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Hypothèque impayée : les droits du créancier (droit de préférence et droit de suite)

Table des matières

L’hypothèque constitue une garantie appréciable pour un créancier. Mais que se passe-t-il concrètement lorsque la dette garantie n’est pas remboursée à l’échéance ? Quels sont les leviers dont dispose le créancier pour recouvrer les sommes qui lui sont dues grâce à cette sûreté immobilière ? Loin d’être une simple mention dans un contrat, l’hypothèque, pour être pleinement efficace et conférer au créancier des prérogatives juridiques fortes, doit être régulièrement inscrite. L’importance de cette publicité foncière est cruciale pour la protection des intérêts du créancier.

Cet article se propose d’explorer les deux droits fondamentaux que l’hypothèque octroie au créancier impayé : le droit de préférence, qui lui assure une priorité de paiement sur le prix de vente du bien, et le droit de suite, qui lui permet de « suivre » le bien immobilier même s’il a changé de propriétaire. Comprendre ces mécanismes est essentiel pour tout créancier souhaitant faire valoir efficacement sa garantie, mais aussi pour le propriétaire du bien hypothéqué.

Le droit de préférence : être payé en priorité

Le premier avantage majeur conféré par une hypothèque inscrite est le droit de préférence. Ce droit signifie que, lorsque l’immeuble hypothéqué est vendu (le plus souvent à la suite d’une procédure de saisie, mais parfois aussi lors d’une vente amiable encadrée), le créancier hypothécaire sera payé sur le prix de vente avant d’autres créanciers moins bien protégés.

Cette priorité s’exerce notamment face aux créanciers dits « chirographaires », c’est-à-dire ceux qui ne disposent d’aucune garantie particulière sur les biens du débiteur. Elle s’exerce également vis-à-vis des autres créanciers hypothécaires dont l’inscription serait postérieure à la sienne. Rappelons ici l’importance cruciale de la date d’inscription, évoquée dans nos précédents articles : c’est elle qui détermine le rang, et donc l’ordre de paiement entre les différents créanciers hypothécaires, comme le stipule l’article 2418 du Code civil. Le premier inscrit est le premier servi.

Ce droit de préférence ne s’exerce pas automatiquement. Il se concrétise lors de la procédure formelle de distribution du prix de vente. C’est à ce stade que le créancier hypothécaire fait valoir son rang pour être colloqué, c’est-à-dire pour se voir attribuer la part du prix qui lui revient.

Mais pour quel montant cette priorité s’applique-t-elle ? L’hypothèque garantit en premier lieu le montant principal de la créance, tel qu’il figure dans l’inscription. Elle couvre également les intérêts produits par cette créance, mais avec une règle spécifique posée par l’article 2427 du Code civil : seuls les intérêts correspondant aux trois dernières années avant la mise en jeu de la garantie bénéficient du même rang prioritaire que le capital. Pour les intérêts plus anciens, le créancier devra éventuellement avoir pris des inscriptions spécifiques, qui auront alors un rang moins favorable (celui de leur propre date d’inscription). Enfin, certains frais liés à la créance ou à l’inscription peuvent aussi être couverts par l’hypothèque, à condition d’avoir été expressément prévus et chiffrés dans le bordereau d’inscription.

Le droit de préférence est donc un outil puissant, mais son efficacité dépend directement de la qualité et de la date de l’inscription initiale.

Le droit de suite : suivre le bien, même s’il est vendu

Que se passe-t-il si le débiteur, avant même que vous n’ayez pu engager des poursuites, vend le bien immobilier qui était censé garantir votre créance ? C’est ici qu’intervient le second pilier de la protection hypothécaire : le droit de suite.

Consacré par l’article 2454 du Code civil, le droit de suite permet au créancier hypothécaire de saisir le bien immobilier entre les mains de la personne qui l’a acquis, même si cette personne (appelée « tiers détenteur ») n’est pas personnellement responsable de la dette initiale. Autrement dit, l’hypothèque « colle » à l’immeuble et le « suit » quels que soient les changements de propriétaire successifs.

Pour que ce droit puisse être exercé, une condition est absolument essentielle : l’hypothèque du créancier doit avoir été inscrite au Service de la Publicité Foncière avant que l’acte de vente du bien n’ait été lui-même publié. Si la vente est publiée avant l’inscription de l’hypothèque, le droit de suite est perdu pour le créancier vis-à-vis de cet acquéreur. C’est une illustration supplémentaire de l’importance vitale d’une inscription rapide et correcte.

Le « tiers détenteur » est donc typiquement l’acheteur de l’immeuble, mais il peut aussi s’agir d’une personne l’ayant reçu par donation, ou d’un légataire à titre particulier (celui qui reçoit un bien spécifique par testament). Ces personnes détiennent le bien, mais ne sont pas le débiteur originel.

Comment le créancier met-il en œuvre son droit de suite ? La procédure est formalisée. Elle commence généralement par l’envoi d’un commandement de payer au débiteur principal (celui qui doit l’argent). Ensuite, cet acte est dénoncé (notifié officiellement) au tiers détenteur actuel de l’immeuble. Cette dénonciation contient une sommation, conformément à l’article 2456 du Code civil : le tiers détenteur est mis en demeure soit de payer la dette garantie par l’hypothèque, soit de « délaisser » l’immeuble (ce qui signifie en pratique de le laisser être saisi et vendu), sous peine de voir la procédure de saisie immobilière dirigée directement contre lui.

Le droit de suite transforme ainsi l’hypothèque en une garantie particulièrement robuste, puisqu’elle n’est pas anéantie par la simple transmission du bien. Elle permet au créancier de conserver son recours sur l’immeuble lui-même, qui constitue le gage de sa créance.

Les limites des droits du créancier

Si le droit de préférence et le droit de suite confèrent une position forte au créancier hypothécaire, leur exercice n’est ni automatique ni sans contraintes. Plusieurs limites et conditions procédurales doivent être prises en compte.

Premièrement, pour pouvoir engager une saisie immobilière (que ce soit contre le débiteur initial ou contre le tiers détenteur via le droit de suite), le créancier doit généralement être en possession d’un titre exécutoire. Il s’agit d’un acte officiel (le plus souvent un jugement de condamnation définitif ou un acte notarié revêtu de la formule exécutoire) constatant sa créance de manière incontestable et ordonnant au débiteur de payer. L’hypothèque sécurise le paiement, mais ne dispense pas, sauf exceptions, d’obtenir ce titre pour recourir à l’exécution forcée.

Deuxièmement, la procédure de saisie immobilière elle-même est complexe et strictement encadrée par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Elle se déroule sous le contrôle du Juge de l’Exécution (JEX) et implique des délais, des publications, des audiences (notamment l’audience d’orientation) et potentiellement des contestations. Le créancier doit respecter scrupuleusement ces étapes. La réalisation effective de la garantie peut donc prendre du temps.

Troisièmement, et c’est un point majeur, les droits du créancier hypothécaire sont profondément affectés si le débiteur fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Dès le jugement d’ouverture, le principe de suspension des poursuites individuelles (prévu par l’article L. 622-21 du Code de commerce) interdit au créancier d’engager ou de continuer une saisie. De plus, l’article L. 622-30 du même code interdit toute nouvelle inscription d’hypothèque après le jugement d’ouverture. Le paiement des créanciers se fera alors dans le cadre collectif de la procédure, selon un ordre de priorité spécifique qui peut différer de l’ordre hypothécaire classique et souvent moins favorable au créancier initialement garanti.

Enfin, il ne faut pas oublier que la valeur de l’immeuble peut s’avérer insuffisante pour couvrir l’intégralité de la créance garantie (principal, intérêts, frais), surtout s’il existe d’autres créanciers hypothécaires de rang supérieur. L’hypothèque garantit un paiement prioritaire sur le prix de vente, mais ne garantit pas que ce prix sera suffisant.

Le recouvrement d’une créance garantie par une hypothèque, bien que sécurisé par des droits forts, nécessite une bonne compréhension des mécanismes juridiques et des procédures applicables. En cas de défaut de paiement de votre débiteur, il est important d’agir avec diligence et méthode. Pour une analyse de votre situation et la mise en œuvre des actions les plus adaptées à la défense de vos intérêts, notre cabinet se tient à votre disposition.

Sources

  • Code civil (notamment articles 2418, 2427, 2454, 2456)
  • Code des procédures civiles d’exécution (principes généraux de la saisie immobilière et de la distribution du prix)
  • Code de commerce (notamment articles L622-21, L622-30 relatifs aux procédures collectives)

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