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Jugement par défaut ou réputé contradictoire : comprendre les différences essentielles

Table des matières

Un jugement rendu en l’absence d’une partie (un défaut de comparution) peut avoir des conséquences radicalement différentes selon sa qualification juridique. Que ce soit pour des décisions nationales ou pour faire exécuter un jugement étranger via l’exequatur, la complexité des règles est constante. La distinction entre jugement par défaut et jugement réputé contradictoire détermine non seulement les voies de recours possibles, mais aussi les délais pour agir. Cette qualification, souvent méconnue des justiciables, constitue pourtant un élément déterminant dans la stratégie à adopter après réception d’une décision de justice.

Définition et importance de la qualification d’un jugement

Le code de procédure civile distingue trois catégories de jugements selon les conditions dans lesquelles ils sont rendus.

Le jugement contradictoire est prononcé lorsque toutes les parties ont comparu et présenté leurs arguments. L’article 467 du code de procédure civile précise qu’il suffit que les parties aient comparu « en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée ».

À l’opposé, le jugement par défaut intervient dans des circonstances strictement définies par l’article 473, alinéa 1er du code de procédure civile. Deux conditions cumulatives doivent être réunies : la décision doit être rendue en dernier ressort (c’est-à-dire non susceptible d’appel) et la citation n’a pas été délivrée à la personne même du défendeur.

Entre ces deux situations, le législateur a créé une catégorie intermédiaire : le jugement réputé contradictoire. Il s’agit d’un jugement rendu en l’absence d’une partie mais considéré comme contradictoire pour la détermination des voies de recours. Cette qualification s’applique notamment lorsque le jugement est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

La différence essentielle réside dans les voies de recours. Contre un jugement par défaut, l’opposition est possible. Cette voie permet au défaillant de faire réexaminer l’affaire par le même juge. En revanche, le jugement réputé contradictoire n’ouvre droit qu’à l’appel ou au pourvoi en cassation.

Évolution historique de la notion de jugement par défaut

La conception du jugement par défaut a considérablement évolué au fil du temps, traduisant un arbitrage permanent entre deux impératifs contradictoires : protéger les droits du défaillant et assurer une bonne administration de la justice.

Historiquement, l’opposition était largement admise. Le code de procédure civile de 1806 l’ouvrait à tout jugement par défaut, faute de comparaître ou de conclure. Cette conception très favorable au défaillant présentait cependant un inconvénient majeur : elle permettait des manœuvres dilatoires, certains plaideurs s’abstenant délibérément de participer au procès pour retarder son issue.

Une première évolution significative est intervenue avec le décret-loi du 30 octobre 1935. Ce texte a supprimé l’opposition contre les jugements rendus par défaut faute de conclure, créant ainsi la catégorie des jugements « réputés contradictoires ».

Le décret du 22 décembre 1958 a ensuite étendu cette notion aux situations de défaut faute de comparaître. Désormais, les jugements susceptibles d’appel ainsi que ceux rendus après citation délivrée à personne devenaient de plein droit contradictoires.

Cette évolution traduit une tendance constante : la restriction progressive du champ des jugements par défaut et, corrélativement, de la voie de l’opposition. Le législateur a estimé que dans certaines situations, notamment lorsque le défendeur a été personnellement touché par la citation ou dispose encore de la voie de l’appel, l’absence de comparution pouvait être considérée comme un choix délibéré ne méritant pas la protection de l’opposition.

Critères actuels de qualification du jugement

Aujourd’hui, la qualification d’un jugement rendu en l’absence du défendeur obéit à des règles précises, codifiées aux articles 473 et 474 du code de procédure civile.

Le jugement par défaut représente désormais une catégorie résiduelle, limitée aux seuls cas où deux conditions sont réunies : le jugement est rendu en dernier ressort et la citation n’a pas été délivrée à la personne même du défendeur. Dans tous les autres cas, le jugement sera réputé contradictoire.

La question de la délivrance à personne constitue un critère décisif. L’article 651 du code de procédure civile précise qu’une citation est considérée remise à personne lorsqu’elle est délivrée au destinataire lui-même, et non à un tiers (concierge, voisin, membre de la famille). Cette remise garantit que le défendeur a effectivement eu connaissance de la procédure engagée contre lui.

La possibilité d’interjeter appel constitue l’autre critère majeur. Le législateur considère que la voie de l’appel offre une protection suffisante au défaillant, rendant inutile l’ouverture de l’opposition.

Pour les cas particuliers de pluralité de défendeurs, l’article 474 prévoit un régime spécifique. Le jugement sera rendu par défaut à l’égard de tous si, cumulativement, il n’est pas susceptible d’appel et l’un des défendeurs au moins n’a pas été cité à personne.

Autre point essentiel : une qualification erronée dans le jugement reste sans effet sur les voies de recours. L’article 536 du code de procédure civile dispose explicitement que « la qualification inexacte d’un jugement par les juges qui l’ont rendu est sans effet sur le droit d’exercer un recours ». Ce qui compte, c’est la qualification réelle qui découle des conditions objectives dans lesquelles le jugement a été rendu.

Conséquences pratiques de la qualification

La qualification du jugement emporte des conséquences pratiques considérables.

Première conséquence, et non des moindres : les voies de recours. Pour contester un jugement rendu en votre absence, un jugement par défaut peut être attaqué par la voie de l’opposition (article 476 du code de procédure civile). Cette procédure permet au défaillant de faire rejuger l’affaire devant le même tribunal. Le jugement réputé contradictoire, quant à lui, ne peut être contesté que par appel ou pourvoi en cassation.

Les délais diffèrent également. L’opposition doit être formée dans le mois suivant la signification du jugement par défaut (article 528 du code de procédure civile). Pour l’appel, le délai est également d’un mois, mais le point de départ peut varier selon les circonstances.

Le régime de notification des jugements par défaut présente aussi des particularités. Tout jugement par défaut ou réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel doit être notifié dans les six mois de son prononcé (article 478 du code de procédure civile). À défaut, il devient non avenu – c’est-à-dire considéré comme n’ayant jamais existé. Cette règle protège le défaillant contre la surprise d’une exécution tardive.

Ces différences ont des implications stratégiques. Pour le demandeur ayant obtenu gain de cause, il est crucial de respecter le délai de six mois pour la notification. Pour le défendeur condamné, l’enjeu est d’identifier correctement la qualification du jugement pour exercer le recours adéquat dans les délais impartis.

La protection du contradictoire, principe fondamental de la procédure civile, justifie ces règles particulières. Même si le législateur a progressivement restreint le champ des jugements par défaut, il maintient des garanties pour s’assurer que nul ne puisse être jugé sans avoir eu la possibilité effective de se défendre.

Pour garantir vos droits face à un jugement rendu en votre absence, une analyse précise de sa qualification s’impose. Notre cabinet est à votre disposition pour examiner votre situation et déterminer la meilleure stratégie juridique à adopter, y compris pour tout besoin lié à l’application ou à la contestation des voies d’exécution.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 467 à 479 (dispositions relatives au jugement par défaut et au jugement réputé contradictoire)
  • Code de procédure civile, articles 528 à 540 (délais de recours)
  • Code de procédure civile, article 651 (remise à personne)
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 3 mars 2022, n° 20-17.419 (sur l’erreur de qualification et le délai de recours)

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