La domiciliation d’une entreprise dans un local d’habitation répond à des règles précises. Ce choix, fréquent pour les entrepreneurs débutants, doit respecter un cadre légal strict. Comprendre ses conditions et limites permet d’éviter des contentieux coûteux.
Conditions préliminaires à la domiciliation en local d’habitation
La domiciliation en local d’habitation exige que ce lieu soit le domicile personnel de l’entrepreneur ou du représentant légal de la société. Cette condition est fondamentale.
La nature des droits sur le local importe peu. Le dirigeant peut être propriétaire, copropriétaire, locataire ou simple occupant. La Cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 25 février 2016 : la domiciliation d’une personne morale dans un local d’habitation loué par son représentant légal est possible si aucune activité n’y est exercée.
Le local doit constituer la résidence effective de la personne concernée. Une simple adresse de convenance ne suffit pas. Le ministère de la Justice a précisé ce point dans sa circulaire du 14 juin 2004.
Régime applicable aux personnes physiques
Pour les commerçants personnes physiques, l’article L. 123-10 du code de commerce distingue deux situations.
Entreprise disposant d’un établissement
Si l’entreprise dispose d’un établissement commercial, l’adresse de cet établissement sert normalement d’adresse professionnelle.
L’entrepreneur peut toutefois choisir son local d’habitation comme adresse commerciale à condition qu’aucune disposition légale ou contractuelle ne s’y oppose.
Entreprise sans établissement fixe
Si l’entrepreneur n’a pas d’établissement fixe (cas d’un plombier ou électricien travaillant chez ses clients), il peut déclarer son domicile personnel « à titre exclusif d’adresse de l’entreprise ».
Cette possibilité existe même en présence de dispositions légales ou contractuelles contraires. La loi permet de passer outre certaines restrictions.
Dans les deux cas, cette domiciliation n’entraîne ni changement d’affectation des locaux ni application du statut des baux commerciaux. Sa durée n’est pas limitée dans le temps.
Régime applicable aux personnes morales
La domiciliation des sociétés dans un local d’habitation suit des règles similaires mais plus nuancées, comme détaillé dans notre guide complet sur la domiciliation commerciale.
Absence de restrictions contractuelles ou légales
Une société peut installer son siège au domicile de son représentant légal sans limite de durée si aucune disposition légale ou contractuelle ne s’y oppose.
Cette liberté, prévue par l’article L. 123-11-1 du code de commerce, permet une domiciliation permanente sans formalités particulières.
Présence de restrictions contractuelles ou légales
En présence de restrictions, la domiciliation reste possible mais pour cinq ans maximum. Ce délai court à partir de la création de l’entreprise.
Une notification préalable est obligatoire. La société doit informer par écrit le bailleur, le syndicat de copropriété ou le représentant de l’ensemble immobilier avant toute demande d’immatriculation.
Cette notification permet aux tiers concernés de connaître le point de départ du délai pendant lequel la domiciliation s’imposera à eux.
Comme pour les personnes physiques, cette domiciliation n’entraîne ni changement de destination de l’immeuble ni application du statut des baux commerciaux.
Évolution législative et assouplissement du cadre
Le régime de la domiciliation a connu une évolution significative depuis ses débuts.
Des origines restrictives à l’ouverture progressive
À l’origine, des agences spécialisées proposaient des services de domiciliation sans mise à disposition réelle de locaux. Cette pratique, développée hors cadre légal, a engendré des abus.
Pour y remédier, la loi du 12 juillet 1967 a imposé au commerçant de justifier la jouissance privative des locaux déclarés comme siège d’activité.
Cette prohibition s’est révélée trop restrictive pour les jeunes entreprises. La loi du 21 décembre 1984 a donc autorisé, sous conditions strictes, la domiciliation provisoire dans un local d’habitation.
L’apport de la loi pour l’initiative économique
La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a marqué un tournant décisif. Elle a introduit une distinction claire entre personnes physiques et morales et supprimé, dans la plupart des cas, la limitation de durée.
Cette évolution témoigne d’une volonté d’encourager la création d’entreprises en facilitant leur installation, comme l’explique notre analyse sur le choix du type de domiciliation.
Un retour à la prudence
Plus récemment, la législation a réintroduit certaines restrictions, notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces nouvelles dispositions traduisent un équilibre recherché entre liberté d’entreprendre et contrôle des activités.
Obstacles et limites à la domiciliation en local d’habitation
Dispositions favorisant la domiciliation
Le code de la construction et de l’habitation, longtemps considéré comme un obstacle majeur, a été assoupli. L’article L. 631-7-3 autorise désormais l’exercice d’une activité professionnelle dans un local d’habitation si :
- L’activité est exercée par l’occupant ayant sa résidence principale dans ce local
- Aucune clientèle ni marchandise n’y est reçue
De même, l’article L. 631-7-2 permet au maire d’autoriser l’exercice d’une activité professionnelle dans une partie d’un local d’habitation, sous certaines conditions.
Restrictions contractuelles persistantes
Les clauses d’usage restrictif dans les contrats restent des obstacles potentiels. Les clauses « d’habitation bourgeoise » ou « strictement bourgeoise » dans les règlements de copropriété ou baux limitent souvent cette possibilité.
Les clauses de non-concurrence soulèvent également des questions complexes. Elles n’affectent généralement pas le locataire d’un local mais peuvent contraindre un salarié souhaitant créer une entreprise concurrente.
Questions pratiques non résolues
Plusieurs questions restent en suspens, notamment la possibilité de domicilier plusieurs entreprises dans un même local d’habitation. Les modalités de domiciliation collective diffèrent sensiblement sur ce point.
La lettre du code de commerce ne semble pas s’y opposer. La domiciliation de plusieurs sociétés au domicile d’un mandataire commun paraît envisageable, mais reste soumise à interprétation jurisprudentielle.
Limites à l’exercice de l’activité commerciale
La domiciliation dans un local d’habitation n’autorise pas une activité commerciale intense. Cette limitation préserve la distinction entre le domicile commercial et l’entreprise elle-même.
Le domicile sert principalement à localiser les organes juridiques et administratifs, non à exercer l’activité commerciale pleine. Il ne s’agit pas d’un bureau de vente où recevoir régulièrement une clientèle importante.
En pratique, la frontière entre activité administrative et commerciale reste floue. L’essentiel est d’éviter des troubles graves aux droits des autres occupants de l’immeuble.
Une utilisation abusive ou une activité trop intense pourrait remettre en cause le bénéfice de cette domiciliation et exposer l’entrepreneur à des sanctions.
Pour sécuriser votre projet de domiciliation dans un local d’habitation et vérifier sa conformité avec votre situation particulière, notre équipe d’avocats se tient à votre disposition pour un conseil personnalisé.
Sources
- Code de commerce, articles L. 123-10, L. 123-11-1
- Code de la construction et de l’habitation, articles L. 631-7-2, L. 631-7-3
- Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique
- Civ. 3e, 25 février 2016, n° 15-13.856