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Entre admissibilité et admission des moyens de défense : le parcours d’obstacles procédural

Table des matières

La stratégie procédurale constitue un art subtil. Pour qui veut défendre efficacement ses intérêts, l’arsenal juridique offre trois types de moyens de défense : défenses au fond, fins de non-recevoir et exceptions de procédure. Chacun obéit à des règles distinctes tant pour leur recevabilité que pour leur bien-fondé. Cette distinction entre admissibilité et admission révèle une mécanique procédurale souvent méconnue.

1. Les conditions objectives d’admissibilité

Des règles communes à géométrie variable

Les règles gouvernant la procédure s’appliquent généralement à tous les moyens de défense, comme le rappelle l’article 72 du Code de procédure civile pour les défenses au fond et l’article 123 pour les fins de non-recevoir. Un arrêt remarqué de la Cour de cassation (Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 15-13.765) confirme cette identité de régime pour ce qui concerne les dispositions relatives aux conclusions.

La compétence du juge, en revanche, marque une différence notable. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a considérablement modifié le paysage procédural en étendant la compétence du juge de la mise en état aux fins de non-recevoir, auparavant limitée aux exceptions. Cette évolution récente permet d’établir désormais une opposition entre défenses au fond d’une part, et exceptions et fins de non-recevoir d’autre part.

Les conditions spécifiques aux exceptions

Ce qui fait la spécificité des exceptions, c’est leur régime restrictif quant au moment de leur présentation. L’article 74 du Code de procédure civile impose qu’elles soient soulevées avant toute défense au fond et toute fin de non-recevoir, et ce simultanément. Cette exigence vise à empêcher les manœuvres dilatoires.

La jurisprudence interprète cette règle avec une certaine souplesse. Ainsi, selon la Cour de cassation (Civ. 3e, 8 mars 1977, n° 75-14.834), la présentation des exceptions et d’autres moyens dans un même jeu de conclusions est possible, pourvu que la discussion sur le fond apparaisse comme subsidiaire.

Le principe connaît des aménagements pour l’exception de nullité pour vice de forme et celle de péremption (art. 112 CPC), qui doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, mais pas nécessairement in limine litis.

Et des dérogations existent pour les exceptions de connexité et de nullité pour vice de fond (art. 103 et 118 CPC), qui peuvent être soulevées en tout état de cause.

La compétence du JME : un régime en mutation

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a profondément modifié la compétence du juge de la mise en état. Un avis récent de la Cour de cassation du 11 octobre 2022 (n° 22-70.010) opère une distinction au sein des fins de non-recevoir : entre celles « touchant la procédure d’appel », de la compétence du conseiller de la mise en état, et celles « relevant de l’appel », dont seule la cour peut connaître.

Plus récemment encore, le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus I » accentue cette évolution en permettant au JME de renvoyer devant la juridiction du fond l’examen de toute fin de non-recevoir sans distinction.

2. Les conditions subjectives d’admissibilité

Les moyens soulevés par les parties : intérêt et qualité

Tout plaideur qui y a intérêt a qualité pour invoquer un moyen de défense. Cette règle connaît cependant des limites, notamment lorsqu’un plaideur est à l’origine de la situation qu’il dénonce. Comme l’a rappelé la Cour de cassation (Civ. 2e, 24 mars 1993, n° 91-18.611), celui qui a assigné un cabinet dépourvu de personnalité morale est irrecevable à en contester ensuite la qualité.

Pour les exceptions de nullité fondées sur un vice de fond, le Code de procédure civile admet, dans son article 117, que l’adversaire de la personne représentée puisse invoquer ce moyen, contrairement au droit commun.

L’office du juge : entre obligation et faculté

Le juge peut, et parfois doit, relever d’office certains moyens. Cette prérogative varie selon la nature du moyen :

Pour les défenses au fond, la jurisprudence considère que le juge doit relever d’office une défense lorsque le défendeur n’en invoque aucune (Civ. 3e, 27 juin 2006, n° 05-15.394) ou lorsque des faits dont le plaideur a tiré argument appellent l’application d’une règle de droit d’ordre public.

S’agissant des fins de non-recevoir, l’article 125 du Code de procédure civile distingue celles qui doivent être relevées d’office (celles d’ordre public) et celles qui peuvent l’être (défaut d’intérêt, défaut de qualité, chose jugée).

Quant aux exceptions, leur régime varie selon leur nature. L’exception de nullité pour vice de forme ne peut être relevée d’office (Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 84-16.110), tandis que le juge peut constater d’office la péremption depuis le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.

Le principe du contradictoire : une garantie fondamentale

L’article 16, alinéa 3 du Code de procédure civile impose au juge, lorsqu’il relève d’office un moyen, de provoquer les explications des parties. Cette exigence a été réaffirmée par la Cour de cassation (Com. 23 mars 1993, n° 91-12.364).

3. Les conditions d’admission du moyen

La notion de grief pour les nullités de forme

L’exception de nullité pour vice de forme est soumise à une condition spécifique : celui qui l’invoque doit prouver que l’irrégularité lui cause un grief, conformément à l’article 114, alinéa 2 du Code de procédure civile. Ce grief s’entend comme une désorganisation de sa défense entraînant un risque de perdre le procès.

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que cette exigence de grief est propre aux nullités pour vice de forme et ne s’applique pas aux autres moyens (Civ. 2e, 9 mai 1985, n° 83-15.986).

L’absence de régularisation : une condition commune

La condition générale d’admission d’un moyen est l’absence de régularisation du vice entachant la prétention adverse. L’article 121 du Code de procédure civile pour les exceptions et l’article 126 pour les fins de non-recevoir prévoient cette possibilité de régularisation.

Celle-ci n’est juridiquement possible que lorsqu’elle est matériellement concevable et que l’esprit de l’exigence méconnue ne s’y oppose pas.

Le régime de la régularisation : un mécanisme encadré

La régularisation doit intervenir avant que le juge ne statue sur le moyen, comme le précisent les articles 121 et 126 du Code de procédure civile. Cette formule est interprétée comme visant l’ordonnance de clôture ou la clôture des débats (Civ. 2e, 3 juin 1998, n° 96-21.173).

Un débat a existé quant à savoir si une irrégularité manifestée en première instance pouvait être régularisée en appel. La jurisprudence admet cette possibilité, tant pour les défenses au fond et fins de non-recevoir (Civ. 2e, 4 juill. 1984, n° 82-15.432) que pour les exceptions (Civ. 3e, 17 avr. 1984).

Pour certains moyens, notamment les exceptions de nullité fondées sur un vice de forme, la régularisation doit intervenir « avant toute forclusion ». Cette exigence a perdu de sa pertinence depuis la réforme de la prescription issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Civ. 1re, 25 nov. 2010, n° 09-69.124).

La mécanique procédurale présente une complexité qui la rend parfois imprévisible. Une défense bien fondée peut échouer par défaut d’admissibilité. À l’inverse, un vice apparent peut être couvert par une régularisation opportune. Cette dimension technique justifie l’intervention d’un professionnel maîtrisant ces subtilités.

Pour ne pas voir vos arguments rejetés sur des questions de pure forme ou pour identifier les failles dans la défense adverse, un conseil avisé peut s’avérer déterminant. Le cabinet reste disponible pour examiner votre dossier et vous orienter vers la stratégie procédurale optimale.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 71 à 126, 789, 795
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 relatif à la procédure civile
  • Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 (Magicobus I)
  • Civ. 1re, 17 mars 2016, n° 15-13.765
  • Civ. 3e, 8 mars 1977, n° 75-14.834
  • Civ. 2e, 3 juin 1998, n° 96-21.173
  • Civ. 2e, avis, 11 octobre 2022, n° 22-70.010
  • Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 84-16.110
  • Pétel-Teyssié I., Répertoire de procédure civile, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir »

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