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La fin du partenariat : comprendre la cessation du contrat de franchise et ses enjeux

Table des matières

Comme toute relation contractuelle, celle qui unit un franchiseur et un franchisé – un contrat aux caractéristiques spécifiques – a une fin. Cette étape, souvent redoutée, est pourtant une phase normale de la vie des affaires. Qu’elle intervienne à l’échéance prévue, d’un commun accord, ou suite à un conflit, la cessation du contrat de franchise soulève des questions complexes et est fréquemment source de litiges. Quelles sont les différentes manières dont un contrat peut prendre fin ? Quelles sont les obligations qui subsistent après la rupture ? Comment gérer les clauses restrictives de concurrence ? Le franchisé peut-il prétendre à une indemnisation ? Cet article explore les différents scénarios de fin de contrat et décrypte les enjeux juridiques et pratiques majeurs pour les partenaires.

Comment un contrat de franchise prend-il fin ?

La fin d’un contrat de franchise peut survenir de manière « normale », prévue ou acceptée par les parties, ou de manière « pathologique », résultant d’un incident ou d’un désaccord profond.

La fin « normale » : échéance, accord, ou décision unilatérale

  • L’arrivée du terme (pour les CDD) : La plupart des contrats de franchise sont conclus pour une durée déterminée (souvent 5, 7 ou 10 ans). Lorsque le contrat arrive à son échéance, il prend fin automatiquement. Point important : sauf clause contraire explicite (ce qui est rare en pratique), le franchisé n’a pas de droit automatique au renouvellement de son contrat. Le franchiseur est libre de proposer ou non un nouveau contrat, et éventuellement à des conditions différentes.
  • La résiliation unilatérale (pour les CDI) : Si le contrat est à durée indéterminée (ce qui peut arriver après la tacite reconduction d’un CDD par exemple, voir l’article 1215 du Code civil), chaque partie a le droit d’y mettre fin unilatéralement, à tout moment. Cette liberté de rompre un engagement perpétuel est un principe fondamental. Cependant, elle n’est pas absolue.
  • La résiliation amiable (mutuus dissensus) : Les parties peuvent toujours décider, d’un commun accord, de mettre fin à leur relation contractuelle avant le terme prévu. Il est alors conseillé de formaliser cet accord dans un protocole de fin de contrat qui règlera les conséquences de la rupture (sort des stocks, clauses post-contractuelles, etc.). Attention, sauf renonciation expresse, la signature d’un tel accord n’empêche pas une partie de réclamer ultérieurement réparation pour des fautes commises par l’autre avant la rupture.
  • Tempéraments et points de vigilance :
    • L’abus de droit : Même en l’absence de droit au renouvellement, le franchiseur ne peut refuser de renouveler ou rompre un CDI de manière abusive. L’abus pourrait être caractérisé si, par exemple, le franchiseur a laissé croire au franchisé que le contrat serait renouvelé, l’a incité à réaliser de lourds investissements peu avant l’échéance, ou rompt brutalement dans des conditions déloyales visant à nuire au franchisé (Com. 8 oct. 2013). La preuve de l’abus reste cependant difficile à rapporter.
    • Le préavis suffisant : En cas de rupture d’une « relation commerciale établie » (ce qui est le cas d’un contrat de franchise suivi), l’auteur de la rupture doit respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation et d’autres circonstances (article L. 442-1, II du Code de commerce). Rompre sans préavis suffisant engage la responsabilité de son auteur et ouvre droit à indemnisation pour la victime (correspondant à la marge brute perdue pendant la période de préavis non respectée). La loi plafonne toutefois ce préavis à 18 mois.
    • La durée minimale implicite ? Certains plaident pour qu’un contrat ne puisse être rompu avant que le franchisé ait pu raisonnablement amortir ses investissements spécifiques initiaux. Bien que non consacrée explicitement pour la franchise, cette idée est parfois prise en compte par les juges pour apprécier le caractère abusif d’une rupture.
    • L’obligation de motivation : La jurisprudence n’impose généralement pas au franchiseur de motiver son refus de renouveler ou sa décision de résilier un CDI. On peut toutefois s’interroger si l’exigence de bonne foi (article 1104 du Code civil) ne devrait pas inciter à plus de transparence dans une décision aux conséquences si lourdes pour le partenaire.

Les ruptures « pathologiques » : conflits et incidents

La fin du contrat peut aussi résulter d’événements plus conflictuels :

  • La nullité du contrat : Si les conditions de validité n’étaient pas remplies dès l’origine (vice du consentement, absence de savoir-faire réel…), le contrat peut être annulé par le juge, avec effet rétroactif (comme s’il n’avait jamais existé). Nous avons abordé les conditions de formation et de validité du contrat dans un précédent article.
  • La résiliation pour faute : Un manquement suffisamment grave d’une partie à ses obligations contractuelles peut justifier la résiliation du contrat par l’autre partie.
    • Résiliation judiciaire : La partie victime saisit le juge pour faire constater la faute et prononcer la résiliation (article 1227 du Code civil). Le juge apprécie la gravité du manquement.
    • Clause résolutoire : Le contrat peut prévoir qu’en cas de manquement à certaines obligations précises, la résiliation interviendra automatiquement après une mise en demeure restée infructueuse (article 1225 du Code civil). Attention, même avec une telle clause, la partie qui l’invoque doit le faire de bonne foi. Le juge peut écarter la clause si elle est mise en œuvre de manière déloyale.
    • Résiliation unilatérale par notification : Depuis la réforme de 2016, l’article 1226 du Code civil permet au créancier d’une obligation non exécutée de manière suffisamment grave de résilier le contrat unilatéralement, à ses risques et périls, après avoir mis en demeure le débiteur (sauf urgence). Le débiteur peut toujours contester cette résiliation devant le juge a posteriori.
  • La force majeure : Un événement imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties qui rend l’exécution du contrat définitivement impossible entraîne sa résolution de plein droit (article 1218 du Code civil).
  • L’imprévision : Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation. En cas d’échec, le juge peut être saisi pour réviser le contrat ou y mettre fin (article 1195 du Code civil). Cela pourrait concerner, par exemple, une crise économique sectorielle majeure et imprévue.
  • La caducité : Le contrat peut devenir caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît en cours d’exécution (article 1186 du Code civil). Par exemple, si le franchiseur perd définitivement les droits sur sa marque. La caducité met fin au contrat uniquement pour l’avenir.

Les conséquences immédiates de la fin du contrat

Quelle que soit la cause de la cessation, elle entraîne des conséquences immédiates pour les deux parties.

Pour le franchisé : restitution et perte de l’usage des signes

Dès la fin du contrat, le franchisé perd le droit d’utiliser la marque, l’enseigne, et tous les signes distinctifs du réseau. Continuer à les utiliser l’exposerait à des poursuites pour contrefaçon ou parasitisme économique. Il doit également restituer au franchiseur tous les éléments matériels et documentaires qui lui avaient été confiés : le manuel opératoire (« bible »), les supports publicitaires, parfois certains équipements spécifiques prêtés ou loués…

L’obligation post-contractuelle de confidentialité

Le savoir-faire communiqué pendant le contrat reste la propriété du franchiseur. Le franchisé est donc tenu par une obligation de ne pas divulguer ni utiliser ce savoir-faire après la fin du contrat. Cette obligation est naturelle et découle de la nature confidentielle du savoir-faire. Sa violation constituerait un acte de concurrence déloyale. Il est souvent utile que le contrat précise la durée de cette obligation de confidentialité post-contractuelle.

Le sort complexe du fichier clients

Qui est propriétaire des données clients collectées par le franchisé pendant le contrat ? C’est une question de plus en plus sensible avec la digitalisation et le RGPD. En principe, le franchisé, en tant que commerçant indépendant qui a constitué et exploité ce fichier, en est le « producteur » au sens du droit des bases de données et le « responsable de traitement » au sens du RGPD. Le fichier clients est un actif essentiel de son fonds de commerce.

Cependant, de nombreux contrats de franchise contiennent des clauses organisant le partage, voire le transfert de propriété ou un droit d’utilisation de ces données au profit du franchiseur, pendant et après le contrat. La validité et la portée de ces clauses sont sujettes à discussion, notamment au regard du RGPD (nécessité du consentement éclairé des clients, finalités déterminées…) et du risque de détournement de clientèle au détriment du franchisé sortant. Une décision récente (Com. 27 sept. 2023) a admis qu’un ancien franchisé puisse demander en référé l’interdiction pour le franchiseur d’utiliser son fichier clients après la rupture, suggérant que le droit du franchisé sur ses données peut être protégé.

Le casse-tête des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles

Ces clauses sont très fréquentes et visent à protéger le franchiseur après le départ du franchisé. Elles sont cependant très encadrées car elles portent atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de travailler du franchisé.

Clause de non-concurrence post-contractuelle : validité très encadrée

Cette clause interdit à l’ancien franchisé d’exercer une activité concurrente à celle du réseau pendant une certaine durée et dans une zone géographique définie. Pour être valable, elle doit impérativement remplir plusieurs conditions cumulatives :

  1. Être limitée dans le temps : La durée de l’interdiction doit être raisonnable (souvent 1 an maximum).
  2. Être limitée dans l’espace : La zone géographique doit être restreinte à celle où la concurrence de l’ancien franchisé risquerait réellement de nuire au franchiseur (par exemple, la zone de chalandise de l’ancien point de vente, ou un rayon limité autour). Une clause couvrant toute la France ou toute l’Europe est généralement jugée excessive.
  3. Être justifiée par un intérêt légitime du franchiseur : La clause doit être nécessaire à la protection des intérêts du franchiseur. En franchise, cette justification repose principalement sur la protection d’un savoir-faire substantiel et secret transmis au franchisé, que ce dernier pourrait utiliser pour concurrencer le réseau. Si le savoir-faire est banal ou non confidentiel, la clause n’est pas justifiée.
  4. Être proportionnée : L’interdiction ne doit pas empêcher l’ancien franchisé d’exercer toute activité professionnelle correspondant à ses compétences et à son expérience. Si la clause est si large qu’elle le contraint à changer totalement de métier ou à déménager très loin, elle sera jugée disproportionnée et donc nulle.

Les tribunaux contrôlent assez strictement ces conditions. Une clause qui ne respecte pas l’une d’elles est nulle et ne produit aucun effet.

La question de la contrepartie financière

En droit du travail, une clause de non-concurrence post-contractuelle n’est valable que si elle prévoit une contrepartie financière (« indemnité de non-concurrence ») pour le salarié. Cette exigence n’existe pas, en l’état actuel du droit, pour les contrats de franchise. La Cour de cassation refuse d’étendre la solution applicable aux salariés aux franchisés, considérant qu’ils sont des commerçants indépendants.

Cette position est critiquée par une partie de la doctrine. L’ancien franchisé, même indépendant, est privé de la possibilité d’exploiter sa propre clientèle (dont l’arrêt Trévisan de 2002 a reconnu qu’elle lui appartenait) et de gagner sa vie dans son domaine d’activité. Certains arguments fondés sur le droit de propriété (protégé par la Convention Européenne des Droits de l’Homme) ou le droit au travail pourraient justifier une évolution, mais elle n’a pas eu lieu à ce jour. L’absence de contrepartie financière rend ces clauses particulièrement lourdes pour le franchisé sortant.

Clause de non-réaffiliation : un régime aligné ?

Parfois, le contrat n’interdit pas d’exercer une activité concurrente, mais seulement de rejoindre un autre réseau de franchise concurrent (clause de non-réaffiliation). Bien que distincte en théorie (elle laisserait la possibilité d’exercer en indépendant), cette clause a des effets très similaires à une clause de non-concurrence dans les secteurs où l’appartenance à un réseau est économiquement indispensable (ex: grande distribution). La jurisprudence tend donc à lui appliquer les mêmes conditions de validité strictes (limitation temps/espace, justification, proportionnalité).

L’impact de la « Loi Macron » (Art. L. 341-2 C. com)

La loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron », a introduit un article spécifique (L. 341-2 du Code de commerce) qui régit les clauses post-contractuelles restreignant la liberté d’exercice de l’exploitant dans certains contrats de distribution (visant notamment les exploitants de « magasins de commerce de détail »). Pour ces contrats, la clause n’est valable que si elle remplit des conditions encore plus précises, inspirées du droit européen de la concurrence :

  • Concerner des biens/services concurrents.
  • Être limitée aux terrains et locaux d’où l’exploitant exerçait.
  • Être indispensable à la protection d’un savoir-faire substantiel, spécifique ET secret.
  • Ne pas excéder un an après la fin du contrat.

Si votre contrat entre dans le champ d’application de ce texte (ce qui est débattu pour les franchises de services pures), ces conditions s’ajoutent ou précisent les exigences jurisprudentielles générales.

La question de l’indemnisation en fin de contrat

La fin du contrat peut-elle donner lieu au versement d’indemnités ? Il faut distinguer deux situations.

Indemnisation pour rupture fautive

Si la rupture du contrat est imputable à une faute de l’une des parties (par exemple, résiliation aux torts du franchiseur pour manquement à son obligation d’assistance, ou aux torts du franchisé pour non-paiement des redevances), la partie victime peut demander des dommages et intérêts pour réparer l’intégralité de son préjudice (pertes subies et gains manqués).

Les contrats prévoient souvent une clause pénale fixant forfaitairement l’indemnité due en cas de rupture fautive (par exemple, un montant égal aux redevances qui auraient dû être payées jusqu’au terme initial du contrat si la faute est celle du franchisé). Cependant, le juge peut toujours réduire une clause pénale si elle est jugée « manifestement excessive » (article 1231-5 du Code civil). C’est fréquemment le cas pour les clauses pénales basées sur les redevances futures, car le franchiseur ne fournit plus les prestations correspondantes après la rupture et peut réattribuer la zone à un nouveau franchisé.

L’indemnité de fin de contrat pour perte de clientèle : un droit non reconnu ?

C’est une question récurrente et sensible : le franchisé qui quitte le réseau (sans faute de sa part, par exemple à l’arrivée du terme) et qui perd de ce fait une partie de la clientèle qu’il a contribué à développer, a-t-il droit à une indemnité compensatrice de la part du franchiseur, à l’image de ce qui existe pour l’agent commercial ?

La réponse, en l’état actuel du droit français, est non. La Cour de cassation refuse d’accorder une telle indemnité de clientèle au franchisé sortant. Elle a notamment écarté les arguments fondés sur l’enrichissement sans cause du franchiseur (Com. 23 oct. 2012) ou sur l’analogie avec le mandat d’intérêt commun.

Pourtant, des arguments solides militent en faveur d’une telle indemnisation :

  • Le franchisé est reconnu propriétaire de sa clientèle locale (Civ. 3e, 27 mars 2002, « Trévisan »). Le priver de cette valeur sans compensation, notamment via une clause de non-concurrence non rémunérée, pourrait s’analyser comme une atteinte à son droit de propriété (protégé par l’article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme).  
  • Le droit européen comparé et certains projets d’harmonisation (Principes Von Bar) suggèrent une indemnisation pour « goodwill » dans les contrats de distribution.

Malgré ces arguments, la reconnaissance d’une indemnité de clientèle pour le franchisé sortant nécessiterait un revirement de jurisprudence ou une intervention du législateur, qui ne sont pas d’actualité à ce jour (avril 2025).

La fin du contrat de franchise est une étape complexe qui nécessite une analyse attentive de la situation contractuelle et factuelle. Les obligations post-contractuelles, notamment les clauses restrictives, et les questions d’indemnisation sont souvent au cœur des contentieux.

Si vous vous reconnaissez dans une situation de fin de contrat conflictuelle, ou si vous anticipez la fin de votre partenariat et souhaitez en maîtriser les conséquences, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour discuter de vos options et bénéficier de notre expertise en droit commercial.

Sources

  • Code civil, notamment articles 1104 (Bonne foi), 1186 (Caducité), 1195 (Imprévision), 1211 (Résiliation CDI), 1212 (Fin CDD), 1217-1229 (Sanctions de l’inexécution, Résiliation), 1231-5 (Clause pénale), 1589-2 (Promesse vente fonds).
  • Code de commerce, notamment articles L. 330-1 (Durée exclusivité), L. 341-1 et L. 341-2 (Clauses post-contractuelles – Loi Macron), L. 442-1 II (Préavis rupture).
  • Convention Européenne des Droits de l’Homme, Protocole additionnel n°1, article 1 (Protection de la propriété).
  • Jurisprudence relative à la fin de contrat, au non-renouvellement, à la résiliation, aux clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation, à l’indemnisation.

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