Le droit commercial applicable dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin présente des singularités notables qui le distinguent du régime métropolitain. Ces particularismes, issus d’un statut institutionnel spécifique et de la volonté d’adapter la loi aux réalités économiques locales, façonnent un environnement juridique complexe. Pour les entrepreneurs et les sociétés opérant dans ces territoires, la maîtrise de ces règles dérogatoires, souvent avec l’assistance d’un avocat spécialisé, est une condition essentielle à la sécurité juridique de leur activité et de leur investissement. Cet article propose une analyse détaillée de l’organisation judiciaire, des procédures collectives et des contrats commerciaux propres à ces deux îles des Antilles.
Comprendre les régimes dérogatoires du droit commercial ultramarin
Le droit français dans les collectivités d’outre-mer est gouverné par deux principes constitutionnels distincts : l’identité législative pour les collectivités de l’article 73 de la Constitution (comme la Guadeloupe ou la Martinique) et la spécialité législative pour celles de l’article 74, dont relèvent Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ce second principe signifie que les lois et règlements nationaux ne s’y appliquent que sur mention expresse. Cette approche permet de créer des cadres juridiques sur mesure, théoriquement plus à même de répondre aux défis économiques et sociaux locaux. Pourtant, en matière de droit commercial, cette singularité reste nuancée. Si l’organisation judiciaire présente des originalités fortes, le fond du droit applicable, après une recherche approfondie, demeure très largement celui du droit commun français. Le Code de commerce, par exemple, s’applique en grande partie à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. La spécificité réside donc moins dans un corpus de règles entièrement distinct que dans une série d’exclusions et d’adaptations ciblées. Pour une analyse comparative, vous pouvez également consulter les spécificités du droit commercial en Polynésie française, qui présente des adaptations similaires.
L’organisation judiciaire commerciale à Saint-Barthélemy et Saint-Martin
La principale caractéristique du droit commercial ultramarin réside dans son organisation judiciaire. Loin du modèle consulaire métropolitain, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dépendent d’une juridiction à la composition et aux compétences adaptées. Pour approfondir votre compréhension de l’ensemble du système judiciaire applicable, consultez notre article sur l’organisation judiciaire commerciale ultramarine.
Le rattachement au tribunal mixte de commerce de Basse-Terre
Ni Saint-Barthélemy ni Saint-Martin ne disposent de leur propre juridiction commerciale. Les litiges commerciaux relevant de ces deux collectivités sont, jusqu’à présent, de la compétence du Tribunal Mixte de Commerce de Basse-Terre, en Guadeloupe. Cette centralisation, justifiée par un volume d’affaires jugé insuffisant pour maintenir une juridiction autonome sur chaque île, implique que les entreprises locales doivent engager leurs procédures et se défendre devant une juridiction géographiquement éloignée, une contrainte logistique et financière à ne pas négliger dans toute stratégie de contentieux, influençant le choix d’engager une action en justice pour un client.
Composition et particularités des tribunaux mixtes de commerce
Les tribunaux mixtes de commerce, caractéristiques de l’outre-mer, se distinguent par leur composition échevinée. Ils sont présidés par un magistrat de carrière, généralement un vice-président du tribunal judiciaire, et complétés par des juges élus issus du monde économique local (commerçants, artisans, dirigeants). Cette structure vise à combiner la rigueur technique du juge professionnel avec la connaissance pragmatique des usages et des réalités économiques locales par les juges consulaires, un atout pour chaque affaire traitée. Les juges sont élus selon des modalités similaires à celles de la métropole, le collège électoral comprenant les membres élus des chambres consulaires et les juges et anciens juges du tribunal. Le greffe de ces juridictions a également connu une évolution majeure, passant d’un système public à des offices de greffiers de tribunal de commerce, qui sont des officiers publics et ministériels.
Compétence matérielle et territoriale : une application adaptée du droit commun
Malgré leur structure spécifique, la compétence des tribunaux mixtes de commerce s’aligne en grande partie sur celle des tribunaux de commerce métropolitains. En application de l’article L. 721-3 du Code de commerce, ils statuent sur les litiges relatifs aux engagements entre commerçants, aux sociétés commerciales et aux actes de commerce entre toutes personnes. Leur compétence territoriale est également définie par le droit commun, le tribunal compétent étant en principe celui du domicile ou du siège social du défendeur. Les clauses attributives de juridiction ou les clauses d’arbitrage demeurent valables entre commerçants, à condition d’être stipulées de manière très apparente, permettant ainsi de déroger à la compétence du Tribunal Mixte de Commerce de Basse-Terre, un point essentiel lors de la négociation et la rédaction des contrats.
Spécificités des procédures collectives aux îles du nord
Le droit des entreprises en difficulté appliqué à Saint-Barthélemy et Saint-Martin comporte des dérogations importantes au droit commun. Ces exceptions concernent à la fois l’organisation judiciaire et l’influence du droit européen. Pour une compréhension complète des différentes options et processus, il est pertinent d’examiner les modalités de l’ouverture d’une procédure collective de manière générale. Afin de mieux appréhender les démarches formelles et les acteurs impliqués dans ces contextes, il est recommandé de se familiariser avec le chemin judiciaire d’une procédure collective. Pour une vue d’ensemble des étapes, il est utile de se référer à notre guide sur la période d’observation en procédure collective, qui pose les bases de ces processus.
L’absence de tribunaux spécialisés pour les grandes procédures collectives
La loi « Macron » du 6 août 2015 a institué en métropole des tribunaux de commerce spécialisés, compétents pour traiter les procédures collectives des entreprises de grande taille, dépassant certains seuils de salariés et de chiffre d’affaires. Cependant, l’article L. 721-8 du Code de commerce, qui fonde cette compétence, a été expressément déclaré inapplicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Cette dérogation se justifie par la structure du tissu économique local, où les très grandes entreprises sont rares. Une délocalisation des procédures devant une juridiction spécialisée parisienne, par exemple, engendrerait des difficultés pratiques considérables et serait mal perçue au regard des enjeux territoriaux. Par conséquent, le Tribunal Mixte de Commerce de Basse-Terre demeure compétent pour toutes les procédures collectives, quelle que soit la taille de l’entreprise concernée.
Les implications de l’exclusion de Saint-Barthélemy des procédures européennes d’insolvabilité
Une singularité juridique majeure concerne la collectivité de Saint-Barthélemy. En raison de son statut de pays et territoire d’outre-mer (PTOM), elle n’appartient pas à l’Union européenne. Cette particularité a une conséquence directe et fondamentale en droit des entreprises en difficulté : les dispositions législatives et réglementaires relatives aux procédures européennes d’insolvabilité y sont inapplicables. Concrètement, cela signifie que le principe de reconnaissance automatique des décisions d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité par un autre État membre de l’UE ne joue pas à Saint-Barthélemy. Une entreprise locale ayant des créanciers ou des actifs dans l’Union européenne, ou inversement, ne bénéficie pas des mécanismes de coordination prévus par le droit européen. Cette situation impose une vigilance accrue pour les sociétés ayant des activités transnationales et peut compliquer le déroulement des procédures collectives à dimension internationale.
Le bail commercial et la location-gérance : un cadre juridique adapté aux Antilles
Les contrats qui structurent la vie commerciale, tels que les baux commerciaux ou la location-gérance, font également l’objet d’adaptations, même si celles-ci sont plus ponctuelles. Elles touchent principalement aux formalités administratives et aux interactions avec les autorités locales.
Les adaptations en matière de baux commerciaux et de liquidations
Le droit des baux commerciaux fait l’objet d’adaptations. Une adaptation notable concerne les opérations de liquidation de stocks, qu’il s’agisse de liquidations de fin de saison, fréquentes dans des économies touristiques, ou de liquidations liées à une cessation ou un changement d’activité. La déclaration préalable, qui en métropole est adressée au maire de la commune, doit à Saint-Barthélemy et Saint-Martin être effectuée auprès du président du conseil territorial. Cette modification, qui impacte directement la relation entre le propriétaire et le locataire, reflète l’organisation institutionnelle propre à ces collectivités où le conseil territorial exerce des compétences étendues. Le suivi de la vie du bail commercial est un enjeu de sécurité pour l’entreprise. Les procédures de liquidation de fin de saison, bien que spécifiques, s’inscrivent dans un cadre plus large du traitement des entreprises en difficulté, pour lequel vous pouvez consulter notre guide sur la liquidation judiciaire pour les entreprises en difficulté.
Le régime de la location-gérance de fonds de commerce
La location-gérance, ou « gérance libre », est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce en confie l’exploitation à un gérant, qui l’administre à ses risques et périls moyennant une redevance. Ce mécanisme, souvent utilisé en amont d’une cession ou d’une vente de fonds, est particulièrement utile pour préparer une transmission d’entreprise ou pour permettre à un propriétaire de conserver son fonds sans l’exploiter directement. Le régime applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin est celui du droit commun français, tel que défini aux articles L. 144-1 et suivants du Code de commerce. Le locataire-gérant acquiert la qualité de commerçant et doit s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). Le loueur, quant à lui, est solidairement responsable des dettes d’exploitation contractées par le gérant durant les six mois suivant la publication du contrat. Le montant du loyer, ou redevance, est un élément central de la négociation de ce type de contrat.
Rôle des chambres consulaires et de la tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS)
L’organisation administrative du commerce dans les îles du Nord présente également des traits spécifiques, notamment en ce qui concerne le rôle des chambres consulaires et la tenue du RCS, qui témoignent d’une volonté d’adapter les structures aux besoins locaux.
Missions étendues des chambres économiques et consulaires
À Saint-Barthélemy, la Chambre Économique Multi-professionnelle, et à Saint-Martin, la Chambre Consulaire Interprofessionnelle, peuvent se voir confier par l’État des missions étendues. La loi prévoit notamment la possibilité de leur déléguer les attributions normalement dévolues aux chambres d’agriculture. Cette polyvalence permet une administration plus souple et centralisée, adaptée à des territoires où les secteurs économiques sont souvent interconnectés et où la création d’organismes distincts pour chaque domaine d’activité ne serait pas pertinente.
Délégations de gestion du registre du commerce et des sociétés (RCS)
La tenue matérielle du RCS peut faire l’objet d’une délégation par le ministère de la Justice aux chambres consulaires locales. Cette mesure, prévue par la loi pour les situations où le fonctionnement normal du registre est compromis, vise à alléger la charge des greffes des tribunaux. Dans ce cadre, la chambre consulaire assure la tenue matérielle du registre, mais le greffe du tribunal mixte de commerce conserve le contrôle juridique des actes et demeure compétent pour statuer sur les contestations. Ce mécanisme a fait l’objet d’expérimentations, notamment sous l’impulsion de la loi « Macron », afin de trouver l’organisation la plus efficace pour ces territoires.
La navigation dans le paysage juridique de Saint-Barthélemy et Saint-Martin exige une connaissance fine des dérogations qui le caractérisent. Qu’il s’agisse de la compétence judiciaire, des règles d’insolvabilité ou des formalités commerciales, ces spécificités ont des conséquences pratiques directes pour les entreprises. Pour une analyse personnalisée et une assistance juridique sur mesure, notre cabinet d’avocats met sa réactivité et son écoute au service de votre projet. Nous accompagnons une clientèle variée, de la création d’entreprise au suivi des contentieux complexes. Pour la vente, l’achat ou la défense de vos intérêts dans un dossier de bail commercial, notre expertise en droit des affaires et en droit immobilier est un atout majeur. Notre connaissance du barreau de la Guadeloupe nous permet d’offrir un service de proximité et de rechercher le meilleur résultat pour chaque client. N’hésitez pas à solliciter notre expertise en droit commercial ultramarin.
Sources
- Code de commerce, notamment les articles L. 144-1 et suivants (Location-gérance), L. 721-8 (Tribunaux de commerce spécialisés), L. 732-1 et suivants (Tribunaux mixtes de commerce), L. 960-1 et suivants (Dispositions relatives à Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
- Code de l’organisation judiciaire.
- Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 73 et 74.