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La corruption commerciale fait régulièrement la une, souvent associée à des affaires complexes touchant de grands groupes internationaux. Pourtant, il serait dangereux de croire que ce risque ne concerne que les autres. Toute entreprise, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activité, peut se retrouver exposée, directement ou indirectement, à des pratiques de corruption. Les conséquences peuvent être dévastatrices : sanctions pénales, financières, mais aussi atteinte durable à la réputation. Dans un environnement légal de plus en plus exigeant, notamment depuis la loi Sapin II, comprendre les risques et les obligations est devenu un impératif pour tout dirigeant responsable.
Ce guide pratique vise à vous offrir une vue d’ensemble claire et synthétique. Nous aborderons ce que recouvre concrètement la corruption commerciale, les principaux risques pour votre entreprise, les points essentiels du cadre légal à connaître – en particulier les obligations de conformité – et le rôle clé de l’Agence Française Anticorruption. L’objectif : vous aider à mieux appréhender ce sujet pour mieux protéger votre activité.
Qu’est-ce que la corruption commerciale en pratique ?
Au-delà des définitions juridiques précises, la corruption commerciale repose sur un mécanisme simple : une personne propose, donne ou promet un avantage indu (argent, cadeau, service, emploi…) à une autre personne pour que celle-ci accomplisse (ou s’abstienne d’accomplir) un acte relevant de ses fonctions, de manière déloyale ou en violation de ses obligations. La personne qui reçoit ou sollicite cet avantage est également coupable.
On distingue la corruption active (celui qui propose l’avantage) de la corruption passive (celui qui le sollicite ou l’accepte). Elle peut être publique (impliquant un agent public français ou étranger) ou privée (entre acteurs du secteur privé).
Concrètement, cela peut se manifester de multiples façons : versement de pots-de-vin pour remporter un marché, cadeaux excessifs à un client ou un fonctionnaire pour obtenir un traitement de faveur, invitations somptueuses et injustifiées, recours à des intermédiaires opaques dont une partie de la rémunération sert à corrompre, établissement de fausses factures pour dissimuler des paiements illicites… Le trafic d’influence, quant à lui, consiste à rémunérer une personne pour qu’elle use de son influence (réelle ou supposée) auprès d’un décideur afin d’obtenir un avantage indu.
Pourquoi votre entreprise est-elle concernée ?
Ignorer le risque de corruption peut coûter très cher à une entreprise. Les enjeux sont multiples :
- Risques juridiques : Les sanctions pénales sont sévères, tant pour les personnes physiques (dirigeants, salariés) qui peuvent encourir de lourdes peines de prison et d’amendes, que pour l’entreprise elle-même (personne morale), qui peut être condamnée à des amendes considérables (plusieurs millions d’euros), à l’exclusion des marchés publics, voire à des mesures plus radicales comme l’interdiction d’exercer son activité.
- Risques financiers : Outre les amendes pénales, l’entreprise peut subir des pertes financières directes (contrats perdus, coûts liés aux enquêtes et à la défense) et indirectes (difficulté à obtenir des financements).
- Risques réputationnels : Une condamnation ou même une simple mise en cause dans une affaire de corruption peut ternir durablement l’image de l’entreprise, entraînant une perte de confiance des clients, des partenaires commerciaux, des investisseurs et du public.
- Concurrence faussée : La corruption nuit à une concurrence loyale et équitable, pénalisant les entreprises vertueuses qui respectent les règles.
Le cadre légal essentiel à connaître
La France dispose d’un arsenal législatif conséquent pour lutter contre la corruption, intégré principalement dans le Code pénal mais aussi dans divers autres textes. Pour les entreprises, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 est devenue un texte de référence incontournable, car elle met l’accent sur la prévention et la détection au sein même des organisations.
Il est également important de savoir que la France applique les conventions internationales (notamment celles de l’OCDE et de l’ONU), ce qui signifie que les entreprises françaises peuvent être poursuivies en France pour des faits de corruption commis à l’étranger, en particulier la corruption d’agents publics étrangers. Sur le plan fiscal, une règle simple prévaut : les sommes versées au titre de la corruption (« pots-de-vin », « commissions » illicites) ne sont jamais déductibles des bénéfices imposables.
Les obligations de conformité : le pilier de la prévention (focus Sapin II)
La grande nouveauté de la loi Sapin II est d’avoir instauré une obligation légale pour certaines entreprises de mettre en place activement des mesures de prévention et de détection de la corruption. Sont concernées les sociétés (et leurs dirigeants) employant au moins 500 salariés ET réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros (ces seuils s’apprécient au niveau de la société ou du groupe dont elle fait partie).
Même si votre entreprise n’atteint pas ces seuils, les mesures prévues par la loi constituent un référentiel de bonnes pratiques vivement recommandé. Ces mesures incluent notamment :
- L’adoption d’un code de conduite clair et accessible.
- La mise en place d’un dispositif d’alerte interne sécurisé.
- L’élaboration d’une cartographie des risques identifiant les zones et processus à risque.
- Des procédures d’évaluation de l’intégrité des clients, fournisseurs et intermédiaires.
- Des contrôles comptables renforcés.
- La formation des personnels les plus exposés.
L’Agence Française Anticorruption (AFA) est chargée d’aider les entreprises (via des recommandations) mais aussi de contrôler l’existence et l’efficacité de ces programmes de conformité. En cas de manquement avéré, des sanctions peuvent être prononcées. L’objectif affiché est clair : inciter les entreprises à développer une véritable culture d’intégrité et à agir en amont pour prévenir les risques.
La Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) : une issue négociée ?
Autre outil majeur introduit par la loi Sapin II, la CJIP offre une alternative aux poursuites pénales classiques pour les personnes morales (entreprises, associations…) mises en cause pour certains faits de corruption ou délits connexes.
Proposée par le procureur de la République avant le déclenchement de l’action publique, la CJIP est une sorte de transaction. Si l’entreprise accepte et que l’accord est validé par un juge, elle s’engage généralement à payer une amende d’intérêt public (calculée en fonction des avantages tirés de l’infraction, plafonnée à 30% du CA moyen) et à mettre en œuvre un programme de mise en conformité sous le contrôle de l’AFA pendant une durée déterminée.
L’intérêt principal pour l’entreprise est que la CJIP n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’est pas inscrite au casier judiciaire (bulletin n°2), ce qui permet d’éviter certaines exclusions automatiques des marchés publics ou d’autres conséquences liées à une condamnation pénale.
Vers une culture d’intégrité : au-delà des obligations légales
Mettre en place un programme anti-corruption ne doit pas être perçu comme une simple contrainte administrative ou une case à cocher. Pour être réellement efficace, la démarche doit être portée au plus haut niveau de l’entreprise. L’engagement visible et sincère de la direction (« tone at the top ») est fondamental pour diffuser une culture d’intégrité à tous les échelons.
Cela passe aussi par une formation continue et adaptée aux différents métiers et niveaux de risque, ainsi que par la promotion constante des valeurs éthiques de l’entreprise. L’objectif est de faire de la prévention de la corruption un réflexe naturel et une composante à part entière de la stratégie et de la performance de l’entreprise.
Mettre en place une stratégie anti-corruption efficace est un investissement pour la pérennité et la réputation de votre entreprise. Un conseil adapté à votre taille, à votre secteur d’activité et à vos zones géographiques d’intervention pourrait vous faire économiser temps et ressources, tout en vous protégeant contre des risques majeurs. Contactez-nous pour en savoir plus.
Foire aux questions
C’est quoi exactement la corruption commerciale ?
C’est le fait de proposer, donner, solliciter ou accepter un avantage indu (argent, cadeau…) pour qu’une personne accomplisse ou n’accomplisse pas un acte de sa fonction de manière déloyale.
Quelle différence entre corruption et trafic d’influence ?
La corruption rémunère un acte (ou une abstention) directement lié à la fonction du corrompu ; le trafic d’influence rémunère l’usage d’une influence (réelle ou supposée) sur un tiers décideur pour obtenir une décision favorable.
Quelles sont les sanctions pour corruption d’entreprise en France ?
Une entreprise peut être condamnée à de lourdes amendes (jusqu’à plusieurs millions d’euros), à l’exclusion des marchés publics, à la confiscation de ses biens, voire à l’interdiction d’exercer son activité.
Mon entreprise peut-elle être tenue responsable si un salarié corrompt quelqu’un ?
Oui, la responsabilité pénale de l’entreprise peut être engagée si l’infraction a été commise pour son compte par un de ses représentants ou organes (dirigeant, salarié avec délégation…).
Qu’est-ce que la loi Sapin 2 impose aux entreprises ?
Elle impose notamment à certaines grandes entreprises (plus de 500 salariés et 100 M€ de CA) de mettre en place un programme complet de prévention et de détection de la corruption (code de conduite, alerte, cartographie des risques…).
Suis-je obligé de mettre en place un programme anti-corruption ?
L’obligation légale (Art. 17 Sapin II) concerne les entreprises dépassant certains seuils. Cependant, les mesures préconisées constituent des bonnes pratiques recommandées pour toutes les entreprises souhaitant prévenir les risques.
C’est quoi l’Agence Française Anticorruption (AFA) ?
C’est une agence publique chargée d’aider les acteurs publics et privés à prévenir et détecter la corruption, notamment via des recommandations, et de contrôler les programmes anti-corruption des entreprises soumises à la loi Sapin II.
Qu’est-ce qu’une cartographie des risques de corruption ?
C’est un outil visant à identifier, analyser et hiérarchiser les risques de corruption auxquels une entreprise est exposée en fonction de ses secteurs d’activité, de ses zones géographiques d’implantation, de ses processus internes, etc.
Comment protéger un salarié qui dénonce des faits de corruption (lanceur d’alerte) ?
La loi (notamment Sapin II) accorde un statut protecteur aux lanceurs d’alerte qui signalent de bonne foi des faits de corruption, interdisant toute mesure de rétorsion (licenciement, discrimination…). Des procédures de signalement internes et externes sécurisées existent.
Qu’est-ce que la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) ?
C’est un accord transactionnel entre le procureur et une entreprise mise en cause pour corruption (avant poursuites), permettant de clore l’affaire moyennant une amende d’intérêt public et un programme de mise en conformité, sans reconnaissance de culpabilité.
Le délit de favoritisme, c’est quoi ?
C’est le fait, pour une personne ayant une autorité publique, de procurer un avantage injustifié à un candidat lors de l’attribution d’un marché public ou d’une délégation de service public, en violation des règles d’égalité et de libre accès.
Peut-on déduire les « commissions » versées à l’étranger des impôts ?
Non, les sommes versées en vue de corrompre un agent public (français ou étranger) pour obtenir ou conserver un marché ne sont pas déductibles des bénéfices imposables en France.
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