La perspective d’une saisie immobilière est une épreuve considérable pour tout débiteur. Elle représente l’aboutissement d’une procédure de recouvrement et engage des biens d’une valeur patrimoniale et souvent affective majeure. Comprendre quels sont les immeubles qui peuvent effectivement être saisis est une première étape indispensable pour appréhender les enjeux et organiser sa défense. En effet, le droit français, à travers le Code des procédures civiles d’exécution, ne met pas tous les biens immobiliers sur un pied d’égalité. La procédure elle-même, dont il est essentiel de connaître le déroulement et l’analyse, dépend étroitement de la nature du bien concerné. Cette complexité souligne l’importance de l’identification précise de l’immeuble, une démarche qui conditionne la validité de toute la procédure. Un avocat compétent en saisie immobilière est un atout déterminant pour s’assurer que les droits du débiteur sont respectés à chaque étape.
Le principe de saisissabilité des immeubles
Le fondement de toute saisie, qu’elle soit mobilière ou immobilière, repose sur le droit de gage général reconnu à tout créancier. L’article 2284 du Code civil dispose que le débiteur est tenu de remplir son engagement sur l’ensemble de ses biens, présents et à venir. Ce principe de base signifie que la saisissabilité est la règle, tandis que l’insaisissabilité constitue l’exception. Un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut donc, en théorie, engager une procédure de saisie immobilière sur n’importe quel bien immobilier appartenant à son débiteur.
Cependant, le Code des procédures civiles d’exécution vient préciser et encadrer cette prérogative. L’article L. 311-6 de ce code énonce que, sauf dispositions légales contraires, la saisie immobilière peut porter sur tous les droits réels afférents aux immeubles et leurs accessoires réputés immeubles, à la condition qu’ils soient cessibles. Cette disposition établit un lien direct entre la capacité d’un bien ou d’un droit à être vendu et sa capacité à être saisi. En pratique, on considère que tous les biens et droits immobiliers susceptibles de faire l’objet d’une hypothèque sont également saisissables. La loi distingue plusieurs catégories d’immeubles, chacune obéissant à des règles de saisie qui lui sont propres.
Les immeubles par nature et leur saisie
La catégorie la plus évidente des biens saisissables est celle des immeubles par nature. Il s’agit des biens qui sont physiquement ancrés dans le sol et ne peuvent être déplacés. La définition et les exemples sont fournis par le Code civil.
Fonds de terre et constructions
L’article 518 du Code civil définit les immeubles par nature comme étant les fonds de terre et les bâtiments. Cette catégorie inclut donc le sol lui-même, mais aussi tout ce qui y est incorporé de manière fixe et permanente. La jurisprudence et les textes ont précisé cette notion pour y inclure :
- Les terrains, qu’ils soient bâtis ou non.
- Les constructions et bâtiments, qu’il s’agisse de maisons d’habitation, d’immeubles de rapport ou de locaux commerciaux.
- Les moulins à vent ou à eau, dès lors qu’ils sont fixés sur des piliers et font partie intégrante du bâtiment, comme le précise l’article 519 du Code civil.
- Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans un héritage, qui sont considérés comme une partie du fonds auquel ils sont attachés (article 523 du Code civil).
- Les mines et les carrières, qui sont également des immeubles par leur nature.
La saisie porte sur l’ensemble de ces éléments sans qu’il soit nécessaire de les lister de manière exhaustive dans le commandement de payer valant saisie, dès lors que le fonds de terre principal est correctement désigné.
Fruits et récoltes rattachés au fonds
Une question fréquente concerne le sort des produits agricoles. Selon l’article 520 du Code civil, les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore cueillis sont pareillement immeubles. Par conséquent, lorsqu’une saisie immobilière est pratiquée sur un terrain agricole, elle englobe de plein droit les récoltes sur pied. Ces dernières sont considérées comme un accessoire de l’immeuble et seront vendues avec lui.
Cette immobilisation cesse dès que les grains sont coupés ou que les fruits sont détachés des arbres. À partir de ce moment, ils deviennent des biens meubles et ne sont plus concernés par la saisie immobilière. Ils peuvent alors faire l’objet d’une saisie mobilière distincte, la saisie-vente. La distinction est donc temporelle et dépend de l’état de la récolte au moment de la procédure. Il existe des règles spécifiques pour déterminer quelles récoltes peuvent être saisies et à quel moment, ce qui peut avoir des conséquences importantes pour les exploitants agricoles.
Les immeubles par destination : modalités de saisie
La notion d’immeuble par destination est plus subtile. Il s’agit de biens qui sont, par leur nature, des meubles, mais que la loi considère fictivement comme des immeubles en raison du lien qui les unit à un fonds principal. Cette qualification a des incidences directes sur leur saisie.
Définition et critères
L’article 524 du Code civil définit les immeubles par destination comme les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds. Pour qu’un bien meuble soit qualifié d’immeuble par destination, deux conditions cumulatives doivent être réunies :
- L’unité de propriété : le bien meuble et l’immeuble auquel il est rattaché doivent appartenir au même propriétaire.
- L’intention d’affectation : le propriétaire doit avoir eu la volonté de lier durablement le meuble à l’immeuble. Ce lien peut être d’ordre économique (animaux attachés à la culture, matériel agricole, etc.) ou résulter d’une « attache à perpétuelle demeure » (glaces, statues, boiseries scellées dans le mur, etc.), comme le précise l’article 525 du Code civil.
Cette catégorie peut inclure du matériel industriel, des équipements hôteliers ou encore le cheptel d’une exploitation agricole. La reconnaissance de cette qualification est essentielle, car elle détermine le régime de saisie applicable.
Saisie indépendante ou avec le fonds
La règle de principe est que les immeubles par destination sont saisis en même temps que l’immeuble par nature dont ils sont l’accessoire. Ils sont inclus de plein droit dans la saisie du fonds, même si le commandement de payer ne les mentionne pas expressément. Leur sort est lié à celui de l’immeuble principal.
Il est donc en principe impossible de les saisir séparément par une saisie immobilière. L’article L. 112-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit cependant deux exceptions. Une saisie distincte est possible :
- Pour le paiement de leur prix : le vendeur de ces biens qui n’aurait pas été payé peut les faire saisir indépendamment de l’immeuble.
- Pour la réalisation du gage dont ils sont grevés : depuis la réforme du droit des sûretés, il est possible de consentir un gage sur des immeubles par destination. Le créancier gagiste peut alors les faire saisir, à la condition que leur séparation d’avec l’immeuble puisse se faire sans dommage.
En dehors de ces cas, toute tentative de saisie séparée serait irrégulière. Une fois détachés du fonds, ils redeviennent de simples meubles et peuvent alors faire l’objet d’une saisie mobilière.
Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent: droits réels et leur saisie
La saisie peut porter non seulement sur la pleine propriété d’un bien, mais aussi sur les droits réels démembrés qui s’y appliquent. Ces droits, bien qu’incorporels, sont considérés comme des immeubles et peuvent donc faire l’objet d’une saisie immobilière, à condition d’être cessibles.
Usufruit, nue-propriété et autres droits démembrés
La propriété peut être divisée entre plusieurs titulaires de droits. Les principaux droits démembrés saisissables sont :
- L’usufruit : il s’agit du droit d’utiliser un bien et d’en percevoir les revenus, sans en être propriétaire. L’usufruit peut être saisi par les créanciers de l’usufruitier. L’adjudicataire obtiendra alors le droit de jouir du bien pour la durée restante de l’usufruit.
- La nue-propriété : c’est le droit de disposer du bien, sans en avoir l’usage ni en percevoir les fruits. Les créanciers du nu-propriétaire peuvent saisir ce droit. L’adjudicataire deviendra nu-propriétaire et récupérera la pleine propriété à l’extinction de l’usufruit.
Il est important de noter que le juge ne peut pas ordonner la vente de la pleine propriété si seul l’usufruitier ou le nu-propriétaire est débiteur, sauf accord de l’autre titulaire de droit. La saisie ne peut porter que sur le droit détenu par le débiteur. En revanche, le droit d’usage et d’habitation, en raison de son caractère strictement personnel, est incessible et donc insaisissable.
Droit d’emphytéose et autres baux réels
Certains contrats de bail confèrent au preneur un véritable droit réel sur le bien, qui peut être saisi. C’est le cas notamment :
- Du bail emphytéotique : ce bail de longue durée (18 à 99 ans) confère au preneur (l’emphytéote) un droit réel susceptible d’hypothèque et donc saisissable.
- Du bail à construction : le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et bénéficie d’un droit réel sur ces constructions pour la durée du bail. Ce droit est également saisissable.
- Du droit du concessionnaire de mines ou d’énergie hydraulique : ces concessions administratives confèrent également des droits réels immobiliers qui peuvent être saisis.
À l’inverse, les parts de sociétés civiles immobilières (SCI), même si elles représentent un droit sur un immeuble, ont une nature mobilière et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une saisie immobilière. Elles relèvent de la procédure de saisie de droits d’associé et de valeurs mobilières.
Les constructions sur le terrain d’autrui: un régime spécifique
La situation des constructions édifiées sur un terrain qui n’appartient pas au constructeur est une source fréquente de complexités juridiques, notamment en matière de saisie. Le sort de ces constructions dépend des droits du constructeur et des choix du propriétaire du terrain.
Le sort des améliorations et incorporations
Le principe de base est celui de l’accession, énoncé à l’article 555 du Code civil : le propriétaire du sol devient propriétaire des constructions édifiées sur son terrain. Cependant, il a le choix entre exiger la démolition aux frais du constructeur ou conserver la propriété des constructions en l’indemnisant.
Les créanciers du propriétaire du sol peuvent, par le biais de l’action oblique, exercer à sa place le droit de conserver les constructions. Dans ce cas, l’immeuble et les constructions qui y sont incorporées peuvent être saisis. De même, l’hypothèque consentie par le propriétaire du terrain s’étend automatiquement aux améliorations et constructions qui y sont apportées. Un cas particulier concerne les biens meubles vendus avec une clause de réserve de propriété qui sont ensuite incorporés à un immeuble. Si leur retrait ne peut se faire sans détérioration, ils perdent leur nature mobilière et la clause de réserve de propriété devient inefficace ; ils sont alors saisis avec l’immeuble.
Constructions du locataire: droits et limites
Lorsque les constructions sont réalisées par un locataire, leur sort dépend des stipulations du bail. Si le bail autorise les constructions et prévoit une indemnisation pour le locataire en fin de contrat, ce dernier est considéré comme propriétaire des constructions pendant toute la durée du bail. Ses créanciers peuvent donc saisir ce droit réel temporaire. L’adjudicataire n’acquerra cependant qu’un droit limité dans le temps, ce qui peut rendre la procédure peu attractive.
Si le bail ne prévoit rien, les règles de l’article 555 du Code civil s’appliquent en fin de bail. Pendant la durée du contrat, le locataire a un simple droit de jouissance, mais les constructions ne peuvent être saisies par ses créanciers comme des droits immobiliers, car leur sort final dépend de la décision du bailleur.
La détermination des biens et droits saisissables est une matière technique qui requiert une analyse précise de chaque situation. Une erreur dans la qualification d’un bien peut entraîner la nullité de la procédure de saisie. Pour une évaluation juste de votre situation et pour défendre efficacement vos droits, il est recommandé de prendre contact avec notre cabinet.
Sources
- Code civil
- Code des procédures civiles d’exécution
- Code de commerce