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Concurrence déloyale vs autres litiges : ne confondez plus !

Table des matières

Un concurrent dénigre vos services sur les réseaux sociaux ? Un ancien partenaire commercial ne respecte pas une clause de non-concurrence ? Une entreprise copie votre produit phare qui est protégé par un brevet ? Dans le monde des affaires, les conflits peuvent prendre de multiples formes. Face à une situation litigieuse, la première réaction est souvent l’indignation, suivie d’une question cruciale : comment agir ? Quelle est la nature exacte du problème juridique auquel vous êtes confronté ? Il n’est pas toujours aisé de distinguer la concurrence déloyale d’autres types de contentieux comme les pratiques anticoncurrentielles, la simple violation d’un contrat ou la contrefaçon. Pourtant, cette distinction est fondamentale car elle détermine la stratégie à adopter, les preuves à réunir, le tribunal compétent et les sanctions que vous pouvez espérer obtenir. Cet article vise à clarifier ces frontières pour vous aider à mieux identifier la nature du litige et à orienter efficacement votre action.

Concurrence déloyale et pratiques anticoncurrentielles : deux logiques différentes

Ces deux notions appartiennent bien au « droit de la concurrence » au sens large, mais elles ne visent pas les mêmes objectifs et ne suivent pas les mêmes règles. Comprendre leur différence est essentiel.

La concurrence déloyale, dont nous avons déjà abordé les principes fondamentaux, sanctionne un comportement fautif d’une entreprise envers une autre (ou plusieurs autres). Elle est fondée sur le principe général de la responsabilité civile délictuelle, inscrit à l’article 1240 du Code civil. Son but premier est de protéger la loyauté dans les relations commerciales et de réparer le préjudice individuel subi par la victime de l’acte déloyal. On s’intéresse ici aux moyens utilisés dans la compétition : sont-ils honnêtes, conformes aux usages ? L’action se déroule classiquement devant les tribunaux civils ou commerciaux.

Les pratiques anticoncurrentielles, elles, visent des comportements qui portent atteinte au fonctionnement global du marché, indépendamment de la loyauté intrinsèque des méthodes employées. Il s’agit principalement des ententes (accords entre entreprises visant à restreindre la concurrence, comme fixer les prix ensemble) et des abus de position dominante (quand une entreprise très puissante sur un marché abuse de son pouvoir pour évincer des concurrents ou imposer des conditions inéquitables). Ces pratiques sont interdites par le Livre IV du Code de commerce et le droit de l’Union européenne. L’objectif ici n’est pas tant de réparer un préjudice individuel (même si c’est possible ensuite) que de maintenir une concurrence effective et saine sur le marché dans son ensemble. La procédure est spécifique : elle implique souvent l’Autorité de la concurrence, qui peut mener des enquêtes et infliger de lourdes sanctions (amendes), et des juridictions spécialisées.

Pour illustrer simplement : si un concurrent raconte des mensonges sur vos produits pour vous voler des clients, c’est potentiellement de la concurrence déloyale. Si vous vous mettez d’accord avec tous vos concurrents pour augmenter vos tarifs simultanément, c’est une entente anticoncurrentielle.

Attention toutefois, les frontières ne sont pas toujours étanches. Un acte de concurrence déloyale, comme le dénigrement systématique d’un petit concurrent par une entreprise en position dominante, peut aussi constituer un abus de cette position et donc une pratique anticoncurrentielle. Inversement, une entreprise victime d’une entente ou d’un abus de position dominante peut, une fois l’infraction constatée par l’Autorité de la concurrence, agir devant les tribunaux civils pour obtenir réparation de son préjudice individuel, en se fondant sur la faute constituée par la violation des règles de concurrence.

Concurrence déloyale et violation de contrat (concurrence anticontractuelle) : faute délictuelle vs faute contractuelle

Autre confusion fréquente : celle entre la concurrence déloyale et la violation d’une obligation née d’un contrat. La distinction repose sur la source de l’obligation transgressée.

La concurrence déloyale sanctionne la violation d’un devoir général de loyauté qui s’impose à tous les acteurs économiques, qu’ils soient liés ou non par un contrat. La faute est dite délictuelle (ou quasi-délictuelle si non intentionnelle), au sens de l’article 1240 du Code civil. Ce qui est reproché, c’est la manière déloyale d’exercer la concurrence (confusion, dénigrement, parasitisme…).

La concurrence anticontractuelle, elle, sanctionne la violation d’une obligation spécifique née d’un contrat. Le plus souvent, il s’agit d’une clause de non-concurrence (dans un contrat de travail après la rupture, dans un contrat de cession de fonds de commerce, dans un pacte d’associés, etc.) ou d’une obligation légale de non-concurrence attachée à certains contrats (comme l’obligation de garantie du vendeur d’un fonds). La faute est ici contractuelle. Ce qui est reproché, ce n’est pas la manière de concurrencer, mais le fait même de concurrencer, alors que le contrat l’interdisait. Une concurrence exercée avec les méthodes les plus loyales du monde sera fautive si elle viole une obligation contractuelle de ne pas concurrencer.

Pourquoi cette distinction est-elle importante en pratique ?

  • La preuve : Pour la concurrence déloyale, il faut prouver la faute (le procédé déloyal), le préjudice et le lien. Pour la concurrence anticontractuelle, il suffit de prouver l’existence de l’obligation de non-concurrence et le fait que l’autre partie exerce une activité concurrente interdite.
  • La juridiction : Si la concurrence anticontractuelle découle d’un contrat de travail (clause de non-concurrence d’un ex-salarié), seul le Conseil de prud’hommes est compétent. Si elle découle d’un contrat commercial, ce sera le Tribunal de commerce. L’action en concurrence déloyale, elle, relève généralement du Tribunal de commerce (entre commerçants) ou du Tribunal judiciaire. Bien qualifier la nature du litige est donc essentiel pour saisir le bon juge.
  • Les sanctions : En cas de violation d’une obligation de non-concurrence, le juge peut ordonner la cessation pure et simple de l’activité concurrente interdite. En matière de concurrence déloyale, il ordonnera la cessation des moyens déloyaux, mais pas l’arrêt de l’activité elle-même (puisque la liberté de concurrence reste le principe).

Un cas particulier intéressant est celui du tiers complice. Si une entreprise embauche un salarié en sachant pertinemment qu’il est lié par une clause de non-concurrence valide avec son ancien employeur, ce nouvel employeur (le tiers au contrat initial) commet une faute. Sa responsabilité pourra être engagée par l’ancien employeur, non pas sur le terrain contractuel (il n’a rien signé), mais sur le terrain délictuel, pour concurrence déloyale du fait de sa complicité dans la violation de la clause.

Enfin, les deux mécanismes peuvent parfois se compléter. Si une clause de non-concurrence est déclarée nulle par un juge (par exemple, faute de contrepartie financière pour un salarié), l’ancien salarié retrouve sa liberté de concurrence. Cependant, s’il utilise des procédés déloyaux pour concurrencer son ancien employeur (détournement de fichiers clients, dénigrement…), ce dernier pourra toujours agir contre lui, non plus sur la base de la clause nulle, mais sur le terrain de la concurrence déloyale (article 1240).

Concurrence déloyale et contrefaçon : protéger une création vs sanctionner une méthode

La dernière distinction importante concerne la contrefaçon. C’est une notion spécifique qui sanctionne l’atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle (PI). Il s’agit des droits exclusifs que la loi accorde aux créateurs sur leurs inventions (brevets), leurs signes distinctifs (marques déposées), leurs créations esthétiques (dessins et modèles enregistrés) ou leurs œuvres de l’esprit (droit d’auteur sur un texte, une musique, un logiciel…). Utiliser, reproduire ou imiter sans autorisation un élément protégé par un droit de PI constitue une contrefaçon. L’action relève du Code de la propriété intellectuelle et de tribunaux spécialisés.

La concurrence déloyale, elle, n’est pas conditionnée à l’existence d’un droit de PI. Son rôle est différent : elle sanctionne une faute dans l’exercice de la concurrence, un comportement contraire à la loyauté.

Comment s’articulent les deux ?

  • Situation 1 : L’élément copié est protégé par un droit de PI (ex: une marque déposée, un produit breveté). L’action principale est l’action en contrefaçon. Le simple fait de copier ou d’utiliser l’élément protégé sans autorisation suffit à la caractériser. Peut-on aussi agir en concurrence déloyale ? Oui, mais à une condition stricte : il faut prouver une faute distincte de la simple contrefaçon. Par exemple, si un concurrent copie votre marque (contrefaçon) ET en plus dénigre systématiquement vos produits, vous pourrez agir à la fois en contrefaçon (pour la copie de marque) et en concurrence déloyale (pour le dénigrement). Les deux actions reposent alors sur des faits différents.
  • Situation 2 : L’élément copié n’est PAS protégé par un droit de PI (ex: une forme de produit banale, une idée publicitaire, un nom commercial non déposé comme marque…). L’action en contrefaçon est impossible. C’est là que l’action en concurrence déloyale peut jouer un rôle essentiel, dit « supplétif ». La simple copie d’un élément non protégé est, en principe, libre (liberté du commerce et de l’industrie). Cependant, cette copie devient fautive et peut être sanctionnée au titre de la concurrence déloyale si elle s’accompagne d’une faute, notamment :
    • Si elle crée un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou service.
    • Si elle constitue un agissement parasitaire, c’est-à-dire si le copieur cherche à se placer dans le sillage de l’entreprise copiée pour profiter indûment de sa notoriété ou de ses investissements sans rien dépenser (nous y reviendrons dans un prochain article).

En résumé, la contrefaçon protège un droit exclusif sur une création spécifique. La concurrence déloyale sanctionne une méthode déloyale de compétition, y compris la copie fautive d’éléments non protégés.

Bien distinguer ces différentes notions – concurrence déloyale, pratiques anticoncurrentielles, concurrence anticontractuelle, contrefaçon – est plus qu’une subtilité juridique. C’est une étape déterminante pour comprendre la nature exacte du problème que vous rencontrez, choisir la bonne voie d’action, rassembler les preuves pertinentes et, in fine, défendre efficacement les intérêts de votre entreprise.

Identifier correctement la nature du litige est essentiel pour choisir la bonne stratégie juridique. Notre cabinet vous accompagne pour analyser votre situation et déterminer la meilleure voie d’action. Prenez contact pour en discuter.

Sources

  • Code civil : Article 1240, Article 1241.
  • Code de commerce : Articles L410-1 et suivants (Liberté des prix et de la concurrence), L420-1 (Ententes), L420-2 (Abus de position dominante), L442-1, L442-2 (Pratiques restrictives, responsabilité).
  • Code de la propriété intellectuelle (mention générale pour la contrefaçon, par exemple Art. L713-5 pour la marque notoire).

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