Le crédit-bail immobilier constitue un outil de financement puissant, mais sa structure peut prendre différentes formes selon les besoins des entreprises. Contrairement au crédit classique, le crédit-bail combine location et option d’achat dans un montage juridique sophistiqué, défini par l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier. La maîtrise de ses variantes permet d’optimiser cette solution de financement.
La cession-bail (lease-back)
Mécanisme et avantages
La cession-bail représente une opération originale où une entreprise vend son immeuble à un établissement financier qui le lui redonne immédiatement en location sous forme de crédit-bail. L’arrêté du 11 janvier 1990 relatif à la terminologie économique la définit comme une « technique de financement par laquelle un établissement de crédit spécialisé achète à un utilisateur un bien et le lui remet aussitôt à disposition en vertu d’un contrat de crédit-bail ».
Ce montage offre une solution de trésorerie immédiate. L’entreprise convertit un actif immobilisé en liquidités tout en conservant l’usage du bien. Cette opération permet de :
- Dégager des liquidités pour d’autres investissements
- Maintenir l’exploitation dans les mêmes locaux
- Étaler la charge financière sur la durée du crédit-bail
- Retrouver la propriété du bien à terme via l’option d’achat
Traitement juridique et fiscal
La cession-bail comporte deux opérations juridiques distinctes mais liées : une vente suivie d’un crédit-bail. Cette dualité crée un régime particulier.
Au plan fiscal, le traitement de la plus-value de cession mérite attention. La loi de finances de 1990 a prévu un mécanisme d’étalement de l’imposition. La plus-value est réintégrée proportionnellement aux loyers versés, ce qui atténue l’impact fiscal immédiat.
Des précautions s’imposent néanmoins. La Cour de Paris a jugé que l’opération doit correspondre à « des liquidités immédiates de réemploi » (CA Paris, 27 février 1984), sous peine de requalification.
Les opérations complexes de construction
Crédit-bail avec bail à construction
Le crédit-bail peut s’articuler avec un bail à construction lorsque le terrain appartient au crédit-preneur. Dans ce montage, le crédit-preneur donne son terrain en bail à construction au crédit-bailleur qui édifie des constructions et les lui loue en crédit-bail.
L’article L. 251-1 du Code de la construction et de l’habitation définit le bail à construction comme un « bail par lequel le preneur s’engage à titre principal à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant la durée du bail ».
Ce montage permet au crédit-preneur de devenir propriétaire des constructions par accession à l’expiration du bail à construction. L’article L. 313-7 du Code monétaire et financier reconnaît explicitement ce transfert de propriété par « acquisition directe ou indirecte des droits de propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués ».
Crédit-bail avec bail emphytéotique
Alternative au bail à construction, le bail emphytéotique offre un droit réel immobilier au crédit-bailleur pour une longue durée (18 à 99 ans). Ce montage convient pour des projets à long terme.
La jurisprudence reconnaît l’efficacité de ce montage: « la réunion du bail emphytéotique et du crédit-bail est un des éléments structurels » permettant « le transfert de plein droit de la propriété des biens construits et baillés au preneur » (Cass. 3e civ., 3 novembre 1981).
Recours à une SCI
La création d’une SCI comme structure intermédiaire constitue un montage fréquent. Deux schémas principaux existent:
- La SCI détient le terrain et consent un bail à construction au crédit-bailleur
- La SCI est crédit-preneuse et sous-loue l’immeuble à l’utilisateur final
Ce second montage facilite la transmission ultérieure des droits immobiliers par simple cession de parts sociales, évitant ainsi les droits de mutation élevés.
Le risque principal réside dans le traitement fiscal. Une sous-location excessive peut remettre en cause les avantages fiscaux, comme l’a souligné l’administration fiscale dans sa doctrine (BOI-BIC-BASE-60-30-10-20).
Le crédit-bail adossé et la sous-location
Le crédit-bail adossé consiste pour le crédit-preneur à sous-louer l’immeuble à un tiers utilisateur. Cette pratique est validée par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 19 mai 1999, n° 97-18.433).
Attention toutefois aux conséquences juridiques: le sous-locataire bénéficie du statut des baux commerciaux quand le crédit-preneur y échappe. La Cour de cassation a clairement établi cette distinction: « le contrat de sous-location est un contrat distinct du crédit-bail » (Cass. 3e civ., 10 décembre 2002, n° 01-15.062).
Ce décalage de régimes juridiques peut créer des situations délicates. Le crédit-preneur risque de devoir garantir un droit au renouvellement au sous-locataire alors qu’il n’en bénéficie pas lui-même.
Le crédit-bail et les procédures collectives
Effets de l’ouverture d’une procédure
L’ouverture d’une procédure collective du crédit-preneur n’entraîne pas automatiquement la résiliation du contrat de crédit-bail (C. com., art. L. 622-13, I). Les clauses de résiliation automatique sont d’ailleurs réputées non écrites.
La clause résolutoire acquise avant le jugement d’ouverture reste toutefois efficace. La Cour de cassation a précisé que « la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement de loyers d’un contrat de crédit-bail immobilier n’a pas à être constatée par une décision passée en force de chose jugée avant le jugement d’ouverture » (Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-23.997).
Options de l’administrateur judiciaire
L’administrateur dispose de la faculté de poursuivre ou non l’exécution du contrat (C. com., art. L. 622-13, II). Le crédit-bailleur peut le mettre en demeure d’exercer cette option. Sans réponse après un mois, le contrat est résilié de plein droit.
Si l’administrateur opte pour la poursuite du contrat, il engage sa responsabilité. Il doit s’assurer que le débiteur pourra honorer les loyers à échoir.
Levée d’option d’achat en cas de procédure collective
La levée de l’option d’achat représente souvent l’issue la plus favorable pour l’entreprise en difficulté. L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a facilité cette solution: l’article L. 641-3 du Code de commerce permet au juge-commissaire d’autoriser le paiement des sommes dues pour mettre en mesure le débiteur de lever l’option.
La Cour de cassation a néanmoins précisé les limites de ce dispositif: l’option ne peut être levée qu’à l’arrivée du terme initialement convenu (Cass. com., 18 mars 2014, n° 12-27.297).
Les garanties spécifiques
Le crédit-bail immobilier s’accompagne souvent de garanties complémentaires.
Le cautionnement reste la garantie la plus répandue. La jurisprudence admet que la caution garantit aussi l’indemnité de résiliation et l’indemnité d’occupation (Cass. 3e civ., 17 novembre 2004, n° 03-10.622).
La garantie à première demande, importée du commerce international, confère une sécurité maximale au crédit-bailleur. Les tribunaux veillent cependant à protéger les garants contre des engagements inconsidérés. La Cour d’appel de Paris a ainsi annulé pour dol une garantie à première demande obtenue dans la hâte et dont le caractère était « incompatible avec les opérations de crédit-bail » (CA Paris, 27 juin 1990).
Ces montages complexes nécessitent un accompagnement juridique rigoureux. Les implications fiscales et juridiques varient considérablement selon la structure choisie. Une expertise en droit des affaires s’avère essentielle pour sécuriser ces opérations et prévenir les risques de requalification.
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Sources
- Code monétaire et financier, article L. 313-7
- Code de commerce, articles L. 622-13, L. 631-14, L. 641-3
- Code de la construction et de l’habitation, article L. 251-1
- Cass. 3e civ., 3 novembre 1981, n° 79-15.671
- Cass. 3e civ., 10 décembre 2002, n° 01-15.062
- Cass. 3e civ., 19 mai 1999, n° 97-18.433
- Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-23.997
- Cass. com., 18 mars 2014, n° 12-27.297
- CA Paris, 27 février 1984, JurisData n° 1984-021241
- CA Paris, 27 juin 1990, JurisData n° 1990-022931
- Arrêté du 11 janvier 1990 relatif à la terminologie économique et financière
- BOI-BIC-BASE-60-30-10-20 (Bulletin officiel des finances publiques)
- Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014