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Classement et hiérarchie des sûretés mobilières : qui passe avant qui ?

Table des matières

En matière de crédit, tous les créanciers ne sont pas logés à la même enseigne. Lorsque plusieurs créanciers se manifestent simultanément pour être payés, la question du rang devient déterminante. Le classement des sûretés mobilières constitue l’une des questions les plus techniques du droit des sûretés – et potentiellement l’une des plus coûteuses pour qui l’ignore.

Le classement hors procédure collective

Les droits exclusifs hors concours

Certaines sûretés mobilières confèrent au créancier un droit exclusif qui le place hors concours. Deux mécanismes juridiques puissants occupent le sommet de la hiérarchie.

Le droit de rétention permet au créancier de conserver le bien jusqu’au paiement complet. Ce droit, bien que contesté dans sa nature juridique par la Cour de cassation (Com. 20 mai 1997, n° 95-11.915), est doté d’une efficacité redoutable. Son titulaire peut opposer ce droit à tous, y compris aux créanciers munis de sûretés préférentielles.

La propriété retenue ou cédée à titre de garantie offre une protection similaire. Le vendeur avec clause de réserve de propriété peut revendiquer son bien sans subir le concours des autres créanciers. Cette efficacité s’explique par la nature même de ces droits : ils sont exclusifs et non simples droits de préférence.

La hiérarchie entre privilèges

L’article 2332-1 du Code civil établit une règle claire : « sauf dispositions contraires, les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux ».

Les privilèges mobiliers spéciaux sont limités à quatre par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :

  • le privilège du bailleur
  • le privilège du conservateur
  • le privilège du vendeur de meuble
  • le privilège de l’auxiliaire salarié d’un travailleur à domicile

L’ordre entre ces privilèges n’est pas uniquement celui de la liste. Leur classement varie selon la chronologie d’apparition du privilège du conservateur et la connaissance par le bailleur de l’existence d’autres privilèges.

Quant aux privilèges généraux, l’article 2331 du Code civil en liste également quatre :

  • les frais de justice
  • les frais funéraires
  • les salaires et indemnités assimilées
  • les sommes dues à certains producteurs agricoles

D’autres privilèges généraux existent, comme ceux du Trésor public et des caisses de sécurité sociale, dont le rang varie selon leur nature.

Le rang du gage et du nantissement

Le créancier gagiste voit son droit de préférence s’exercer, selon l’article 2332-4 du Code civil, « au rang du privilège du bailleur d’immeuble », sauf disposition contraire.

Pour le nantissement des meubles incorporels, l’article 2355, alinéa 5 du Code civil prévoit l’application des règles du gage, hors droit de rétention. Le nantissement de créance, quant à lui, bénéficie d’un régime spécifique. L’article 2363 reconnaît au créancier nanti ayant notifié son nantissement un droit de rétention fictif, lui permettant d’échapper à tout concours.

Le classement en cas de procédure collective

Une hiérarchie bouleversée

La procédure collective modifie radicalement l’ordre des créanciers. L’article L. 643-8 du Code de commerce, issu de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, établit un ordre précis et impératif.

Les droits exclusifs conservent leur force, comme le précise le texte : « Sans préjudice du droit de propriété ou de rétention opposable à la procédure collective… ». Cette confirmation législative renforce leur statut privilégié.

L’ordre de priorité établi par l’ordonnance de 2021

L’article L. 643-8 prévoit quinze rangs de créanciers. Les premiers rangs sont occupés par :

  1. Les subsides des dirigeants restés impayés
  2. Le superprivilège des salariés
  3. Les frais de justice nés après le jugement d’ouverture
  4. Les créances des producteurs agricoles
  5. Les créances garanties par le privilège de conciliation

L’article instaure une cascade de priorités qui reflète les objectifs de politique économique et sociale du législateur.

Les sûretés traditionnelles reléguées

Les créances garanties par des sûretés réelles mobilières traditionnelles se retrouvent reléguées à des rangs inférieurs :

  • Les créances de salaires au 7e rang
  • Le privilège du Trésor au 12e rang
  • Le nantissement et le privilège du bailleur au 13e rang

Cette relégation illustre la préférence accordée par le législateur aux salariés et aux créanciers ayant aidé l’entreprise pendant sa période de difficulté. Comme le note le Professeur Simler, cette rétrogradation des sûretés mobilières traditionnelles traduit une volonté de favoriser le sauvetage de l’entreprise plus que la protection des créanciers antérieurs.

Comment sécuriser sa position de créancier

Plusieurs stratégies peuvent être envisagées :

  1. Privilégier les sûretés exclusives : la clause de réserve de propriété ou le droit de rétention offrent une protection maximale.
  2. Combiner les sûretés : associer une sûreté réelle à un cautionnement personnel peut contourner les limites de chacune.
  3. Surveiller la publicité : pour les gages sans dépossession, l’inscription au registre des sûretés mobilières (décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021) est capitale.
  4. Anticiper la procédure collective : certaines actions préventives permettent de renforcer sa position avant l’ouverture d’une procédure.

Un créancier avisé ne se contentera pas d’une sûreté standard mais choisira celle qui lui confère le meilleur rang possible dans la situation spécifique de son débiteur.

Vous vous interrogez sur la meilleure stratégie pour sécuriser votre créance ? La consultation d’un avocat spécialiste en droit des sûretés vous permettra d’optimiser votre position juridique et d’éviter les mauvaises surprises en cas de défaillance de votre débiteur.

Sources

  • Code civil, articles 2329 à 2332-4, 2355, 2363 et 2365
  • Code de commerce, article L. 643-8
  • Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
  • Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce
  • Décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 relatif au registre des sûretés mobilières
  • Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915
  • Philippe Simler, « Sûretés sur les meubles — Présentation générale et classement », JurisClasseur Civil Code, Art. 2329 – Fasc. unique, 2023

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