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Les effets du commandement de payer valant saisie à l’égard du débiteur

Table des matières

Les effets du commandement de payer valant saisie à l’égard du débiteur, du tiers acquéreur et des tiers sont décrits à l’article R. 321-13 du code des procédures civiles d’exécution, qui dispose que « L’indisponibilité du bien, la saisie de ses fruits et la restriction aux droits de jouissance et d’administration du débiteur courent à l’égard de celui-ci à compter de la signification du commandement de payer valant saisie.

Ces effets courent à l’égard des tiers du jour de la publication du commandement.

Dans le cas où une convention a été conclue antérieurement à la publication du commandement par le débiteur saisi en violation des effets attachés à la signification du commandement, sa nullité est déclarée par le juge à la demande du cocontractant. »

Les articles de cette section vont donc aborder successivement la question des effets du commandement de payer valant saisie immobilière à l’égard du débiteur, à l’égard du tiers acquéreur, et enfin à l’égard des tiers.

L’indisponibilité de l’immeuble

Le commandement a, tout d’abord, pour effet de rendre l’immeuble indisponible. S’en suivent trois conséquences, à savoir la nullité des actes de disposition, l’inopposabilité (théorique) des baux, et la nécessité d’obtenir l’autorisation du juge de l’exécution pour disposer du bien.

La nullité des actes de disposition

L’article L. 322-1, alinéa 1, du code des procédures civiles d’exécution, tout d’abord, dispose que « Les biens sont vendus soit à l’amiable sur autorisation judiciaire, soit par adjudication. »

L’article L. 311-3 du code des procédures civiles d’exécution, ensuite, dispose qu’ « Est nulle toute convention portant qu’à défaut d’exécution des engagements pris envers lui, le créancier peut faire vendre les immeubles de son débiteur en dehors des formes prescrites pour la saisie immobilière. »

L’article L. 321-2 du code des procédures civiles d’exécution, enfin, dispose que « L’acte de saisie rend l’immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d’administration du saisi.

Celui-ci ne peut ni aliéner le bien ni le grever de droits réels sous réserve des dispositions de l’article L. 322-1.

A moins que le bien soit loué, le saisi en est constitué séquestre sauf à ce que les circonstances justifient la désignation d’un tiers ou l’expulsion du débiteur pour cause grave. »

Les actes de disposition sont les actes par lesquels le débiteur dispose de son bien, par ex. un acte de vente, de donation, etc. En d’autres termes, le débiteur ne pourra ni vendre, ni donner, ni grever de droits réels son immeuble.

L’inopposabilité des baux

L’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « Les baux consentis par le débiteur après l’acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur.

La preuve de l’antériorité du bail peut être faite par tout moyen. »

L’article R. 322-64 du code des procédures civiles d’exécution vise, en sus du débiteur, tout occupant du chef du débiteur n’ayant aucun droit qui soit opposable à l’adjudicataire : « Sauf si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi, l’adjudicataire peut mettre à exécution le titre d’expulsion dont il dispose à l’encontre du saisi et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit qui lui soit opposable à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés. »

Il faudrait donc considérer qu’en matière de saisie immobilière, le bail conclu antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie est opposable à l’adjudicataire, tandis que le bail postérieur à cette signification est inopposable au motif qu’il a été conclu en violation de la règle de droit relative à l’indisponibilité du bien.

La cour de cassation apporte toutefois un tempérament extrêmement important à cette règle, en considérant que « la délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, et que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication » (Cass. civ., 2e, 27 févr. 2020, n° 18-19.174, publié au Bulletin).

La cour de cassation réitère par cette position une jurisprudence constante dont elle précise les motifs (Civ. 3e, 15 janvier 1976, n° 74-13.676 ; Civ. 3e, 11 février 2004, n° 02-12.762 ; Civ. 3e, 23 mars 2011, n° 10-10.804, Civ. 3e, 9 juin 2016, n° 15-10.595).

Elle contredit frontalement l’article 4 des dispositions générales du cahier des conditions de vente en matière de saisie, qui précise à son deuxième alinéa que « les baux consentis par le débiteur après la délivrance du commandement de payer valant saisie sont inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur ».

L’adjudicataire qui souhaite expulser le locataire dont le contrat de bail a été conclu postérieurement à la signification du commandement devra ainsi prouver qu’il n’avait pas connaissance de l’existence de ce contrat de bail.

Si, en revanche, le bail est inopposable à l’adjudicataire, alors celui-ci peut se prévaloir des dispositions des articles L. 322-13 et R. 322-64 du code des procédures civiles d’exécution. Le second de ces deux textes ayant été cité ci-avant, nous ne reprendrons que le premier : « Le jugement d’adjudication constitue un titre d’expulsion à l’encontre du saisi. »

Quoi qu’il en soit, la jurisprudence de la cour de cassation a pour effet de déplacer le curseur : là où il semblait nécessaire, pour trancher la question de l’opposabilité du bail, d’identifier la date de sa conclusion (avant ou après le commandement), il est désormais nécessaire d’analyser l’information de l’adjudicataire (informé ou pas de l’existence du bail).

L’autorisation du juge

L’article R. 321-15, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution dispose que « Si les circonstances le justifient, le juge de l’exécution peut, à la demande du créancier poursuivant ou du débiteur, autoriser l’accomplissement de certains actes sur le bien saisi. »

L’indisponibilité de l’immeuble, si elle ne connaissait aucun tempérament, pourrait avoir des conséquences disproportionnées. Le législateur a donc réservé au juge de l’exécution la possibilité d’autoriser le débiteur à accomplir certains actes de disposition.

En pratique, l’autorisation du juge de l’exécution sera demandée à l’audience d’orientation.

Exemple : une saisie immobilière est engagée à l’encontre d’une villa pour recouvrement d’une somme de 3 000,00 €. Le débiteur demande au juge l’autorisation de diviser le terrain d’assiette de la villa afin d’en céder une partie seulement, pour désintéresser le créancier poursuivant sur le prix de vente de cette parcelle. La division parcellaire constituant un acte de disposition, elle nécessite l’autorisation du juge de l’exécution.

La saisie des fruits

Article R. 321-16 du code des procédures civiles d’exécution :

« Les fruits immobilisés à compter de la signification du commandement de payer valant saisie sont distribués avec le prix de l’immeuble selon le même ordre que la distribution de celui-ci. »

Article R. 321-17 du code des procédures civiles d’exécution :

« Le créancier poursuivant peut autoriser le saisi à vendre les fruits à l’amiable ou faire procéder lui-même, sur autorisation du juge de l’exécution, à la coupe et à la vente des fruits qui seront vendus aux enchères ou par tout autre moyen dans le délai que le juge aura fixé.

Le prix est déposé entre les mains du séquestre désigné par le créancier poursuivant ou consignés à la Caisse des dépôts et consignations. »

Article R. 321-18 du code des procédures civiles d’exécution :

« Le créancier poursuivant peut, par acte d’huissier de justice, s’opposer à ce que le locataire se libère des loyers et fermages entre les mains du débiteur et lui faire obligation de les verser entre les mains d’un séquestre qu’il désigne ou de les consigner à la Caisse des dépôts et consignations.

A défaut d’une telle opposition, les paiements faits au débiteur sont valables et celui-ci est séquestre des sommes reçues. »

Le débiteur est séquestre des fruits. Néanmoins, le séquestre des fruits peut entraîner leur dégradation. C’est pourquoi l’article R. 321-17 précité permet au créancier poursuivant d’autoriser la vente des fruits, ou de vendre lui-même les fruits sur autorisation du juge de l’exécution.

Le débiteur est séquestre des sommes, néanmoins le créancier poursuivant peut faire opposition au paiement des loyers et fermages et ordonner leur consignation entre les mains d’un séquestre par exploit d’huissier de justice.

En pratique, le séquestre des sommes issues de la procédure de saisie immobilière est désigné au moment du dépôt du cahier des conditions de vente. La consignation des loyers et fermages peut, par conséquent, avoir lieu entre les mains d’un séquestre différent. Cette solution est bien évidemment déconseillée et il sera plus simple de désigner le même séquestre.

Attention ! L’article L. 321-16 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « L’acte de saisie d’un immeuble emporte saisie de ses fruits, sauf l’effet d’une saisie antérieure. »

Le créancier poursuivant qui sait qu’un locataire occupe l’immeuble saisi aura, par conséquent, intérêt à saisir les loyers entre les mains du locataire au bénéfice d’une procédure de saisie-attribution à exécution successive avant d’engager la procédure de saisie immobilière. Cela empêchera les loyers d’être incorporés à l’assiette de la procédure de distribution des deniers et, par conséquent, empêchera leur partage avec les autres créanciers inscrits.

Inversement, le créancier qui n’a pas connaissance de la présence d’un locataire dans les lieux avant l’établissement du procès-verbal descriptif devra procéder par voie d’opposition au paiement des loyers et verra ceux-ci incorporés à l’assiette de la procédure de distribution des deniers.

L’opposition au paiement des loyers, qui paraît intéressante en théorie, a souvent une portée pratique très limitée : lorsque l’immeuble saisi constituait un investissement locatif, la déchéance du prêt qui avait servi à financer son acquisition provient souvent d’impayés de loyer.

La restriction aux droits de jouissance et d’administration

Article L. 321-2 du code des procédures civiles d’exécution :

« A moins que le bien soit loué, le saisi en est constitué séquestre sauf à ce que les circonstances justifient la désignation d’un tiers ou l’expulsion du débiteur pour cause grave. »

Article R. 321-15, alinéa 1, du code des procédures civiles d’exécution :

« A moins que son expulsion soit ordonnée, le débiteur conserve l’usage de l’immeuble saisi sous réserve de n’accomplir aucun acte matériel susceptible d’en amoindrir la valeur, à peine de dommages et intérêts et sans préjudice, s’il y a lieu, des peines prévues par l’article 314-6 du code pénal. »

Le débiteur saisi peut jouir du bien, en revanche il ne peut pas amoindrir la valeur de l’immeuble, à peine de dommages et intérêts et de poursuites pénales.

Le texte ne précise pas si ces dommages et intérêts peuvent être alloués par le juge de l’exécution.

  • Lire aussi : la compétence du juge de l’exécution

Exemple : une procédure de saisie immobilière est engagée à l’encontre d’une maison de ville. Le débiteur saisi, maçon, scie les poutres de la toiture qui s’effondre postérieurement à la délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation et au dépôt du cahier des conditions de vente qui fixe le montant de la mise à prix.

La valeur du bien est dégradée et sa vente à un montant supérieur au montant de la mise à prix paraît impossible. Le créancier poursuivant ne peut plus poursuivre sans prendre des risques considérable, puisqu’une carence d’enchères pourrait faire entrer l’immeuble dans son patrimoine.

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