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Comprendre l’arbitrage international : les bases et la convention d’arbitrage

Table des matières

Le développement des échanges commerciaux au-delà des frontières nationales confronte les entreprises à une complexité juridique accrue. Lorsqu’un litige survient avec un partenaire étranger, se tourner vers les tribunaux étatiques peut s’avérer long, coûteux et parfois imprévisible, notamment en raison des conflits de lois ou de juridictions. C’est dans ce contexte que l’arbitrage international s’est imposé comme une alternative privilégiée, offrant une justice privée, souvent plus rapide et confidentielle, et dont les décisions sont largement reconnues à travers le monde. Mais qu’est-ce que l’arbitrage international exactement ? Comment se distingue-t-il de l’arbitrage interne et, surtout, comment s’engage-t-on dans cette voie ? Cet article explore les notions fondamentales de l’arbitrage international et se penche sur la pierre angulaire de ce mécanisme : la convention d’arbitrage. Nous verrons comment sa validité est appréciée et pourquoi son autonomie par rapport au contrat principal est un principe si déterminant.

Qu’est-ce que l’arbitrage international ?

L’arbitrage est un mode de règlement des différends par lequel les parties décident de soumettre leur litige non pas à un tribunal de l’État, mais à une ou plusieurs personnes privées – les arbitres – qu’elles choisissent directement ou indirectement. La décision rendue par ces arbitres, appelée sentence arbitrale, a en principe la même force qu’un jugement et peut faire l’objet d’une exécution forcée.

Le droit français opère une distinction fondamentale, régie par le Code de procédure civile, entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international. L’arbitrage interne, traité au Titre Ier du Livre IV du code (issu notamment du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011), concerne les litiges purement nationaux. L’arbitrage international, régi par le Titre II du même livre, vise les litiges qui présentent un lien avec plusieurs ordres juridiques. Cette distinction n’est pas purement académique ; elle emporte des conséquences juridiques importantes, notamment quant à la validité de la convention d’arbitrage et aux voies de recours contre la sentence.

Il n’existe pas de loi mondiale unique régissant l’arbitrage international. Sa pratique repose sur une combinaison de lois nationales spécifiques (comme la loi française), de conventions internationales et de règlements d’institutions privées. Parmi les conventions les plus importantes, on peut citer la Convention de New York de 1958, qui facilite la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères dans plus de 160 pays, ou la Convention de Washington de 1965, qui a créé le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) pour les litiges entre États et investisseurs étrangers. Notre propos ici se concentrera principalement sur l’arbitrage commercial international, laissant de côté pour l’instant les spécificités de l’arbitrage d’investissement ou sportif.

Quand un arbitrage est-il considéré comme international ?

La qualification d’un arbitrage comme « international » est essentielle car elle détermine le régime juridique applicable. Mais comment savoir concrètement si un arbitrage relève de cette catégorie ? Le droit français adopte une approche pragmatique et économique.

Selon l’article 1504 du Code de procédure civile, « est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international ». Cette définition, issue d’une longue évolution jurisprudentielle, écarte les critères purement juridiques pour se concentrer sur la réalité économique de l’opération à l’origine du litige. Il faut, et il suffit, que l’opération litigieuse implique un mouvement de biens, de services ou de capitaux à travers les frontières.

Concrètement, un arbitrage sera typiquement international si le contrat concerne :

  • Des parties établies dans des États différents.
  • L’exécution de prestations (livraison de biens, fourniture de services) dans un pays autre que celui où sont établies les parties.
  • Des flux financiers transfrontaliers significatifs liés à l’opération.
  • Un ensemble contractuel complexe dont certains éléments se réalisent à l’étranger.

Inversement, la seule nationalité étrangère d’une partie, le simple fait d’appliquer une loi étrangère au contrat, ou le choix d’un lieu d’arbitrage à l’étranger ne suffisent pas, en eux-mêmes, à rendre l’arbitrage international si l’opération économique sous-jacente se déroule intégralement en France. C’est bien la nature de l’opération économique qui prime. Par exemple, un litige sur la cession d’actions d’une société française entre deux sociétés françaises reste interne, même si l’une des sociétés mères est étrangère, si l’opération elle-même n’implique pas de flux transfrontaliers directs liés à cette cession. En revanche, si le paiement du prix de cession transite par l’étranger, le critère économique est rempli.

La convention d’arbitrage : l’accord fondamental

Le recours à l’arbitrage repose entièrement sur la volonté des parties. Cette volonté s’exprime à travers la convention d’arbitrage, qui est l’acte par lequel les parties s’engagent à soumettre leur différend à un tribunal arbitral. Le Code de procédure civile distingue traditionnellement deux formes (article 1442) :

  • La clause compromissoire : insérée dans un contrat principal, elle prévoit que les litiges futurs pouvant naître de ce contrat seront soumis à l’arbitrage.
  • Le compromis : conclu après la naissance d’un litige spécifique, il formalise l’accord des parties de soumettre ce différend précis à l’arbitrage.

En matière internationale, cette distinction tend cependant à s’estomper. La jurisprudence et la pratique préfèrent souvent le terme générique de « convention d’arbitrage », reconnaissant qu’elle peut viser aussi bien des litiges futurs qu’existants, et que son régime juridique est largement unifié.

Un point essentiel est la validité de principe de la convention d’arbitrage dans l’ordre international. Contrairement au droit interne français qui a longtemps entouré la clause compromissoire de restrictions (notamment l’ancienne interdiction dans les contrats civils ou pour les non-commerçants), la jurisprudence a très tôt affirmé que ces prohibitions ne s’appliquaient pas aux litiges internationaux mettant en cause les intérêts du commerce international.

Concernant sa forme, l’arbitrage international bénéficie d’une grande souplesse. L’article 1507 du Code de procédure civile dispose que « la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune condition de forme ». Cela signifie qu’un accord verbal ou même tacite pourrait suffire à établir l’engagement des parties. Toutefois, en pratique, un écrit est indispensable, ne serait-ce que pour des questions de preuve. L’article 1515 exige d’ailleurs la production de la convention d’arbitrage pour obtenir l’exécution de la sentence. De plus, la Convention de New York de 1958, essentielle pour l’exécution à l’étranger, requiert une « convention écrite » (signée, ou contenue dans un échange de lettres ou télégrammes).

Il est également fréquent que la convention d’arbitrage soit stipulée « par référence ». C’est le cas lorsqu’un contrat renvoie à des conditions générales ou à un autre document qui contient lui-même une clause compromissoire. Pour que cette clause par référence soit opposable, il faut que la partie à qui on l’oppose ait eu connaissance de l’existence et du contenu de cette clause au moment de la conclusion du contrat et l’ait acceptée, même implicitement par son silence ou son comportement commercial. Les usages du secteur concerné peuvent jouer un rôle dans l’appréciation de cette connaissance et acceptation.

Le principe essentiel : l’autonomie de la convention d’arbitrage

L’un des principes les plus structurants de l’arbitrage international est celui de l’autonomie (ou séparabilité) de la convention d’arbitrage. Consacré par la jurisprudence (notamment l’arrêt fondateur Gosset de 1963) et repris à l’article 1447 du Code de procédure civile (applicable via l’article 1506), ce principe signifie que la convention d’arbitrage est juridiquement indépendante du contrat principal dans lequel elle est insérée ou auquel elle se rapporte.

Imaginez la convention d’arbitrage comme une sorte de contrat dans le contrat, mais avec sa propre vie juridique. Quelles en sont les conséquences pratiques ? Elles sont considérables :

  1. Résistance à l’invalidité du contrat principal : Si le contrat principal est déclaré nul, inexistant, résilié, ou résolu, cela n’affecte pas, en principe, la validité de la convention d’arbitrage. L’arbitre désigné restera compétent pour statuer sur les conséquences de cette nullité ou résolution. Réciproquement, la nullité éventuelle de la clause d’arbitrage n’entraîne pas automatiquement la nullité du reste du contrat.
  2. Échappatoire aux manœuvres dilatoires : Ce principe empêche une partie de mauvaise foi de paralyser l’arbitrage en invoquant simplement la nullité du contrat principal pour contester la compétence de l’arbitre. L’arbitre pourra toujours examiner sa propre compétence en vertu de la clause, indépendamment des vices allégués du contrat principal.
  3. Autonomie par rapport à la loi du contrat principal : La loi applicable à la convention d’arbitrage (pour déterminer sa validité, son interprétation, sa portée) n’est pas nécessairement la même que celle choisie par les parties pour régir le contrat principal.
  4. Autonomie par rapport aux lois étatiques : La jurisprudence française va plus loin en considérant que la validité de la convention d’arbitrage international s’apprécie principalement d’après la volonté commune des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi nationale spécifique (jurisprudence Dalico). Cette approche dite des « règles matérielles » signifie que la convention est valable si les parties ont eu l’intention de recourir à l’arbitrage, sous la seule réserve du respect de l’ordre public international (notamment l’arbitrabilité du litige) et des règles impératives du droit français (comme l’exigence de loyauté).

Ce principe d’autonomie est fondamental pour garantir l’efficacité de l’arbitrage international.

La capacité des parties et le consentement

Pour qu’une convention d’arbitrage soit valable, les parties doivent avoir la capacité juridique de s’engager. En droit international, la capacité d’une personne physique ou morale est généralement déterminée par sa loi personnelle (loi nationale pour un individu, loi du siège social pour une société). Toutefois, en matière d’arbitrage international, la jurisprudence française tend à appliquer ici aussi des règles matérielles, notamment concernant le pouvoir d’un représentant d’engager une société dans une convention d’arbitrage. Elle retient souvent la théorie de l’apparence ou du mandat apparent : si le cocontractant pouvait légitimement croire que le signataire avait le pouvoir d’engager la société, la convention d’arbitrage sera valable, la conclusion d’une telle clause étant souvent vue comme un acte de gestion courante dans le commerce international.

La question des vices du consentement (erreur, dol, violence) peut également se poser, mais elle doit affecter spécifiquement le consentement à la convention d’arbitrage elle-même, et non seulement au contrat principal, en vertu du principe d’autonomie. Ces cas sont relativement rares en pratique.

Une attention particulière doit être portée aux contrats conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels. Même dans un contexte international, des règles protectrices peuvent limiter la validité ou l’opposabilité d’une clause compromissoire. Par exemple, l’article L. 212-1 du Code de la consommation français permet de déclarer abusive (et donc nulle) une clause qui obligerait un consommateur à saisir exclusivement une juridiction arbitrale non couverte par des dispositions légales. L’articulation de ces protections avec le régime libéral de l’arbitrage international reste une question délicate qui doit être examinée au cas par cas.

La convention d’arbitrage est bien plus qu’une simple clause procédurale. Elle est le fondement de la compétence des arbitres et emporte des conséquences juridiques majeures pour les parties. Sa validité et son interprétation obéissent à des règles spécifiques en matière internationale, dominées par le principe d’autonomie.


La rédaction et l’interprétation d’une convention d’arbitrage sont déterminantes pour la suite de vos relations commerciales internationales. Pour sécuriser vos contrats et comprendre vos options en cas de litige, contactez notre cabinet.

Sources

  • Code de procédure civile (notamment articles 1442, 1447, 1448, 1450, 1451, 1455, 1456, 1457, 1465, 1466, 1467, 1470, 1472, 1473, 1479, 1481, 1482, 1484, 1485, 1504, 1506, 1507, 1509, 1510, 1511, 1512, 1513, 1515, 1520, 2060)
  • Code de la consommation (notamment articles L. 212-1, R. 132-2)
  • Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (1958)
  • Convention de Washington pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États (1965)

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