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Instance arbitrale internationale : comment se déroule la procédure ?

Table des matières

Le tribunal arbitral est constitué, les arbitres ont accepté leur mission. La phase organisationnelle laisse place au cœur du processus : l’instance arbitrale elle-même. Comment se déroule concrètement cette « instruction privée » d’un litige international ? Quelles sont les règles du jeu qui gouvernent les échanges entre les parties et les arbitres ? Qui décide de la loi applicable pour trancher le différend ? L’arbitrage est réputé pour sa souplesse, mais cette flexibilité ne signifie pas absence de règles. Cet article vous guide à travers les étapes clés et les principes directeurs de la conduite de l’instance arbitrale internationale, depuis le choix du cadre juridique jusqu’à la gestion des preuves et des incidents de procédure.

Quel cadre juridique pour l’instance ? La loi de procédure

L’un des attraits majeurs de l’arbitrage international réside dans la liberté laissée aux parties pour façonner la procédure. Conformément à l’article 1509 du Code de procédure civile français, ce sont d’abord les parties qui déterminent, dans leur convention d’arbitrage ou par accord ultérieur, les règles de procédure à suivre. Elles peuvent :

  • Établir leurs propres règles sur mesure.
  • Se référer aux règles de procédure d’une loi nationale spécifique (par exemple, la loi française, suisse, anglaise…).
  • Adopter le règlement d’une institution d’arbitrage (CCI, LCIA, etc.), ce qui est le cas le plus fréquent en pratique.
  • Se référer à des règles non étatiques, comme le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International), conçu spécifiquement pour les arbitrages ad hoc.

Cette liberté est très large. Il n’y a pas de lien nécessaire entre le lieu physique où se tiennent les audiences (le « siège » de l’arbitrage) et la loi de procédure choisie. Un arbitrage siégeant à Paris peut très bien être régi par les règles de procédure suisses ou le règlement de la LCIA basée à Londres.

Que se passe-t-il si les parties n’ont rien prévu ? L’article 1509 donne alors au tribunal arbitral le pouvoir de régler lui-même la procédure, « soit directement, soit par référence à un règlement d’arbitrage ou à des règles de procédure ». L’arbitre dispose ici de la même liberté que les parties.

Cependant, cette liberté n’est pas absolue. Quelle que soit la procédure choisie ou définie, l’article 1510 du Code de procédure civile impose le respect de deux principes fondamentaux, considérés comme faisant partie de l’ordre public international procédural :

  • L’égalité des parties : Chaque partie doit disposer des mêmes droits et des mêmes armes procédurales.
  • Le principe de la contradiction : Chaque partie doit être mise en mesure de connaître et de discuter les arguments et les preuves présentés par l’adversaire et pris en compte par le tribunal.

Si les parties choisissent de soumettre leur arbitrage à la loi de procédure française (ce qui est possible même si l’arbitrage se déroule à l’étranger), ou si cette loi s’applique en l’absence d’autre choix dans certaines conditions (via l’article 1505), alors un certain nombre de dispositions supplétives du Code de procédure civile français, listées à l’article 1506, s’appliqueront pour guider l’instance (concernant notamment les pouvoirs d’instruction des arbitres, la gestion des incidents, etc.), toujours sous réserve du respect de l’autonomie de la volonté des parties.

L’alternative : l’amiable composition

Plutôt que de demander aux arbitres de trancher le litige en appliquant strictement des règles de droit (qu’elles soient nationales ou autres), les parties peuvent convenir, par une clause expresse dans leur convention d’arbitrage, de leur donner le pouvoir de statuer en amiable composition (article 1512 du Code de procédure civile).

L’arbitre agissant comme amiable compositeur ne juge plus « en droit » mais « en équité ». Il recherche la solution qui lui paraît la plus juste et la plus adaptée aux circonstances particulières de l’affaire, même si elle s’écarte de l’application rigoureuse de la règle de droit normalement applicable. Il peut ainsi modérer les effets d’une clause contractuelle jugée trop dure, ou écarter une règle légale dont l’application stricte conduirait à un résultat inéquitable.

Cette faculté ne donne cependant pas tous les pouvoirs à l’amiable compositeur. Il reste tenu par sa mission juridictionnelle et doit respecter les principes fondamentaux de la procédure (égalité, contradiction). Surtout, il ne peut pas ignorer totalement le cadre contractuel et refaire le contrat à la place des parties. Sa décision doit également rester conforme à l’ordre public international. L’amiable composition est moins fréquente en arbitrage international qu’en interne, les parties préférant souvent la prévisibilité des règles de droit dans un contexte multiculturel.

Quelle loi pour trancher le fond du litige ?

Déterminer les règles de procédure est une chose ; choisir les règles qui permettront de trancher le fond du litige en est une autre. Là encore, le principe directeur en arbitrage international est l’autonomie de la volonté.

L’article 1511 du Code de procédure civile est très clair : les parties choisissent les « règles de droit » selon lesquelles le tribunal arbitral statuera. L’utilisation du terme « règles de droit » plutôt que « loi » est significative. Elle indique que les parties ne sont pas limitées au choix d’une loi nationale (française, suisse, américaine…). Elles peuvent opter pour :

  • Une loi nationale spécifique.
  • Une combinaison de plusieurs lois nationales.
  • Des principes généraux du droit internationalement reconnus (comme les Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international).
  • La Lex Mercatoria, un ensemble non codifié de principes et d’usages propres au commerce international, dégagés par la pratique et la jurisprudence arbitrale.
  • Elles peuvent même « dépecer » le contrat, en soumettant différentes parties du contrat à des règles de droit distinctes.

Si les parties n’ont fait aucun choix, l’article 1511 confère à l’arbitre une très grande liberté : il tranche le litige conformément aux règles de droit qu’il estime appropriées. Il n’est pas obligé d’appliquer une méthode de conflit de lois spécifique (comme le ferait un juge étatique) pour déterminer une loi nationale applicable. Il peut choisir directement la loi nationale qui lui semble la plus pertinente, ou appliquer des principes généraux, ou combiner différentes approches. Son objectif est de trouver les règles les plus adaptées à la nature du litige et aux attentes légitimes des parties.

Dans tous les cas, qu’il applique des règles choisies par les parties ou par lui-même, l’article 1511 précise que l’arbitre « tient compte des usages du commerce ». Ces usages ne constituent pas en eux-mêmes un système juridique complet, mais ils éclairent l’interprétation des contrats et l’application des règles de droit dans le contexte spécifique du commerce international.

Démarrer l’instance : saisine et acte de mission

Une fois le tribunal constitué, l’instance est formellement « engagée » ou le tribunal « saisi » (investi de sa mission). Ce moment coïncide souvent avec l’acceptation de leur mission par tous les arbitres. Il est important de noter que si le contrat prévoit une clause de médiation ou de conciliation préalable obligatoire, le fait de saisir directement le tribunal arbitral sans avoir respecté cette étape peut rendre la demande d’arbitrage irrecevable.

En pratique, notamment dans les arbitrages institutionnels, le début de l’instance est souvent marqué par l’établissement d’un Acte de Mission (ou Terms of Reference). Ce document essentiel, généralement préparé par le tribunal arbitral en concertation avec les parties et signé par tous, sert de feuille de route pour la procédure. Il contient typiquement :

  • L’identité complète des parties et de leurs conseils.
  • L’identité et l’adresse des arbitres.
  • Un exposé succinct des circonstances de l’affaire et des prétentions des parties.
  • La liste précise des questions sur lesquelles le tribunal arbitral devra statuer (sa mission).
  • Les règles de procédure applicables (si non déjà fixées).
  • Le lieu et la langue de l’arbitrage.
  • Parfois, un premier calendrier procédural.

L’Acte de Mission cristallise l’accord des parties et des arbitres sur le cadre du litige et de la procédure, ce qui contribue grandement à la sécurité et à l’efficacité de l’instance.

La confidentialité de l’arbitrage international : mythe ou réalité ?

L’arbitrage est souvent perçu comme une procédure confidentielle, à l’abri des regards du public et des concurrents. Cette confidentialité est l’un de ses attraits supposés. Qu’en est-il réellement en arbitrage international selon le droit français ?

Contrairement à l’arbitrage interne où l’article 1464, alinéa 4, du Code de procédure civile pose un principe de confidentialité (sauf accord contraire des parties), aucune disposition légale générale n’impose la confidentialité en arbitrage international. L’article 1506 ne renvoie pas à l’article 1464 alinéa 4.

Cela signifie que si les parties souhaitent que leur arbitrage soit confidentiel (que ce soit les débats, les pièces échangées, ou la sentence elle-même), elles doivent le prévoir expressément :

  • Soit dans leur convention d’arbitrage initiale.
  • Soit par un accord de confidentialité séparé conclu ultérieurement.
  • Soit en choisissant un règlement d’arbitrage institutionnel qui contient des dispositions expresses sur la confidentialité (ce qui est le cas de nombreux règlements, mais avec des portées variables).

Même en présence d’un accord, la confidentialité connaît des limites. Elle ne peut faire échec aux obligations légales de divulgation (par exemple, en matière de lutte contre le blanchiment, ou pour les sociétés cotées), ni à l’exercice des voies de recours (la procédure devant la cour d’appel étant publique), ni à la nécessité de produire la sentence pour obtenir son exécution. Il faut distinguer la simple privacy (caractère non public des audiences) de la confidentiality (véritable obligation de secret pesant sur les parties, les arbitres et l’institution).

Gérer la procédure : pouvoirs de l’arbitre et incidents

L’arbitre est le maître de la procédure qu’il conduit. Il dispose de pouvoirs importants pour instruire l’affaire et gérer les incidents qui peuvent survenir.

  • Pouvoir juridictionnel : Comme vu précédemment, il statue sur sa propre compétence (article 1465).
  • Mesures provisoires et conservatoires :
    • Avant la constitution du tribunal, seul le juge étatique est compétent pour ordonner de telles mesures, et seulement en cas d’urgence (article 1449).
    • Après sa constitution, le tribunal arbitral peut ordonner « toutes mesures conservatoires ou provisoires qu’il juge opportune » (article 1468). Il peut les assortir d’une astreinte pour en assurer l’efficacité. Sa compétence exclut cependant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, qui restent du monopole du juge étatique.
  • Administration de la preuve : Le principe est que chaque partie doit prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention (actori incumbit probatio). Toutefois, l’arbitre dispose de pouvoirs d’instruction étendus (article 1467). Il peut ordonner aux parties de produire des éléments de preuve qu’elles détiennent, au besoin sous astreinte. Si une pièce pertinente est détenue par un tiers, l’arbitre peut inviter une partie à saisir le juge étatique (Président du TGI) pour en obtenir la production forcée (article 1469).
  • Mesures d’instruction : L’arbitre peut décider d’entendre des témoins (dont les déclarations écrites sont fréquentes, complétées par une audition contradictoire), de nommer un expert technique (même si les parties produisent souvent leurs propres expertises), d’effectuer une visite des lieux, etc. La procédure est généralement plus souple qu’en justice étatique.
  • Incidents de procédure : Le tribunal arbitral est compétent pour trancher les incidents qui surviennent, tels que la contestation de l’authenticité d’une écriture ou l’allégation de faux (article 1470). Il peut également décider de surseoir à statuer (article 1472) si la solution du litige dépend d’une autre décision (judiciaire, administrative…) ou si un événement affecte la capacité d’une partie (procédure collective). La procédure est aussi suspendue en cas de décès ou d’empêchement d’un arbitre, jusqu’à son remplacement (article 1473).
  • Ordonnances de procédure : Pour gérer le déroulement de l’instance (fixer des délais, organiser les échanges de mémoires, statuer sur des demandes d’instruction…), le tribunal arbitral rend des ordonnances de procédure. Celles-ci sont des mesures d’administration judiciaire et ne tranchent pas le litige au fond ; elles ne sont donc pas susceptibles de recours immédiat.

La conduite de l’instance arbitrale internationale est marquée par une grande flexibilité procédurale, encadrée par les principes fondamentaux d’égalité et de contradiction, et soutenue par les pouvoirs étendus conférés à l’arbitre pour instruire l’affaire et surmonter les incidents.


Maîtriser les règles et le déroulement de l’instance arbitrale est essentiel pour défendre efficacement vos intérêts. Pour une assistance stratégique tout au long de la procédure, notre équipe est à votre écoute.

Sources

  • Code de procédure civile (notamment articles 1449, 1462-1473, 1506, 1509-1512)
  • Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international (mention)
  • Règlement d’arbitrage de la CNUDCI (mention)

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