Au cœur de l’écosystème financier mondial opèrent des acteurs dont l’influence est aussi déterminante que leur nom est méconnu du grand public. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) est l’une de ces entités. Souvent éclipsée par le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale, elle n’en demeure pas moins une pièce maîtresse de la régulation financière. En tant que forum de coopération pour les banques centrales et pôle de production normative, la BRI façonne discrètement mais sûrement les règles qui régissent la finance à l’échelle planétaire. Comprendre son rôle est essentiel pour saisir les dynamiques profondes de la stabilité économique, un enjeu qui concerne aussi bien les États que les entreprises. La BRI s’inscrit dans un ensemble plus vaste d’institutions financières internationales qui œuvrent à la régulation et à la stabilité mondiale.
Historique et missions fondatrices de la bri
Création et fonctions originelles (réparations, coopération banques centrales)
La Banque des Règlements Internationaux est la plus ancienne institution financière internationale, fondée en 1930 à la suite de la conférence de La Haye. Sa création s’inscrit dans le cadre du Plan Young, un accord visant à rééchelonner les réparations de guerre imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles. Sa première mission consistait donc à administrer la collecte et la distribution de ces annuités. Parallèlement à cette fonction de nature transactionnelle, la BRI s’est vu confier dès l’origine un second objectif, plus durable : celui de promouvoir la coopération entre les banques centrales. Face à la Grande Dépression et aux turbulences économiques des années 1930, la question des réparations perdit rapidement de son acuité. La BRI a alors concentré ses efforts sur sa mission de coopération technique, devenant un lieu d’échange privilégié pour les banquiers centraux sur des sujets comme la gestion des réserves de change ou les opérations sur l’or.
Mission actuelle : promouvoir la stabilité monétaire et financière internationale
Aujourd’hui, la mission originelle de coopération de la BRI a évolué pour devenir son rôle central et affirmé. Regroupant 63 banques centrales membres, qui représentent environ 95 % du PIB mondial, sa finalité principale est de promouvoir la stabilité monétaire et financière à l’échelle internationale. Elle n’agit pas comme une autorité de surveillance supranationale qui imposerait ses décisions, mais plutôt comme un catalyseur et un facilitateur. Son action vise à renforcer la collaboration entre les autorités monétaires et financières, à améliorer la compréhension des enjeux économiques et à encourager l’adoption de pratiques prudentielles saines et harmonisées à travers le monde.
Rôle de soutien aux superviseurs financiers nationaux
La « banque des banques centrales » : services financiers exclusifs
L’une des facettes les plus concrètes de la BRI est son activité bancaire. Elle ne traite ni avec des particuliers ni avec des entreprises, mais agit comme une banque exclusivement dédiée aux banques centrales et à certaines organisations internationales. À ce titre, elle leur propose une gamme de services financiers très spécialisés. Ces services incluent principalement la gestion de leurs réserves de change et de leurs avoirs en or. En plaçant une partie de leurs réserves auprès de la BRI, les banques centrales bénéficient de la solidité et de la neutralité de l’institution, tout en ayant accès à des instruments financiers de haute qualité pour la gestion de leur portefeuille. Cette fonction, bien que technique, est fondamentale pour la liquidité et la confiance au sein du système financier mondial.
Forum de dialogue et coopération entre régulateurs
Au-delà de ses services bancaires, la BRI est avant tout un forum. Elle offre un cadre neutre et confidentiel où les gouverneurs de banques centrales et les hauts responsables des autorités de surveillance financière peuvent se rencontrer et échanger librement. Des réunions sont organisées très régulièrement, généralement tous les deux mois à Bâle, en Suisse. Ces rencontres permettent de discuter des évolutions économiques et financières, de partager des informations sur les vulnérabilités potentielles et de forger une vision commune des défis à relever. Ce dialogue constant est un outil puissant pour anticiper les crises, coordonner les politiques monétaires lorsque cela est nécessaire et faire converger les pratiques de surveillance, sans pour autant empiéter sur la souveraineté des institutions nationales.
L’institut de stabilité financière et la double transition
Pour renforcer son soutien aux autorités nationales, la BRI a créé en 1998 l’Institut de Stabilité Financière (FSI – Financial Stability Institute). La mission du FSI est d’assister les superviseurs du monde entier dans la mise en œuvre des normes réglementaires internationales et dans l’amélioration de leurs pratiques de surveillance. Il organise des séminaires, des ateliers et publie des guides pratiques sur des sujets techniques. Plus récemment, la BRI s’est positionnée comme un acteur clé pour accompagner la double transition, environnementale et numérique, du secteur financier. Par le biais de son « Innovation Hub », elle explore les implications des nouvelles technologies comme la blockchain ou les monnaies numériques de banque centrale (MNBC). En parallèle, elle analyse les risques financiers liés au changement climatique, aidant ainsi les régulateurs à adapter leurs cadres de surveillance à ces nouveaux enjeux majeurs.
Activités de surveillance et de production normative
Analyse stratégique et comités spécialisés
La BRI est également un centre de recherche et d’analyse économique de premier plan. En collaboration étroite avec ses membres, elle produit des études approfondies sur des questions touchant à la stabilité financière. Son travail ne se limite pas aux problèmes immédiats ; il porte aussi sur des tendances de long terme qui transforment le paysage financier. Pour mener à bien cette mission, la BRI s’appuie sur plusieurs comités spécialisés. Le Comité sur le système financier mondial (CGFS), par exemple, analyse l’évolution des marchés et identifie les sources de risque. Le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPMI) se concentre sur la sécurité et l’efficacité des systèmes de paiement. Enfin, le Comité Irving Fisher sur les statistiques de banque centrale œuvre à l’amélioration de la qualité et de la comparabilité des données statistiques, un prérequis indispensable à toute analyse pertinente.
Production de standards financiers internationaux (« standard-setters »)
L’une des fonctions les plus influentes de la BRI est son rôle d’instance de normalisation, ou « standard-setter ». Par l’intermédiaire des comités qu’elle héberge, elle produit des standards financiers internationaux. Il ne s’agit pas de lois au sens juridique strict du terme. Ces standards sont des principes, des méthodologies et des bonnes pratiques qui n’ont pas de caractère juridiquement contraignant en droit international public. Cependant, leur influence est immense. Les pays membres des comités s’engagent moralement à transposer ces normes dans leur droit national. De ce fait, ces standards sont très largement respectés et mis en œuvre par les autorités, les institutions et les entreprises financières du monde entier, créant une harmonisation de fait des réglementations.
Les comités de la bri (comité de bâle, cpmi, central bank governance group)
Plusieurs comités essentiels à la régulation financière mondiale sont hébergés par la BRI. Le plus célèbre est sans doute le Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (BCBS). C’est lui qui élabore les fameux « Accords de Bâle » (Bâle I, II, et III), qui définissent les exigences de fonds propres pour les banques afin de garantir leur solidité. Ces accords constituent le pilier des règles prudentielles et de la supervision bancaire à travers le monde. À ses côtés, le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPMI) établit les standards pour sécuriser les systèmes de paiement, de compensation et de règlement, qui sont les « autoroutes » du système financier. Enfin, le Central Bank Governance Group se concentre sur la structure organisationnelle et le fonctionnement des banques centrales elles-mêmes, promouvant des pratiques de bonne gouvernance.
Les standards édictés par les comités hébergés par la BRI, bien que non directement contraignants, irriguent l’ensemble des législations nationales et européennes. Pour les acteurs du secteur bancaire et financier, comprendre et anticiper l’évolution de ces normes est une nécessité stratégique pour assurer leur conformité et maîtriser leurs risques. Si vous souhaitez une analyse de l’impact de ces réglementations sur vos activités ou un accompagnement dans leur mise en œuvre, notre cabinet d’avocats en droit bancaire et financier se tient à votre disposition.
Sources
- BRI, The BIS, Promoting global monetary and financial stability through international cooperation
- Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire, Charte du Comité de Bâle
- Comité de Bâle, Bâle III : Finalising post-crisis reforms, 7 déc. 2017
- Financial Stability Institute (FSI), About the FSI