La saisie-vente des biens meubles incorporels, plus communément appelée saisie de parts sociales, est une procédure de recouvrement qui a pour objet de permettre au créancier de saisie et de vendre les droits d’associés et valeurs mobilières du débiteur.
Le débiteur peut être une personne physique comme une personne morale. En effet, les sociétés peuvent tout à fait détenir des parts sociales : c’est un cas très courant.
Cette procédure, bien qu’elle soit peu utilisée, peut constituer une arme redoutable lorsqu’elle est bien manipulée.
Les conditions de mise en œuvre de la saisie vente des droits incorporels
Les procédures civiles d’exécution ne peuvent être mises en œuvre que si le créancier justifie d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
Ce principe général est posé à l’article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, et rappelé à l’article L. 231-1 du même code, qui est plus spécifiquement relatif à la saisie vente des droits incorporels.
Comme pour les autres saisies, le créancier sera donc exposé à une contestation du caractère liquide et exigible de sa créance. C’est une solution qui s’avère efficace pour remettre en cause la procédure, ou plus raisonnablement pour ralentir la vente.
Nous l’avons analysée dans une publication dédiée au pouvoir du juge de l’exécution en matière d’annulation de dette. Nous invitons le lecteur à s’y reporter s’il veut en savoir davantage à ce sujet.
Les opérations de saisie
La procédure commence par la signification, au détenteur des parts sociales ou des droits incorporels, d’un acte d’huissier. Cet acte d’huissier contient, à peine de nullité, les éléments d’identification habituels : créancier, débiteur, titre exécutoire et décompte des sommes dues.
Il rappelle également au tiers détenteur que les droits sont indisponibles à compter de l’acte de saisie (ils ne peuvent plus être vendus). Enfin, il le somme d’avoir à dire au créancier si ces droits sont concernés par d’éventuels nantissements.
L’identité exacte du tiers qui détient les droits peut varier. Il peut s’agir de la société qui a émis les droits (article R. 232-1), de son mandataire (article R. 232-2), de l’intermédiaire (article R. 232-3), etc.
La saisie est ensuite dénoncée au débiteur dans un délai de 8 jours à compter de sa signification. Ce délai est prévu à peine de caducité.
La dénonce comporte de nouvelles mentions obligatoires : copie de l’acte de saisie, modalités de contestation, modalités de vente, etc.
Les options du débiteur
A réception de l’acte de dénonce, le débiteur a plusieurs possibilités : contester ou vendre.
La contestation de la saisie
Le débiteur dispose d’un délai de 1 mois à compter de la réception de la dénonce pour contester la saisie. Cette contestation prend la forme d’une assignation, délivrée au créancier, d’avoir à comparaître devant le juge de l’exécution à la date indiquée.
L’acte doit être dénoncé au tiers détenteur des droits incorporels, au plus tard le premier jour ouvré qui suit sa signification.
Les arguments qu’il pourra invoquer dépendent beaucoup de la configuration du dossier et nécessitent une étude au cas par cas.
La vente amiable
Le débiteur a également le droit de procéder à la vente amiable des valeurs saisies.
Les conditions dans lesquelles la vente peut avoir lieu dépend de la nature des droits à vendre.
Lorsque les droits sont côtés en Bourse, le débiteur peut donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Le produit de la vente est alloué au créancier. S’il subsiste un reliquat, il est rendu au débiteur.
Lorsque les droits ne sont pas côtés en Bourse, le débiteur peut procéder à la vente seul. Il doit alors informer l’huissier des offres d’achat qu’il reçoit, lequel doit à son tour informer les créanciers pour qu’ils puissent prendre position. A défaut de réponse de leur part dans un délai de 15 jours à compter de la notification, la vente sera validée. Le prix de vente sera ensuite remis à l’huissier, qui se chargera de le redistribuer aux créanciers.
Les opérations de vente
L’huissier de justice (le commissaire de justice) qui a procédé à la saisie peut ensuite établir un certificat attestant que le débiteur n’a pas contesté la saisie.
Les modalités pratiques de la vente dépendent ensuite de la nature des droits. Comme pour la vente amiable, les règles sont différentes pour des droits côtés en Bourse et des droits non côtés en Bourse.
La vente des droits incorporels non côtés en Bourse
La vente a lieu sous la forme d’une adjudication, c’est-à-dire d’une vente aux enchères.
L’huissier ou l’avocat du créancier établissent un cahier des charges qui doit contenir :
- Le rappel de la procédure,
- Les statuts de la société,
- Tout document nécessaire à l’appréciation de la valeur des parts.
Une copie du cahier est notifié à la société, qui doit en informer ses associés. Ceux-ci ont la possibilité de faire part au créancier saisissant de leur intention de se substituer à l’acheteur (art. 1868 du code civil).
Tout intéressé peut former des observations dans un délai de 2 mois à compter de cette notification.
L’affichage légal est ensuite réalisé, entre -1 mois et -15 jours avant la vente.
La vente forcée a ensuite lieu dans la salle d’enchères qu’aura choisi l’huissier (art. R. 233-8).
En pratique, le cahier est généralement notifié au débiteur et il détaillera les modalités pratiques de la vente forcée : mise à prix, salle d’enchères, consignation d’un chèque, paiement, etc.
La vente des droits incorporels côtés en Bourse
Les choses sont beaucoup plus simples pour les droits côtés : le créancier ordonne la vente des actions au tiers saisi.
Le débiteur a seulement la possibilité d’indiquer au tiers saisi dans quel ordre ses actions (valeurs mobilières) doivent être vendues.
La contestation de la mise à prix
Le texte n’offre aucun recours au débiteur au stade de la vente. Il peut saisir le juge de l’exécution lorsqu’il reçoit la notification de l’acte de saisie (première phase), mais pas lorsque le cahier est notifié (deuxième phase).
C’est problématique car c’est à ce stade qu’il prend connaissance des modalités pratiques de la vente, et surtout de la mise à prix.
Cette difficulté est d’autant plus grave qu’il est de jurisprudence constante que l’on ne peut pas saisir le juge de l’exécution, en-dehors d’un cas de figure expressément prévu par la loi.
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la difficulté et a rendu une Question prioritaire de constitutionnalité (Décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023), par laquelle il abroge partiellement les dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. C’est le texte qui définit les pouvoirs du juge de l’exécution, et qui posait problème pour l’exercice des recours du débiteur.
Compte tenu de la gravité de cette abrogation, ses effets ont été différés au 1e décembre 2024 et nous attendons actuellement qu’une nouvelle loi soit publiée à ce sujet.
Dans cette attente, le Conseil constitutionnel a défini le régime transitoire suivant :
Jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, au 1er décembre 2024, le débiteur est recevable à contester le montant de la mise à prix pour l’adjudication des droits incorporels saisis devant le juge de l’exécution dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire.
Le débiteur a donc le droit de contester la mise à prix, en saisissant le juge de l’exécution à cet effet, lorsqu’il reçoit la notification du cahier des charges.
La distribution des deniers
Les modalités de distribution du prix de vente dépendent du nombre de créanciers.
Le nombre de créanciers
S’il n’y a qu’un seul créancier, sa créance doit être payée dans le mois qui suit la vente. Le solde doit être remis au débiteur dans le même délai.
S’il y a plusieurs créanciers, l’agent qui a réalisé la vente (commissaire priseur ou commissaire de justice) doit élaborer un projet de distribution du prix. Ce projet de distribution devra tenir compte de leurs créances, et organiser leur paiement en fonction de différentes règles (privilèges, nature, etc.).
Le projet de répartition doit être établi dans le mois qui suit la vente forcée. Il est ensuite notifié aux créanciers, qui disposent d’un délai de contestation de 15 jours.
En cas d’absence de contestation
A défaut de contestation, le projet devient définitif et l’argent est distribué aux créanciers qui :
- sont titulaires d’un gage constitué en garantie d’une dette professionnelle,
- sont titulaires d’une sûreté publiée en vertu d’un titre exécutoire.
Les sommes concernées par une éventuelle saisie conservatoire sont consignées entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation. Le décaissement a lieu lorsque la mesure conservatoire est convertie en saisie définitive.
En cas de contestation
En cas de contestation, le débiteur et tous les créanciers sont convoqués à une réunion pour tenter une conciliation.
S’ils parviennent à un accord, un procès-verbal est dressé pour le constater et le paiement a lieu.
A défaut d’accord, l’agent chargé de la vente dresse un procès-verbal de difficultés et saisit immédiatement le juge de l’exécution. Les sommes consignées sont remises à la Caisse des dépôts et consignations.
Foire aux questions
Qu’est-ce que la saisie de parts sociales ?
La saisie des parts sociales est une procédure de recouvrement qui a pour objet de saisir et de vendre aux enchères les biens meubles incorporels d’une personne physique. Loin d’être limitée à la seule saisie des parts sociales, elle permet également de vendre les titres et actions du débiteur.
Quels sont les risques d’une saisie pour les associés ?
La vente des parts sociales que détient le débiteur implique que les associés verront entrer l’adjudicataire au capital. Ils auront toutefois la possibilité de se substituer à l’adjudicataire.
Comment contester une saisie de parts sociales ?
La saisie des parts sociales peut être contestée dans le mois qui suit la dénonce de l’acte de saisie. La mise à prix peut également être contestée lorsqu’elle est portée à la connaissance du débiteur et des associés.
Quels professionnels consulter pour la saisie de parts ?
La saisie de parts sociales est réalisée par un huissier de justice. En pratique, il s’agit souvent de dossiers complexes dans lesquels l’avocat et l’huissier interviennent conjointement.
Quelles sont les alternatives à la saisie ?
Le créancier peut choisir de mettre en œuvre d’autres procédures de recouvrement. Les plus courantes sont la saisie-attribution et la saisie immobilière. Si toutefois ces procédures échouent, et que le débiteur détient des actifs mobiliers importants (titres, actions, etc.), la saisie des valeurs mobilières sera nécessaire.