Quand votre banque vous facture des frais que vous jugez abusifs ou refuse de clôturer votre compte, savez-vous qui régule ces pratiques ? Le secteur bancaire n’est pas une zone de non-droit. Au-delà de la responsabilité générale du banquier, des mécanismes précis encadrent le comportement des établissements financiers, assurant une certaine surveillance de leurs activités bancaires. Voici comment s’organise la surveillance des règles déontologiques spécifiques au secteur bancaire en France.
L’homologation des codes de conduite
Le pouvoir d’homologation du ministre de l’Économie
Le ministre de l’Économie détient un pouvoir clé : homologuer les codes de conduite élaborés par les professionnels du secteur bancaire. Cette compétence provient de l’ordonnance du 5 décembre 2008, complétée par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010. Cette homologation transforme des engagements volontaires en obligations juridiquement contraignantes pour l’ensemble des établissements concernés.
La procédure d’homologation
La procédure suit un chemin précis :
- Les associations professionnelles élaborent le code.
- Elles soumettent ce code au ministre.
- Le ministre consulte le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF).
- Le code est homologué par arrêté ministériel.
Le CCLRF joue un rôle important. Un avis défavorable de ce comité oblige le ministre à demander une seconde délibération, comme le prévoit l’article L. 614-2 du Code monétaire et financier.
L’extension aux opérations de banque
Initialement limitée aux services financiers et produits d’épargne, l’homologation a été étendue aux opérations bancaires classiques et aux services de paiement par la loi du 22 octobre 2010. L’article L. 611-3-1 du CMF précise : « Le ministre chargé de l’Économie peut homologuer par arrêté les codes de conduite qu’elles ont élaborés en matière de commercialisation d’instruments financiers, d’opérations de banque, de services de paiement ». Cette extension illustre la volonté d’harmoniser les pratiques déontologiques dans l’ensemble du secteur bancaire.
Le rôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
Contrôle des codes de conduite
L’ACPR exerce une surveillance vigilante sur les codes de conduite élaborés par les associations professionnelles. Sa mission consiste d’abord à vérifier leur compatibilité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Ce contrôle préalable est fondamental. Il évite la diffusion de règles déontologiques contraires aux normes supérieures. L’article L. 612-29-1 du Code monétaire et financier attribue explicitement cette compétence à l’ACPR. En cas de manquement, l’assistance d’un avocat compétent face à l’ACPR peut être nécessaire.
Approbation des codes élaborés par les associations professionnelles
Au-delà du simple contrôle, l’ACPR peut approuver tout ou partie des codes élaborés par les associations professionnelles. Cette approbation confère une force contraignante aux dispositions concernées pour tous les adhérents de l’association. La procédure d’approbation est encadrée par les articles R. 612-29-1 et R. 612-29-2 du CMF :
- L’ACPR dispose de 4 mois pour statuer (délai prolongeable à 6 mois).
- La décision d’approbation est publiée au Journal officiel.
Pour être approuvé, un code doit contenir des règles précises et concrètes. Les simples déclarations de principe ne suffisent pas.
Les recommandations de l’ACPR
L’Autorité peut également formuler des recommandations définissant des règles de bonnes pratiques en matière de commercialisation et de protection de la clientèle. Ces recommandations ont un statut particulier dans l’arsenal normatif. Comme l’indique le document sur la politique de transparence de l’ACPR : « Ces recommandations sont prises à l’initiative de l’ACPR, elles portent sur un thème identifié et consistent en des préconisations pratiques adressées aux personnes contrôlées. » Exemple concret : en 2011, l’ACPR (alors ACP) a émis la recommandation n° 2011-R-01 sur la gestion des comptes de syndics de copropriété, remettant en cause les comptes dits « reflets » ouverts au nom des syndics.
La surveillance par le Comité consultatif du secteur financier
Missions et composition du CCSF
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) réunit les acteurs du secteur financier, les associations de consommateurs et, depuis 2018, des parlementaires. Cette composition diverse garantit une représentation équilibrée des intérêts en présence. L’article L. 614-1 du Code monétaire et financier définit ses missions. Le CCSF joue un rôle consultatif sur les questions touchant aux relations entre établissements financiers et leurs clients.
Évolution du rôle du CCSF
Le CCSF a vu ses prérogatives s’élargir au fil du temps. Plusieurs textes ont renforcé son rôle :
- Le décret du 3 février 2011 a augmenté le nombre de ses membres.
- Le décret du 5 novembre 2015 lui a confié la gestion d’un comparateur public des tarifs bancaires.
- Le décret du 7 décembre 2015 a précisé les modalités de désignation des médiateurs d’entreprises.
- Le décret du 7 juillet 2017 a élargi le champ de représentation des professionnels.
Cette évolution reflète l’importance croissante du CCSF dans le dispositif de régulation du secteur bancaire.
Suivi des pratiques tarifaires
Depuis la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, le CCSF est explicitement chargé de suivre l’évolution des pratiques tarifaires des établissements bancaires et de paiement. L’article L. 614-1 du CMF stipule que « le comité est chargé de suivre l’évolution des pratiques des établissements de crédit et des établissements de paiement en matière de tarifs pour les services offerts à leurs clients personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. » Ce suivi, bien qu’il ne confère pas au CCSF un pouvoir de sanction, s’avère efficace. Les observations réalisées peuvent être transmises à l’ACPR, qui contrôle alors le respect des engagements pris par les banques.
L’intégration des règles déontologiques dans le contrôle interne
Obligations légales de contrôle interne
Les établissements bancaires doivent mettre en place un système de contrôle interne efficace. Cette obligation résulte aujourd’hui de l’arrêté du 3 novembre 2014, qui a remplacé le règlement n° 97-02 du Comité de la réglementation bancaire et financière. Ce texte impose aux établissements de crédit de vérifier que leurs opérations et procédures internes respectent l’ensemble des dispositions applicables à leurs activités.
Prise en compte des normes professionnelles
Les règles déontologiques font explicitement partie du périmètre du contrôle interne. L’arrêté du 3 novembre 2014 exige que le système de contrôle vérifie la conformité aux « normes professionnelles et déontologiques ». Cette intégration des règles déontologiques dans le dispositif de contrôle interne constitue un puissant levier pour assurer leur respect effectif. Elle responsabilise les établissements en les obligeant à surveiller leurs propres pratiques. La compréhension des mécanismes de sanctions en cas de manquement aux règles déontologiques est également importante.
Rôle préventif du contrôle interne
Le contrôle interne joue un rôle essentiel dans la prévention des manquements aux règles déontologiques. En détectant et en corrigeant les écarts avant qu’ils ne donnent lieu à des sanctions externes, il protège à la fois les clients et l’établissement lui-même. Les banques doivent mettre en place des procédures spécifiques pour identifier et gérer les conflits d’intérêts potentiels. Cette approche préventive complète utilement le dispositif répressif mis en œuvre par l’ACPR.
Si vous constatez qu’un établissement bancaire ne respecte pas ses obligations déontologiques, vous pouvez saisir l’ACPR ou le médiateur bancaire. Dans certains cas, l’intervention d’un avocat spécialisé peut s’avérer nécessaire pour défendre vos droits.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L. 611-3-1, L. 612-1, L. 612-29-1, L. 612-30, L. 612-31, L. 614-1, L. 614-2, R. 612-29-1 et R. 612-29-2
- Ordonnance n° 2008-1271 du 5 décembre 2008 relative à la mise en place de codes de conduite
- Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière Arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur bancaire
- Document sur la politique de transparence de l’ACPR, juillet 2011, actualisé en juin 2017
- Recommandation ACP n° 2011-R-01 du 26 janvier 2011 sur la gestion des comptes de syndics F. Bordas et S. Maouche,
- « Devoirs professionnels des établissements de crédit – Déontologie en matière d’opérations de banque – Conflits d’intérêts », JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 140, 30 septembre 2019