitude d’acteurs indispensables, dont les activités génèrent des risques et des responsabilités spécifiques : les gestionnaires d’aérodromes qui fournissent l’infrastructure, les entreprises qui construisent, entretiennent ou assistent les appareils, les aéroclubs qui forment les pilotes de demain ou permettent la pratique de loisir, et les organisateurs de meetings aériens qui offrent du spectacle au public. Tous ces acteurs ont besoin de couvertures d’assurance taillées sur mesure pour leurs activités particulières, souvent centrées sur la responsabilité civile. Découvrons ces assurances dédiées aux activités connexes de l’aviation.
L’assurance des exploitants d’aérodrome
Gérer un aérodrome, qu’il soit de taille internationale ou plus modeste, est une entreprise complexe impliquant une grande diversité d’activités et de responsabilités. L’exploitant est responsable non seulement de l’entretien et de la sécurité des pistes et des aires de trafic, mais aussi de la gestion des bâtiments (terminaux, hangars), des équipements (passerelles télescopiques, systèmes de balisage) et souvent de services annexes comme des restaurants, des boutiques ou des parkings. Ses obligations sont définies par un cahier des charges, des conventions d’exploitation et la réglementation générale (notamment le Code de l’aviation civile). Compte tenu des risques importants (accident d’un aéronef au sol dû à un défaut de piste, chute d’un passager dans l’aérogare, dommage causé par un véhicule de service…), l’exploitant est très fréquemment soumis à une obligation d’assurance de responsabilité civile.
Les polices d’assurance destinées aux exploitants d’aérodrome sont donc conçues pour couvrir ce large spectre de responsabilités. Elles sont fortement adaptées aux activités spécifiques déclarées par l’exploitant lors de la souscription (la proposition d’assurance détaille souvent les installations et services offerts). Le champ d’application territorial de la garantie couvre en principe les événements survenant sur l’emprise de l’aérodrome désigné et impliquant un aéronef ou liés à la fourniture de biens ou services aéronautiques. Une extension est parfois possible pour des événements survenant hors de l’aérodrome mais en lien direct avec l’activité d’exploitant (par exemple, lors d’une mission extérieure d’un agent de l’aéroport).
La couverture offerte est généralement large, visant la responsabilité civile pour les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à un accident ou un événement engageant la responsabilité de l’exploitant. Certaines polices incluent même des garanties plus spécifiques, comme le préjudice subi par un tiers suite à un refus de transport ou d’embarquement résultant d’une « discrimination commise par inadvertance ».
Cependant, ces polices comportent aussi de nombreuses exclusions. Certaines sont quasi systématiques et non rachetables, comme les dommages résultant de phénomènes naturels à caractère catastrophique (ouragans, inondations, séismes…). D’autres exclusions peuvent souvent être rachetées moyennant une surprime adaptée au risque : c’est fréquemment le cas pour la responsabilité civile liée à la réception, au stockage ou à la distribution de carburant aux aéronefs (activité à haut risque d’incendie/pollution), ou encore pour les dommages liés aux actes de terrorisme ou de malveillance.
En contrepartie de la garantie, l’assuré exploitant s’engage contractuellement à exercer une surveillance constante et à prendre toutes les mesures de prévention raisonnables pour maintenir ses installations en bon état et prévenir les accidents. Le non-respect de ces obligations pourrait justifier un refus de garantie par l’assureur.
L’assurance de responsabilité civile professionnelle aéronautique
De nombreuses entreprises fournissent des biens ou des services essentiels au fonctionnement du secteur aérien, sans être elles-mêmes transporteurs ou exploitants d’aérodrome. On pense aux entreprises spécialisées dans la construction, la vente, l’entretien, la réparation ou la modification d’aéronefs et de leurs composants, à celles qui distribuent les carburants, assurent le garage des appareils, ou encore fournissent des services d’assistance aéroportuaire (manutention bagages, assistance aux passagers…). Sont également concernées celles qui effectuent des vols spécifiques liés à leur activité : vols de contrôle après maintenance, vols d’essai, de présentation, de démonstration ou de livraison. Toutes ces entreprises engagent leur responsabilité civile professionnelle (RC Pro) du fait de leurs prestations.
Pour répondre à ce besoin, les assureurs proposent des contrats de RC Pro Aéronautique, souvent structurés de manière modulaire autour de trois garanties principales, qui peuvent être souscrites séparément ou conjointement :
- Garantie A : RC Exploitation. C’est la garantie de base qui couvre la responsabilité de l’entreprise pour les dommages corporels et matériels causés à des tiers (clients, visiteurs, autres entreprises…) du fait de ses activités courantes, de son personnel, des locaux et installations qu’elle utilise, ou encore des choses (outils, véhicules…) dont elle a la garde pendant l’exploitation. Des extensions sont possibles pour couvrir des risques spécifiques comme l’incendie, les dégâts des eaux, les accidents causés par des véhicules de service non possédés par l’entreprise, ou même certains accidents du travail non couverts par la Sécurité Sociale. Les principales exclusions concernent les dommages causés aux biens confiés à l’entreprise (qui relèvent de la Garantie B), les dommages résultant de travaux importants de construction ou démolition, et souvent la RC liée à la manipulation de carburant (qui nécessite une extension spécifique).
- Garantie B : RC Biens Confiés. Cette garantie est essentielle pour les entreprises qui prennent en charge des biens appartenant à leurs clients, et en particulier des aéronefs ou leurs composants (moteurs, équipements…). Elle couvre la responsabilité de l’entreprise pour les dommages causés aux biens qui lui sont confiés (en dépôt, pour réparation, entretien, etc.), ainsi que les dommages que ces biens pourraient causer à des tiers pendant qu’ils sont sous sa garde (par exemple, un avion en maintenance qui déclenche un incendie). Les limites de cette garantie tiennent au respect des règles de sécurité aérienne et au fait qu’elle ne se cumule pas avec les garanties A ou C pour le même dommage.
- Garantie C : RC Après Livraison / Produits. Appelée aussi RC Produits, cette garantie couvre la responsabilité de l’entreprise pour les dommages corporels et matériels causés à des tiers par les produits qu’elle a fabriqués, vendus ou distribués, ou par les prestations qu’elle a effectuées (réparation, maintenance…), après leur livraison ou achèvement. C’est une garantie fondamentale, car un défaut sur une pièce ou une réparation mal effectuée peut avoir des conséquences catastrophiques longtemps après l’intervention de l’entreprise. Attention cependant, cette garantie ne couvre généralement pas le coût du remplacement ou de la réfection du produit ou de la prestation défectueuse elle-même (ce qu’on appelle les « frais de retrait » ou le dommage au produit lui-même), ni le simple défaut de performance ou d’efficacité s’il ne cause pas de dommage à un tiers. La garantie est généralement déclenchée par la date de survenance du dommage pendant la période d’assurance, quelle que soit la date à laquelle le produit a été livré ou la prestation effectuée (principe de la « base réclamation » ou « fait dommageable » selon les polices).
L’assurance spécifique des associations aéronautiques (aéroclubs)
Les aéroclubs et autres associations ayant pour objet la pratique et le développement des activités aéronautiques (vol moteur, vol à voile, ULM…) ont également des besoins d’assurance spécifiques, notamment en matière de responsabilité civile. Bien qu’ils puissent souscrire des polices « corps » pour leurs appareils et des assurances RC Pro pour certaines de leurs activités (maintenance légère…), une formule particulière, souvent désignée comme la Convention B2, adapte la garantie RC générale (type Convention B des compagnies) à leur contexte.
Cette police est généralement souscrite par le président de l’association, agissant pour le compte de celle-ci mais aussi, souvent, pour le compte de la fédération à laquelle elle est affiliée. Elle couvre les activités statutaires de l’association : vols d’instruction, vols de loisir (tourisme), vols pour déplacements liés à l’activité associative (réunions, etc.). Les vols effectués à titre onéreux sont en principe exclus, mais des exceptions importantes sont prévues : les baptêmes de l’air, les vols d’initiation et même les vols pour traitements médicaux (évacuation sanitaire légère) peuvent être couverts, même s’ils sont payants, sous réserve du respect de conditions de sécurité strictes.
Cette convention présente des particularités notables par rapport à la RC classique :
- Elle définit précisément le « vol d’instruction » (vol où le pilote aux commandes n’a pas encore sa licence de pilote privé).
- Surtout, elle prévoit une règle dérogatoire intéressante : alors que dans une RC classique, les assurés (l’association, ses dirigeants) ne sont pas couverts pour leurs propres dommages, ici, les membres de l’association (y compris les élèves pilotes et les pilotes instructeurs ou pilotes de loisir) peuvent être considérés comme des « tiers dans leurs rapports réciproques ». Concrètement, cela signifie que si un membre en blesse un autre lors d’une activité de l’association (par exemple, un élève pilote blesse son instructeur lors d’une fausse manœuvre), la responsabilité de l’association (et donc son assurance) pourra être engagée pour indemniser la victime corporelle. Cette disposition est essentielle pour le fonctionnement des aéroclubs. Attention, les dommages subis par l’aéronef lui-même piloté par le membre responsable restent généralement exclus (ils relèvent de l’assurance « corps » avec sa franchise éventuelle).
- Pour les vols onéreux autorisés (baptêmes, initiation…), des conditions strictes s’appliquent : le pilote doit généralement être titulaire d’une licence de pilote professionnel ou, à défaut, avoir été spécifiquement agréé par l’assureur. De plus, un titre de transport conforme doit être délivré aux passagers.
L’assurance des organisateurs de manifestations aériennes
Organiser un meeting aérien, une fête de l’air ou même des baptêmes de l’air en dehors d’un aérodrome permanent est une activité soumise à autorisation préfectorale. L’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes subordonne cette autorisation à la souscription par l’organisateur d’une assurance de responsabilité civile couvrant les risques liés à l’événement.
La manifestation aérienne est définie comme toute évolution d’aéronef ou parachutage visant à offrir un spectacle public. Les baptêmes de l’air organisés hors des plateformes habituelles y sont assimilés.
Le contrat d’assurance spécifique pour ces événements, d’une durée limitée à la manifestation, présente plusieurs originalités.
- Les personnes dont la responsabilité est garantie sont nombreuses :
- L’organisateur principal (personne physique ou morale assumant la responsabilité matérielle et financière) et ses dirigeants statutaires.
- Les membres du comité d’organisation, le directeur des vols, et tous leurs préposés ou assistants pendant leur service.
- Les participants civils : propriétaires, exploitants, pilotes, équipages des aéronefs participant au spectacle, parachutistes, etc., ainsi que leurs préposés.
- L’État, si du personnel militaire ou du matériel est mis à disposition de l’organisateur pour l’encadrement ou la sécurité (mais pas pour leur participation directe au spectacle aérien, où l’État reste son propre assureur).
- Des extensions sont possibles, par stipulation expresse, pour couvrir la responsabilité des participants militaires ou celle des agents d’une personne de droit public affectés au service d’ordre.
- L’étendue de la garantie est, en principe, très large. Elle couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile engagée en raison des dommages causés aux spectateurs, aux tiers (riverains…), aux autres participants (collision entre avions en vol ou au sol…), au personnel militaire mis à disposition et à son matériel. L’assureur garantit aussi à l’État le remboursement des sommes que celui-ci aurait versées à son personnel mis à disposition au titre de leur statut (pensions d’invalidité…). Des garanties annexes peuvent être ajoutées pour couvrir spécifiquement les passagers des baptêmes de l’air ou les dommages aux installations provisoires (tribunes, tentes…).
- Les exclusions encadrent cette large couverture. Outre les exclusions générales (non-respect des règles de sécurité des vols…), on trouve des exclusions spécifiques comme les dommages résultant de l’exploitation d’attractions annexes non gérées directement par l’organisateur (manèges, stands de tir, loteries…), ou encore l’intoxication alimentaire (sauf si causée par les produits vendus dans les buvettes ou restaurants exploités directement par l’organisateur). Ces exclusions visent à recentrer la garantie sur le risque aéronautique proprement dit.
Gérer un aérodrome, fournir des services aéronautiques ou organiser un événement aérien implique des responsabilités spécifiques et parfois complexes. Pour vous assurer que votre couverture d’assurance est adéquate et conforme à la réglementation et aux risques réels de votre activité, n’hésitez pas à solliciter l’analyse de notre cabinet.
Sources
- Polices types des assureurs français pour Exploitants d’Aérodrome, RC Professionnelle Aéronautique, Associations Aéronautiques (Convention B2 type), Organisateurs de Manifestations Aériennes (référence implicite)
- Code de l’aviation civile (principes généraux et réglementations spécifiques)
- Arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes
- Code des assurances (principes généraux de la responsabilité civile)