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Déposer un dessin ou modèle : la procédure et les démarches essentielles

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Vous avez vérifié que votre création remplit les conditions de nouveauté et de caractère propre, et qu’elle n’entre pas dans les cas d’exclusion ? Parfait. L’étape suivante, pour concrétiser la protection juridique de l’apparence de votre produit en France, est de procéder au dépôt officiel de votre dessin ou modèle. Contrairement au droit d’auteur qui naît automatiquement, le droit spécifique des dessins et modèles ne s’acquiert que par l’enregistrement, formalité qui fait suite à une procédure de dépôt bien définie auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Cette démarche administrative est déterminante. C’est elle qui va matérialiser votre droit, lui donner une date certaine et le rendre opposable aux tiers. Un dépôt bien préparé et correctement effectué maximise vos chances d’obtenir une protection solide et facile à défendre. À l’inverse, une erreur ou une omission peut fragiliser vos droits, voire compromettre l’ensemble de votre protection. Cet article a pour objectif de vous guider à travers les modalités pratiques de ce dépôt en France : qui peut déposer, quels éléments préparer, comment se déroule la procédure à l’INPI, et quelles sont les options stratégiques à considérer, notamment concernant la publication de votre création.

Préparer votre demande de dépôt

Avant de vous lancer dans la procédure en ligne sur le site de l’INPI, une préparation minutieuse de votre dossier est indispensable. Plusieurs points clés doivent être anticipés.

Qui peut déposer ? La question de la titularité

Le droit d’effectuer le dépôt appartient, selon l’article L. 511-9 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), au « créateur ou à son ayant cause ».

  • Le créateur est la personne physique (ou le groupe de personnes physiques) qui a effectivement conçu l’apparence du produit.
  • L’ayant cause est celui à qui le créateur a transmis ses droits. Le plus souvent, il s’agira de l’entreprise pour laquelle le créateur travaille ou à qui il a vendu ses droits.

Il est essentiel de clarifier cette question de titularité avant le dépôt. Si le design a été réalisé par un salarié, la situation mérite une attention particulière. Contrairement aux inventions de salariés où des règles spécifiques existent dans le Code, la loi sur les dessins et modèles est muette. La tendance majoritaire, alignée sur le droit d’auteur (qui protège aussi souvent ces créations), considère que le droit au dessin ou modèle naît sur la tête du salarié créateur. L’entreprise employeur doit donc, en principe, se faire céder ce droit par un contrat clair pour pouvoir déposer valablement en son nom. Ne pas régler cette question en amont peut entraîner des litiges ultérieurs sur la propriété du dessin ou modèle enregistré.

Une personne morale (société, association) peut parfaitement être le déposant et le titulaire du droit, à condition qu’elle soit bien l’ayant cause légitime du créateur personne physique.

La représentation du dessin ou modèle : l’élément crucial

C’est sans doute l’élément le plus important de votre demande. La protection conférée par l’enregistrement portera exactement sur ce qui est montré dans les représentations graphiques ou photographiques que vous fournissez. L’INPI n’examine pas le fond (nouveauté, caractère propre), mais la qualité et la clarté de ces représentations sont fondamentales pour définir l’étendue de votre monopole.

  • Clarté et précision : Les vues fournies (dessins au trait, photographies…) doivent montrer l’apparence revendiquée de manière non ambiguë, sous différents angles si nécessaire pour une forme tridimensionnelle. Le fond doit être neutre.
  • Ce qui est protégé : Utilisez des lignes continues pour les caractéristiques que vous revendiquez. Vous pouvez utiliser des lignes pointillées pour montrer des éléments de contexte non revendiqués.
  • Dépôt multiple : Si vous avez créé plusieurs variations d’un même design, ou plusieurs produits appartenant à la même « classe » (selon la classification internationale de Locarno), vous pouvez les inclure dans une seule demande de dépôt (jusqu’à 100 modèles). Cela réduit les coûts et les démarches administratives (article L. 512-2 CPI). Chaque modèle au sein du dépôt multiple sera protégé individuellement.

Une représentation médiocre ou ambiguë peut rendre votre protection difficile à défendre en cas de litige. Il est souvent recommandé de faire appel à des professionnels (designers, conseils en propriété industrielle) pour préparer des vues de qualité optimale. Ces conseils sont d’autant plus pertinents si vous envisagez de protéger vos dessins et modèles à l’international, où les exigences peuvent varier.

Les autres informations nécessaires

Outre la représentation, votre demande devra comporter :

  • L’identification complète du déposant (nom, adresse, forme juridique si société…).
  • Éventuellement, l’identification du créateur, si différent du déposant.
  • La désignation des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être appliqué. Il faut indiquer la classe (et éventuellement la sous-classe) selon la classification internationale de Locarno, qui range les produits par catégories (ex: classe 06 pour le mobilier, classe 02 pour les articles d’habillement…). Cette indication sert principalement à des fins administratives et de recherche, elle n’affecte pas l’étendue de la protection de l’apparence elle-même.

Effectuer le dépôt auprès de l’INPI

Une fois votre dossier préparé, le dépôt effectif se fait principalement par voie électronique.

La procédure en ligne

L’INPI propose une procédure dématérialisée via son portail e-procédures. Vous devrez créer un compte, remplir les formulaires en ligne, télécharger vos représentations et documents, et payer les taxes requises. Cette méthode est aujourd’hui la voie standard, plus rapide et plus simple que l’ancien dépôt papier.

Les taxes de dépôt

Le dépôt d’un dessin ou modèle n’est pas gratuit. Des taxes doivent être acquittées à l’INPI au moment du dépôt. Le montant varie en fonction :

  • Du nombre de modèles inclus dans le dépôt (une taxe de base pour le premier modèle, puis des taxes dégressives pour les modèles suivants dans un dépôt multiple).
  • De la demande ou non d’ajournement de la publication (voir plus loin).
  • Du type de reproduction (noir et blanc ou couleur).

Il faut également anticiper les taxes de maintien en vigueur (ou taxes de prorogation) qui devront être payées tous les cinq ans si vous souhaitez conserver votre protection au-delà de la première période. Il est important de budgéter ces coûts sur la durée de vie envisagée pour votre protection.

Option : le dépôt simplifié

Pour certains secteurs d’activité où les créations se renouvellent très fréquemment et où les collections sont nombreuses (typiquement la mode, le textile, la parure), la loi prévoit une procédure de dépôt simplifié (article L. 512-2, alinéa 3 CPI). Cette procédure permet de déposer un grand nombre de modèles (jusqu’à 100) avec des formalités allégées au départ, notamment en fournissant une seule représentation globale ou un échantillon.

Attention cependant : ce dépôt simplifié bénéficie d’un ajournement automatique de publication de 30 mois. Pour que la protection perdure au-delà, le titulaire doit impérativement régulariser son dépôt au plus tard 6 mois avant la fin de ce délai, en fournissant des représentations individuelles conformes pour chaque modèle et en payant les taxes correspondantes. À défaut, les droits sont perdus. C’est une option intéressante pour une protection initiale rapide et moins coûteuse, mais qui demande une vigilance particulière pour la suite.

L’examen par l’INPI et l’enregistrement

Une fois votre demande déposée et les taxes payées, l’INPI procède à son examen.

Un examen principalement formel

Il est essentiel de comprendre que l’INPI, en France, n’effectue pas d’examen sur le fond de votre demande de dessin ou modèle. Contrairement aux brevets, l’Institut ne vérifie pas si votre création est réellement nouvelle ou si elle présente un caractère propre par rapport à ce qui existe déjà. Son examen se limite aux aspects formels :

  • Le dossier est-il complet ?
  • Les informations d’identification sont-elles correctes ?
  • Les représentations sont-elles exploitables ?
  • L’objet revendiqué correspond-il bien à la définition d’un dessin ou modèle ?
  • La publication n’est-elle pas manifestement contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ? (article L. 512-2 CPI)

Cette absence d’examen au fond signifie que l’enregistrement est généralement assez rapide et moins coûteux qu’un brevet. Mais cela implique aussi qu’un dessin ou modèle peut être enregistré même s’il n’est pas valable au regard des critères de nouveauté et de caractère propre. La validité ne sera réellement examinée que plus tard, en cas de litige devant un tribunal.

Décision de l’INPI et enregistrement

Si l’examen formel est satisfaisant, l’INPI procède à l’enregistrement de votre dessin ou modèle et l’inscrit au Registre National des Dessins et Modèles (RNDM). C’est cet enregistrement qui, selon l’article L. 511-9 du CPI, vous confère officiellement le droit de propriété sur l’apparence déposée. Le droit prend effet rétroactivement à la date du dépôt initial de la demande. L’INPI vous délivre alors un certificat d’enregistrement.

Si l’INPI détecte une irrégularité formelle ou un motif de rejet (ex: demande non conforme, objet contraire à l’ordre public), il ne rejette pas immédiatement la demande. Il vous adresse une notification vous invitant à régulariser votre dossier ou à présenter vos observations dans un délai donné. Ce n’est qu’en l’absence de réponse satisfaisante que la demande sera rejetée.

La publication et l’ajournement : une question stratégique

L’enregistrement n’est pas la dernière étape. Pour que votre droit soit pleinement effectif vis-à-vis des tiers, il doit être rendu public.

La publication au BOPI : rendre le droit opposable

Une fois enregistré (et sauf demande d’ajournement), votre dessin ou modèle est publié au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI), partie dessins et modèles. C’est cette publication qui rend votre droit opposable aux tiers (article L. 512-2, alinéa 2 CPI). À partir de cette date, nul n’est censé ignorer votre droit, et tout acte de copie ou d’utilisation non autorisée commis après cette publication constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur (la mauvaise foi est présumée). Avant cette publication, vous ne pouvez agir en contrefaçon que si vous prouvez que le tiers connaissait l’existence de votre dépôt (mauvaise foi).

L’ajournement de la publication : garder le secret temporairement

Vous pouvez avoir intérêt à ce que votre création ne soit pas immédiatement révélée au public après son dépôt, par exemple pour préparer sereinement son lancement commercial ou pour surprendre le marché. La loi vous offre la possibilité, au moment du dépôt, de demander un ajournement de la publication (article R. 512-10 CPI).

  • Durée : Vous pouvez demander un ajournement pour une période allant jusqu’à 3 ans maximum à compter de la date de dépôt (ou de priorité).
  • Intérêt : Pendant cette période, votre dépôt reste confidentiel. Cela peut être une stratégie commerciale intéressante.
  • Inconvénient majeur : Tant que le dépôt n’est pas publié, votre droit n’est pas pleinement opposable aux tiers. Vous ne pourrez engager une action en contrefaçon que si vous prouvez la mauvaise foi du copieur, ce qui est souvent difficile. De plus, il faut impérativement penser à lever l’ajournement avant son terme pour que la publication ait lieu, sinon vous risquez de perdre vos droits.

Le choix de demander ou non un ajournement, et pour quelle durée, est une décision stratégique qui doit être mûrement réfléchie en fonction de votre situation commerciale et de votre stratégie de protection.

Et si l’enregistrement est contesté ? La nullité

Comme l’INPI n’examine pas la nouveauté et le caractère propre lors de l’enregistrement, il est toujours possible qu’un concurrent ou un tiers conteste la validité de votre dessin ou modèle enregistré devant un tribunal. L’article L. 512-4 du CPI prévoit qu’un enregistrement peut être déclaré nul si :

  • Il ne remplit pas les conditions de fond (absence de nouveauté ou de caractère propre, forme dictée par la fonction technique…).
  • Son titulaire n’était pas le créateur ou son ayant cause légitime.
  • Il porte atteinte à un droit antérieur (autre dessin ou modèle, marque, droit d’auteur…).

Cette possibilité de nullité a posteriori souligne l’importance de vérifier sérieusement la protégeabilité de votre création avant de déposer, afin de minimiser les risques de voir votre investissement réduit à néant par une action en justice ultérieure.

Le processus de dépôt d’un dessin ou modèle requiert rigueur et attention aux détails, notamment dans la préparation des représentations et dans les choix stratégiques liés à la publication. Pour vous assurer que votre demande est correctement formulée, pour évaluer les risques et maximiser vos chances d’obtenir une protection efficace et solide, notre cabinet vous accompagne dans vos démarches auprès de l’INPI.

Sources

  • Code de la propriété intellectuelle (CPI), notamment les articles L. 511-9, L. 512-1, L. 512-2, L. 512-4, L. 513-2, L. 513-3, R. 512-1 et suivants.
  • Classification de Locarno (pour la désignation des produits).
  • Site de l’INPI (pour les procédures et taxes à jour).

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