Bons de caisse : le guide juridique complet de leur nature, régime et usage

Table des matières

Instrument de financement parfois méconnu des entrepreneurs, le bon de caisse représente pourtant un outil juridique d’une grande flexibilité pour la gestion de trésorerie. Son régime, profondément modernisé au cours de la dernière décennie, a clarifié sa nature et ses conditions d’utilisation, le positionnant comme une alternative intéressante aux financements bancaires classiques. Naviguer dans le cadre légal des instruments financiers peut s’avérer complexe. Notre cabinet, fort de sa pratique en droit bancaire et financier, vous propose un tour d’horizon complet de ce dispositif, de sa définition à ses implications fiscales et pratiques. Cet article explore les caractéristiques des bons de caisse, en les comparant à d’autres instruments comme les différents types de dépôts de fonds en banque, pour vous offrir une vision claire de leur utilité stratégique.

Qu’est-ce qu’un bon de caisse ? définition et évolution juridique

Origine historique et cadre légal actuel (décrets-lois, lois, ordonnances)

Le bon de caisse trouve ses racines dans un cadre réglementaire ancien, initié par un décret-loi de 1937. Historiquement, il s’agissait d’un titre négociable, pouvant être à ordre ou au porteur, qui matérialisait un prêt à court ou moyen terme. Cette configuration, qui permettait de préserver l’anonymat du souscripteur, a évolué au gré des réformes. L’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 a marqué un tournant majeur en redéfinissant profondément le bon de caisse. Désormais, l’article L. 223-1 du Code monétaire et financier le qualifie de titre nominatif et non négociable. Cette transformation a mis fin à son caractère anonyme pour renforcer la transparence et la sécurité juridique.

Caractéristiques essentielles et avantages pour le financement des entreprises

Dans sa forme moderne, le bon de caisse est un titre qui constate l’engagement d’un commerçant à rembourser un prêt à une échéance fixée. Pour l’entreprise émettrice, il constitue un excellent moyen de se procurer des liquidités et d’ajuster sa trésorerie avec souplesse, en dehors des circuits de crédit traditionnels. L’émission se fait directement auprès des souscripteurs, sans intermédiation obligatoire, ce qui simplifie le processus. Pour les établissements de crédit, l’émission de bons de caisse permet de capter une épargne stable et de disposer d’un instrument de garantie efficace.

Les bons de caisse face à leurs instruments financiers concurrents

Le bon de caisse coexiste avec d’autres outils de financement qui peuvent sembler similaires. Il se distingue du prêt classique, régi par le Code civil, dont la créance de remboursement est cessible via un mécanisme (la cession de créance) autrefois plus lourd. Sa principale concurrence vient des titres de créances négociables (TCN), comme les billets de trésorerie. Avant les réformes, des différences notables existaient quant aux émetteurs autorisés et aux durées d’échéance. Bien que le régime des TCN ait également été modernisé, se rapprochant sur certains points de celui des bons de caisse, des distinctions subsistent, laissant à ces derniers un champ d’application propre, notamment pour des structures qui n’ont pas accès aux marchés de TCN, plus réglementés et standardisés, qui s’apparentent davantage à des mécanismes de titrisation.

La nature juridique des bons de caisse : une qualification clarifiée

Le rejet des qualifications de valeur mobilière et d’effet de commerce

La nature juridique du bon de caisse a longtemps fait l’objet de débats. La jurisprudence a fermement écarté sa qualification de valeur mobilière. En effet, contrairement aux obligations, les bons de caisse ne sont pas fongibles ; ils ne sont pas émis en série pour un montant global prédéfini mais au fil de l’eau, en fonction des besoins. Chaque bon possède des caractéristiques propres, notamment son taux d’intérêt, ce qui empêche sa négociation sur un marché boursier. De même, la qualification d’effet de commerce, un temps envisagée par certaines décisions de justice, a été abandonnée. La réforme de 2016, en le définissant comme un titre « non négociable », a définitivement clos cette discussion.

La qualification retenue de reconnaissance de dette et ses implications

La Cour de cassation a tranché en qualifiant le bon de caisse de simple reconnaissance de dette. Cette qualification est fondamentale car elle détermine son régime de circulation. N’étant plus un titre négociable transmissible par simple tradition (remise de la main à la main) ou endossement, le bon de caisse ne peut être cédé que selon les règles de la cession de créance de droit commun, prévues aux articles 1321 et suivants du Code civil. Cela implique un formalisme spécifique, notamment une notification au débiteur (l’émetteur du bon) pour que la cession lui soit opposable.

Le régime juridique de l’émission des bons de caisse

Qui peut émettre des bons de caisse ? conditions d’éligibilité

L’émission de bons de caisse n’est pas ouverte à tous. L’article L. 223-2 du Code monétaire et financier la réserve aux établissements de crédit ainsi qu’aux personnes physiques ou sociétés ayant la qualité de commerçant et ayant déjà établi le bilan de leur premier exercice. Cette condition d’ancienneté vise à garantir une certaine assise financière de l’émetteur. En revanche, l’émission est formellement interdite aux sociétés de financement, ce qui s’inscrit dans la logique du monopole bancaire. Cette dérogation au monopole pour les entreprises commerciales est l’une des particularités du dispositif, offrant une alternative de financement direct sans contrevenir aux exceptions au monopole bancaire.

Les conditions de durée et de taux d’intérêt

Le cadre légal impose des limites temporelles précises. Un bon de caisse ne peut être souscrit pour une durée supérieure à sept ans. Le taux d’intérêt, quant à lui, est en principe librement fixé par les parties. Toutefois, cette liberté est encadrée par l’interdiction de l’usure. Le taux convenu ne doit pas dépasser les seuils légaux, une protection fondamentale pour le souscripteur. Le non-respect de la réglementation de l’usure peut entraîner des sanctions sévères pour l’émetteur.

Les règles spécifiques en cas d’offre au public

Lorsqu’une entreprise envisage une émission de bons de caisse par voie d’offre au public, c’est-à-dire en sollicitant un large cercle d’investisseurs par des procédés de publicité ou de démarchage, des conditions plus strictes s’appliquent pour protéger l’épargne. L’émetteur doit notamment justifier d’une ancienneté plus importante, en présentant le bilan de son troisième exercice. Ces règles visent à assurer une plus grande transparence et une meilleure information des potentiels souscripteurs.

Les sanctions applicables en cas de non-respect des conditions d’émission

Le non-respect des règles d’émission est sanctionné civilement et pénalement. Sur le plan civil, l’irrégularité peut entraîner la nullité des bons émis. Sur le plan pénal, bien que de nombreuses infractions aient été dépénalisées, le fait de diffuser un bilan inexact lors d’une offre au public reste sanctionné. En cas d’offre au public, des manquements aux obligations d’information peuvent également tomber sous le coup des pouvoirs de sanction de l’AMF.

Circulation, garantie et paiement des bons de caisse

Les modalités de circulation des bons (nominatifs, non négociables, cession de créance)

Depuis la réforme de 2016, la circulation des bons de caisse est entièrement gouvernée par leur nature de titre nominatif et non négociable. Le transfert de propriété d’un bon de caisse ne s’opère plus par simple remise du titre mais doit suivre le formalisme de la cession de créance civile. La cession doit être constatée par écrit. Pour être opposable à l’émetteur du bon, elle doit lui être notifiée ou il doit en prendre acte. Cette évolution a sécurisé la transmission tout en la rendant plus formelle.

L’utilisation des bons de caisse comme instruments de garantie (gage et nantissement)

Les bons de caisse constituent un excellent instrument de garantie. En tant que créance, ils peuvent faire l’objet d’un nantissement, une sûreté portant sur un bien incorporel. Une banque qui consent un crédit à une entreprise peut par exemple demander en garantie le nantissement d’un bon de caisse émis par cette même banque au profit de l’entreprise. Cette technique permet de sécuriser le remboursement du crédit en affectant une créance certaine et liquide à la garantie de l’opération.

L’impact des procédures collectives sur la circulation et la revendication

L’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) à l’encontre du détenteur d’un bon de caisse affecte sa circulation. Si le bon a été nanti, le créancier gagiste bénéficie d’un droit de rétention qui lui confère une position privilégiée. En cas de procédure collective ouverte contre l’émetteur (par exemple, une banque), le titulaire du bon doit déclarer sa créance. La preuve de sa propriété est facilitée par le caractère nominatif du titre, qui évite les difficultés de revendication qui existaient à l’époque des bons anonymes.

Sécurité du paiement et modalités de remboursement

Le paiement du bon de caisse s’effectue à l’échéance convenue. Le débiteur est l’émetteur du titre, et le créancier est la personne au nom de laquelle le bon est inscrit dans le registre de l’émetteur. La réforme de 2016, en imposant le caractère nominatif, a considérablement sécurisé le processus de paiement, en écartant les risques de paiement à un porteur illégitime. Le remboursement est généralement effectué en numéraire, mais des clauses de remboursement anticipé peuvent être prévues dans le contrat d’émission.

La prescription des actions en paiement des bons de caisse

L’action en paiement d’un bon de caisse est soumise à la prescription de droit commun en matière commerciale. La Cour de cassation a confirmé que, le bon de caisse étant une reconnaissance de dette émise par un commerçant dans le cadre de son activité, le délai pour agir en paiement est de cinq ans, conformément à l’article L. 110-4 du Code de commerce. Ce délai commence à courir à compter de la date d’échéance du bon. Il est possible pour les parties de prévoir contractuellement un délai plus court, mais pas de l’allonger.

La fiscalité des bons de caisse : un régime contraignant

Le régime fiscal des bons émis par les banques (produits, plus-values, primes de remboursement)

La fiscalité des produits (intérêts, primes) générés par les bons de caisse est complexe. Pour les personnes physiques, les intérêts sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux), avec une option possible pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’époque de l’anonymat fiscal, qui permettait d’échapper à l’impôt sur le revenu moyennant un prélèvement libératoire majoré, est révolue.

Le régime fiscal des bons émis par des entreprises non bancaires

Le régime fiscal est globalement similaire, que l’émetteur soit une banque ou une autre entreprise commerciale. Les produits perçus par les personnes morales sont intégrés dans leur résultat imposable et soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. L’harmonisation des règles fiscales tend à assurer une neutralité quant au choix de l’émetteur.

Aspects fiscaux et lutte contre le blanchiment des capitaux

La suppression de l’anonymat des bons de caisse s’inscrit directement dans le cadre des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. En rendant les titres nominatifs, le législateur a renforcé la traçabilité des flux financiers. Les émetteurs, notamment les établissements de crédit, sont soumis à des obligations de vigilance et la lutte contre le blanchiment des capitaux, incluant l’identification précise du souscripteur. Toute opération suspecte doit faire l’objet d’une déclaration à Tracfin.

Les minibons : une innovation éphémère du financement participatif

Le rôle des minibons dans le crowdfunding (avant leur suppression)

Introduits par l’ordonnance de 2016, les minibons étaient une catégorie spéciale de bons de caisse conçue pour le financement participatif (crowdfunding). Ils permettaient à des entreprises de lever des fonds directement auprès du public via des plateformes en ligne agréées. L’objectif était d’offrir un cadre juridique sécurisé et adapté aux spécificités du « crowdlending » (prêt participatif).

Les spécificités juridiques et technologiques (blockchain) des minibons

Les minibons dérogeaient sur plusieurs points au régime général des bons de caisse. Ils pouvaient notamment être émis en série avec des droits identiques, et leur circulation pouvait être enregistrée via un dispositif d’enregistrement électronique partagé, tel qu’une blockchain. Cette innovation technologique visait à faciliter et sécuriser les échanges de ces titres sur les plateformes de financement.

Les raisons et les conséquences de la suppression du régime des minibons

Le régime des minibons a été supprimé par une ordonnance de 2021. Cette abrogation s’explique par l’évolution du cadre général du financement participatif. La possibilité désormais offerte aux personnes morales de prêter directement via les plateformes a rendu le dispositif spécifique des minibons moins pertinent. Leur suppression a marqué la fin d’une expérimentation juridique brève mais innovante.

Solent avocats : votre partenaire expert en droit des instruments financiers

La maîtrise des instruments de financement comme les bons de caisse est un atout stratégique pour la croissance et la stabilité de votre entreprise. Que vous soyez un dirigeant cherchant à diversifier vos sources de financement ou un investisseur souhaitant comprendre les garanties attachées à vos placements, une analyse juridique précise est indispensable. Fort de son expertise reconnue en droit bancaire et financier, notre cabinet vous accompagne pour structurer vos opérations, sécuriser vos contrats et défendre vos intérêts. Pour une analyse approfondie de votre situation et un conseil adapté, prenez contact avec notre équipe d’avocats.

Foire aux questions

Qu’est-ce qui distingue un bon de caisse d’une obligation ?

La principale distinction réside dans leur fongibilité. Les obligations sont des titres fongibles, émis en série avec des caractéristiques identiques (même valeur nominale, même taux, même échéance), ce qui leur permet d’être cotées en bourse. Les bons de caisse sont des titres non fongibles, émis individuellement avec des conditions propres, et ne sont donc pas négociables sur un marché.

Une SARL peut-elle émettre des bons de caisse ?

Oui, une SARL ayant la qualité de commerçant et ayant établi le bilan de son premier exercice commercial peut émettre des bons de caisse. Cette possibilité constitue une exception notable, car il est traditionnellement interdit aux SARL d’émettre la plupart des valeurs mobilières de manière publique.

Quel est le délai de prescription pour le paiement d’un bon de caisse ?

L’action en paiement d’un bon de caisse se prescrit par cinq ans. Ce délai est celui de la prescription commerciale de droit commun (article L. 110-4 du Code de commerce), car le bon de caisse est qualifié de reconnaissance de dette.

Les minibons existent-ils toujours ?

Non, le régime juridique spécifique des minibons a été supprimé par l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021. Cette catégorie de bons de caisse, créée pour le financement participatif, a été jugée obsolète suite à l’évolution de la réglementation du crowdfunding.

Quelles sont les obligations fiscales liées aux bons de caisse ?

Les intérêts et plus-values générés par les bons de caisse sont imposables. Pour les personnes physiques, ils sont soumis par défaut au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Pour les entreprises, les produits sont intégrés à leur résultat imposable et soumis à l’impôt sur les sociétés.

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR