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La saisie des valeurs mobilières : mode d’emploi

Table des matières

Un créancier impayé dispose de plusieurs armes pour récupérer son dû. Parmi elles, la saisie des valeurs mobilières, qui s’inscrit dans le cadre plus large de la saisie des droits incorporels, peut s’avérer redoutable. Mais le sujet regorge de subtilités techniques qui transforment parfois cette procédure en parcours du combattant.

Les valeurs mobilières : une notion en mutation permanente

Les valeurs mobilières ont longtemps désigné simplement les actions et obligations. Aujourd’hui, leur définition s’est complexifiée avec la financiarisation de l’économie.

L’article L. 228-1 du Code de commerce les définit comme des « titres financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, qui confèrent des droits identiques par catégorie.  » Ils s’imbriquent comme des poupées russes avec d’autres notions juridiques, rendant la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières particulièrement technique.

Cette évolution constante crée une zone grise pour les créanciers. Comment saisir un bien dont la nature même évolue sans cesse?

Quelles valeurs mobilières peut-on saisir?

Les valeurs « classiques » restent logiquement saisissables :

  • Actions (droits de l’associé dans une société de capitaux)
  • Obligations (titres de créance émis par une société)
  • Titres participatifs
  • Valeurs du Trésor

Mais qu’en est-il des instruments financiers plus exotiques?

Les warrants (produits dérivés spéculatifs) et certificats de valeur garantie suscitent des débats doctrinaux. Leur saisissabilité dépend souvent de leur qualification juridique par les tribunaux.

Les limites : quand la saisie s’arrête

Certaines valeurs échappent par principe à la saisie :

  • Valeurs mobilières attribuées aux salariés dans le cadre de plans d’épargne (indisponibles pendant 5 ans)
  • Actions inaliénables attribuées pour la participation aux résultats de l’entreprise
  • Actions souscrites par options attribuées aux mandataires sociaux exécutifs
  • Actions gratuites temporairement incessibles
  • Valeurs mobilières donnant accès au capital d’une entreprise en redressement
  • Actions comprises dans un plan de cession jusqu’au paiement complet

Cette insaisissabilité découle du principe énoncé à l’article L. 112-2 du code des procédures civiles d’exécution : « les biens que la loi rend incessibles » sont insaisissables.

La révolution de la dématérialisation

Depuis la loi du 30 décembre 1981, les valeurs mobilières ne sont plus matérialisées par des titres papier mais par une simple inscription en compte. Cette transformation numérique modifie radicalement leur saisie.

La dématérialisation des titres a maintenu la distinction entre titres nominatifs et au porteur, bien que le terme « porteur » paraisse désormais anachronique. Un vocabulaire plus juste parlerait de titres « anonymes ».

Cette évolution touche directement la procédure de saisie :

  • Pour les titres nominatifs : la saisie s’effectue auprès de la société émettrice
  • Pour les titres au porteur : l’intermédiaire financier devient le tiers saisi
  • Pour les titres nominatifs administrés : l’intermédiaire habilité reçoit l’acte de saisie

Guide pratique : saisir les valeurs mobilières en 4 étapes

La procédure de saisie des valeurs mobilières suit des étapes précises, s’inscrivant dans le cadre général de la saisie des droits incorporels.

1. Identifier correctement le tiers saisi

Le code des procédures civiles d’exécution (art. R. 232-1) prévoit que la saisie soit signifiée « auprès de la société ou de la personne morale émettrice.  »

Des exceptions existent:

  • Titres nominatifs gérés par un mandataire: saisie auprès de ce mandataire
  • Titres nominatifs administrés ou au porteur: saisie auprès de l’intermédiaire financier

L’erreur sur la personne du tiers saisi rend la procédure inefficace.

2. Rédiger soigneusement l’acte de saisie

Outre les mentions classiques des actes d’huissier, l’acte doit contenir à peine de nullité:

  • Identification précise du débiteur
  • Indication du titre exécutoire fondant la saisie
  • Décompte détaillé des sommes réclamées avec taux d’intérêt
  • Mention de l’indisponibilité des droits pécuniaires
  • Sommation d’informer sur d’éventuels nantissements ou saisies

La rigueur paye. Une simple omission du taux d’intérêt peut entraîner la nullité de l’acte.

3. Dénoncer la saisie au débiteur

Cette étape est cruciale. Le créancier dispose de huit jours pour porter la saisie à la connaissance du débiteur.

L’acte de dénonciation doit contenir:

  • Une copie du procès-verbal de saisie
  • L’information sur les voies de contestation
  • La mention du délai d’un mois pour une vente amiable
  • Pour les valeurs cotées, l’indication que le débiteur peut choisir l’ordre de vente

En cas d’omission, la sanction est sévère: caducité de la saisie.

4. Procéder à la vente

Après la saisie et la dénonciation, l’étape finale est la vente des valeurs mobilières saisies. Les mécanismes de la vente forcée des droits incorporels, et notamment des valeurs mobilières, varient selon leur nature.

La méthode varie selon que les valeurs sont cotées ou non:

  • Vente amiable possible à l’initiative du débiteur dans un délai d’un mois
  • Vente forcée au prix du marché par un prestataire de services d’investissement
  • Pas d’enchères, juste une vente au cours du jour

Pour les valeurs non cotées:

  • Vente amiable sous contrôle des créanciers
  • À défaut, vente aux enchères publiques
  • Nécessité d’un cahier des charges
  • Notification à la société et aux créanciers opposants
  • Respect des procédures d’agrément propres à chaque type de société

La seconde procédure, bien plus lourde, explique pourquoi les créanciers préfèrent souvent utiliser la saisie comme moyen de pression plutôt que de la mener à son terme.

Toute cette mécanique juridique complexe reflète un équilibre délicat: protéger les droits du créancier tout en préservant l’ordre sociétaire. Pour obtenir des conseils d’expert et un accompagnement sur mesure dans la saisie de valeurs mobilières ou de parts sociales, il est recommandé de faire appel à un avocat spécialisé.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 231-1 à L. 233-3 et R. 231-1 à R. 233-9
  • Code de commerce, article L. 228-1
  • Code monétaire et financier, articles L. 211-1 et suivants
  • Répertoire Dalloz de procédure civile, « Saisie des droits incorporels » par Rudy Laher, juillet 2023
  • Cour de cassation, chambre civile 2e, 31 mai 2001, n° 99-20.170

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