Un arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2025 (Cass. 2e civ., 6 févr. 2025, n° 22-17.249, Publié au bulletin) redéfinit la nature juridique des contestations contre les actes de saisie des droits incorporels.
La qualification juridique clarifiée
La deuxième chambre civile tranche une question technique mais cruciale. La nullité d’un procès-verbal de saisie de droits incorporels ne constitue pas une exception de procédure.
Cette qualification libère les débiteurs d’une contrainte procédurale majeure: ils peuvent désormais contester la validité de l’acte à tout moment, sans obligation de le faire avant toute défense au fond.
L’arrêt affirme précisément: « le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels ne constitue pas une exception de procédure au sens de l’article 73 du code de procédure civile ».
Une solution fondée sur la nature des procédures d’exécution
La Cour s’appuie sur une distinction fondamentale. La saisie mobilière reste une procédure extrajudiciaire.
Contrairement à la saisie immobilière, qui nécessite l’intervention du juge, la saisie des droits incorporels (actions, parts sociales, etc.) se déroule hors cadre judiciaire. Le juge n’intervient qu’en cas de contestation.
Cette différence explique pourquoi la contestation ne vise pas « à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte » mais simplement « à obtenir l’annulation de l’acte de saisie ».
Les arguments techniques retenus
La solution repose sur trois piliers:
- Un précédent: la Cour avait déjà adopté cette position pour la saisie-attribution (Civ. 2e, 6 déc. 2007)
- L’aspect extrajudiciaire: la contestation vise un acte de saisie, non un acte de procédure judiciaire
- La position procédurale: la contestation est introduite par action, non comme défense
Cette solution respecte l’esprit de la loi de 1991 qui visait à renforcer l’efficacité des voies d’exécution tout en préservant les droits de défense du débiteur.
Implications pratiques immédiates
Pour les créanciers, l’arrêt impose une vigilance accrue. La validité de leur saisie peut être contestée à tout moment de la procédure.
Pour les débiteurs, c’est un allègement significatif des contraintes procédurales. Même après avoir présenté d’autres moyens de défense, ils conservent la possibilité de contester la validité de l’acte.
Pour les praticiens, cette décision modifie la stratégie contentieuse. Elle impose de repenser l’ordre de présentation des moyens devant le juge de l’exécution.
Une distinction essentielle à retenir
Cette solution ne s’applique pas uniformément:
- Saisies mobilières (droits incorporels): la contestation n’est pas une exception de procédure
- Saisie immobilière: la contestation reste soumise au régime strict des exceptions (Civ. 2e, 25 mars 2010)
L’assistance d’un avocat spécialisé devient indispensable pour naviguer ces subtilités procédurales et contester efficacement une saisie de droits incorporels.
Sources
- Civ. 2e, 6 févr. 2025, FS-B, n° 22-17.249
- Civ. 2e, 6 déc. 2007, n° 06-15.178 et n° 07-13.964
- Civ. 2e, 25 mars 2010, n° 08-17.196
- Code des procédures civiles d’exécution, art. R. 121-5
- Code de procédure civile, art. 73 et 74
- Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution