Subir une saisie-attribution sur son compte bancaire est une expérience souvent brutale et déstabilisante. Du jour au lendemain, vos fonds sont bloqués, vous privant de l’accès à votre propre argent. Si cette procédure de saisie-attribution est légale, elle n’autorise pas tous les excès. Une saisie peut en effet s’avérer abusive, soit dans son principe, soit dans ses modalités. Cet article a pour but de vous offrir une vue d’ensemble des situations pouvant caractériser une saisie-attribution abusive et des principales démarches et recours pour la contester. Nous survolerons les notions clés, chaque point pouvant être approfondi grâce aux ressources complémentaires indiquées.
Comprendre la saisie-attribution : une procédure d’exécution forcée
La saisie-attribution est une procédure civile d’exécution qui permet à un créancier, muni d’un titre exécutoire (comme une décision de justice), d’obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues. Pour ce faire, il s’adresse directement à un tiers qui détient des fonds sur le compte bancaire du débiteur. Le plus souvent, ce tiers est une banque, et la mesure prend la forme d’une saisie-attribution sur compte bancaire.
La procédure met en scène trois acteurs principaux : le créancier saisissant, le débiteur saisi et le tiers saisi (la banque, par exemple). L’acte de saisie est signifié au tiers par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), ce qui a pour effet immédiat de rendre les fonds indisponibles dès le jour de la saisie. Le débiteur est ensuite informé par une dénonciation de la saisie, qui marque le point de départ du délai pour une éventuelle contestation.
Quand une saisie sur compte devient-elle abusive ?
La loi encadre strictement les conditions de mise en œuvre d’une saisie. L’abus n’est pas toujours évident à déceler et son appréciation dépend largement de l’analyse du juge de l’exécution (JEX). Plusieurs situations peuvent toutefois révéler un caractère abusif.
Le principe : le créancier a le choix de la mesure d’exécution
Il est important de noter que le créancier a, en principe, le choix des mesures pour assurer le recouvrement de sa créance. L’article L. 111-7 du Code des procédures civiles d’exécution le confirme : « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. ». Cependant, ce même article pose une limite fondamentale : « L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. ». Le critère fondamental est donc celui de la proportionnalité : une saisie n’est pas abusive par nature, mais elle le devient si son exécution excède ce qui est strictement nécessaire.
Les critères de l’abus : une appréciation au cas par cas
La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation et de sa Chambre civile, a progressivement défini plusieurs critères pour identifier un abus de saisie. La simple existence d’un préjudice pour le débiteur ne suffit pas. Pour qu’une saisie soit jugée abusive, il faut généralement démontrer une faute du créancier, voire une intention de nuire. Par exemple, a été jugée abusive la poursuite de la saisie par un créancier alors que le titre exécutoire qui la fondait avait été annulé par une décision de justice. Dans ce cas, l’absence de mainlevée de la saisie constitue une faute manifeste. Le juge de l’exécution a alors le pouvoir, comme le prévoit l’article L. 121-2 du même code, de prononcer par ordonnance la mainlevée de la mesure et de condamner le créancier à verser des dommages-intérêts.
La violation des règles de fond : l’exemple des sommes insaisissables
Une saisie est manifestement irrégulière et peut être contestée si elle porte sur des sommes que la loi protège. En effet, tout l’argent présent sur un compte bancaire n’est pas saisissable. La loi prévoit un solde bancaire insaisissable (SBI), dont le montant est équivalent au revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule, qui doit obligatoirement être laissé à la disposition du débiteur. Votre banque a l’obligation de vous informer de ce droit. Elle doit respecter cette règle impérative.
De plus, certaines créances bénéficient d’une protection particulière en raison de leur caractère alimentaire. Il s’agit par exemple d’une partie du salaire (on parle alors de quotité saisissable dans le cadre d’une saisie sur salaire), des allocations familiales, de la pension alimentaire ou de certaines rentes. Si une saisie-attribution est effectuée en violation de ces règles et porte sur ces sommes, elle est illégale et doit faire l’objet d’une contestation pour obtenir sa mainlevée, au moins partielle.
Les motifs de contestation les plus courants
Au-delà du caractère directement abusif, une saisie-attribution, qui se distingue de la saisie immobilière ou de la saisie-vente, peut être contestée pour des raisons de forme ou de fond qui remettent en cause sa validité et la rendent irrégulière. L’analyse des documents fournis par le commissaire de justice est une étape déterminante.
L’absence de créance liquide et exigible
Pour pratiquer une saisie, un créancier doit détenir un titre exécutoire qui constate une créance « liquide et exigible », comme le dispose l’article L. 111-2 du Code de procédure civile d’exécution. Une créance est liquide lorsque son montant est clairement évalué en argent ou que le titre contient tous les éléments pour le faire. Or, il arrive que l’acte de saisie soit accompagné d’un décompte imprécis ou opaque. Si ce document ne permet pas de vérifier l’origine et le calcul de la somme due, on peut argumenter que la créance n’est pas liquide et que le montant de la saisie est donc infondé. Cette situation justifie une demande de mainlevée de la saisie.
Les décomptes d’intérêts erronés : une pratique abusive fréquente
L’un des exemples les plus fréquents d’irrégularité concerne le calcul des intérêts. Le décompte joint à l’acte de saisie doit permettre de vérifier la période sur laquelle les intérêts ont été calculés et le détail des frais. En matière de crédit à la consommation, par exemple, le Code civil impose une prescription de deux ans pour les intérêts. Pourtant, de nombreuses sociétés de recouvrement continuent de réclamer des intérêts sur cinq ans, ce qui gonfle artificiellement le montant de la dette, le rendant bien supérieur à la somme due réelle. Cette pratique, lorsqu’elle est le fait d’un professionnel du recouvrement qui ne peut ignorer la règle de droit, peut être qualifiée d’abusive par le juge. Ces manœuvres, parfois associées à des contrats initiaux discutables, sont des angles de défense solides. Il existe des recours pour agir contre l’exécution forcée même après un jugement définitif.
Comment agir et contester une saisie-attribution ?
Face à une saisie que vous estimez abusive ou irrégulière, il est impératif d’agir rapidement. Bien qu’une résolution amiable soit toujours préférable, elle est rarement possible une fois la mesure enclenchée, et la procédure de contestation obéit à des règles strictes qu’il faut respecter.
La saisine du juge de l’exécution (JEX) : une étape incontournable
Toute contestation à l’encontre d’une saisie-attribution relève de la compétence exclusive du juge de l’exécution (JEX) du lieu où demeure le débiteur, qui siège au tribunal judiciaire. Le débiteur qui souhaite contester la mesure doit le saisir par voie d’assignation. Attention, le délai pour agir est très court : la contestation de la saisie doit être formée dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie. Passé ce délai, il devient beaucoup plus complexe de remettre en cause la procédure. Il est donc essentiel d’être réactif dès la réception de l’acte du commissaire de justice, sans attendre un second avis.
L’importance de l’accompagnement par un avocat
La matière des voies d’exécution est technique et complexe. Analyser un acte de saisie, un titre exécutoire et un décompte de créance pour y déceler des failles demande une réelle expertise juridique. Un avocat spécialiste en droit de l’exécution pourra examiner l’ensemble des documents, identifier pour le compte de son client les arguments de fond et de forme, et rédiger l’assignation devant le juge de l’exécution afin de vous permettre de faire valoir vos droits, voire d’obtenir la mainlevée d’une saisie injustifiée. L’intervention de ce Maître est souvent la condition indispensable pour mener à bien la contestation et obtenir la réduction du montant de la saisie, selon le besoin du client.
Face à une mesure qui affecte directement votre situation financière, il est essentiel de ne pas rester passif pour éviter que la situation ne s’aggrave. Si vous pensez être victime d’une saisie abusive, l’assistance d’un professionnel est votre meilleur atout. Notre cabinet peut vous accompagner pour contester une saisie-attribution abusive, défendre vos droits et vous aider à récupérer l’accès à vos fonds. N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse de votre situation.
Foire aux questions
Qu’est-ce qu’une saisie-attribution abusive ?
Une saisie-attribution est jugée abusive lorsque le créancier commet une faute, par exemple en engageant une mesure d’exécution disproportionnée (un critère essentiel d’appréciation), inutile, ou en la maintenant alors qu’il n’en a plus le droit. Le juge de l’exécution apprécie le caractère abusif au cas par cas.
Qu’est-ce que le solde bancaire insaisissable (SBI) ?
Le solde bancaire insaisissable (SBI) est une somme que la loi protège et qui doit obligatoirement être laissée sur le compte du débiteur après une saisie. Son montant est forfaitaire et correspond au montant du RSA pour une personne seule.
Quel est le délai pour contester une saisie-attribution ?
Le débiteur dispose d’un délai d’un mois à compter de la date de dénonciation de l’acte de saisie par le commissaire de justice pour former une contestation devant le juge de l’exécution. Ce délai, qui se décompte en jours calendaires et est prorogé au premier jour ouvrable suivant s’il expire un week-end ou un jour férié, est très strict. Il faut agir avant le dernier jour.
La totalité de mon salaire peut-elle être saisie ?
Non, le salaire est protégé et n’est saisissable que dans des proportions fixées par la loi, selon un barème qui dépend de votre niveau de rémunération et de vos charges de famille. Une fraction de votre salaire est totalement insaisissable.
Quel est le rôle du commissaire de justice ?
Le commissaire de justice (anciennement huissier de justice) est l’officier ministériel chargé par le créancier de mettre en œuvre la saisie sur tout le territoire en France. Il signifie l’acte de saisie à la banque (tiers saisi) et le dénonce ensuite au débiteur par lettre officielle.
Quelle est la différence avec une saisie conservatoire ou une saisie-vente ?
La saisie-attribution vise à obtenir le paiement direct d’une somme d’argent. La saisie conservatoire, elle, est une mesure préventive qui « gèle » les biens du débiteur en attendant une décision de justice. La saisie-vente concerne la saisie de biens meubles (voiture, mobilier) en vue de les vendre aux enchères pour payer le créancier.
Que se passe-t-il si mon entreprise est en procédure collective ?
L’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) gèle en principe les poursuites individuelles. Une saisie-attribution effectuée avant le jugement d’ouverture reste valable, mais la situation est complexe. L’assistance d’un avocat est alors cruciale pour votre entreprise.
Puis-je contester une saisie sans avocat ?
Si la représentation par avocat n’est pas toujours obligatoire devant le juge de l’exécution (notamment pour les créances inférieures à 10 000 euros), elle est très fortement recommandée. La complexité de la procédure et des arguments juridiques rend l’assistance d’un avocat experte indispensable pour une défense efficace.