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La sommation interpellative : un outil méconnu pour établir la preuve

Table des matières

Dans l’arsenal juridique en France, certains outils restent injustement dans l’ombre malgré leur redoutable efficacité. La sommation interpellative, outil juridique souvent méconnu, en fait partie. Loin d’être une simple formalité, elle constitue un redoutable acte stratégique majeur pour tout justiciable souhaitant consolider un dossier avant d’engager une action en justice. Il s’agit d’une démarche pré-contentieuse qui vise non pas à contraindre, mais à provoquer une prise de position, à obtenir une déclaration qui pourra servir de preuve devant un tribunal.

Qu’est-ce qu’une sommation interpellative ? définition et rôle du commissaire de justice

La sommation interpellative est un acte extrajudiciaire, c’est-à-dire réalisé en dehors de toute procédure judiciaire déjà engagée. Sa mission est précise : obtenir une preuve. Pour ce faire, un commissaire de justice, officier ministériel assermenté et impartial, se rend au domicile de la personne visée pour poser une ou plusieurs questions précises et consigner fidèlement ses réponses, son silence ou son refus de répondre dans un procès-verbal.

L’objectif de cette sommation interpellative par huissier n’est pas d’exiger l’exécution d’une obligation, comme le ferait une mise en demeure ou un commandement de payer, mais de cristalliser une situation donnée, de recueillir une position en vue d’un contentieux éventuel, ou de provoquer un aveu. C’est le rôle de l’huissier de justice (désormais commissaire de justice) qui confère à cette démarche son poids et son caractère officiel, garantissant que les questions ont bien été posées et la réponse de la personne (ou son absence) fidèlement retranscrite. Ce type de démarche se distingue d’autres mécanismes juridiques. Pour une vue d’ensemble sur l’ensemble des actes préparatoires à une action en justice et comment les intégrer dans une stratégie juridique efficace, consultez notre guide détaillé.

Valeur probatoire de la sommation : entre simple renseignement et aveu extrajudiciaire

La question de la force de la preuve obtenue par une sommation interpellative est centrale et nuancée. Sa valeur varie considérablement selon la personne interpellée et la nature de ses déclarations. Pour une exploration plus approfondie des mécanismes permettant d’établir la véracité des faits, il est essentiel de comprendre le droit de la preuve dans son ensemble. Contrairement à une idée reçue, les tribunaux refusent de lui accorder la qualité de commencement de preuve par écrit (Civ. 1re, 8 juin 1999, n°97-11.927).

La force probante face au défendeur : l’aveu extrajudiciaire

Lorsque la sommation est adressée directement à la partie contre laquelle un procès pourrait être engagé, la réponse de la personne interpellée, consignée par le commissaire de justice, peut constituer un aveu extrajudiciaire. L’article 1383 du Code civil définit l’aveu comme la déclaration par laquelle une personne reconnaît un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Si une personne interpellée sur une dette d’une certaine somme répond « Oui, je reconnais devoir cette somme », cette déclaration, authentifiée par l’acte d’huissier, aura une force probante considérable devant le juge.

La valeur des déclarations d’un tiers : le simple témoignage

Si la personne interpellée est un tiers au litige potentiel (un voisin, un ancien salarié, un témoin), ses déclarations n’ont pas la même portée. Elles sont considérées par les tribunaux comme un simple témoignage. Le procès-verbal de l’huissier fait foi du fait que ces propos ont bien été tenus, mais leur contenu sera soumis à la libre appréciation du juge, au même titre qu’une attestation écrite ou une simple lettre. L’acte a simplement permis de recueillir ce témoignage dans un cadre formel et officiel.

Le silence de l’interpellé : quelle interprétation par le juge ?

Il n’existe aucune obligation de répondre à une sommation interpellative. Ce droit au silence est absolu. En principe, le défaut de réponse ou l’absence de réaction ne peut donc être interprété comme un aveu. Le vieil adage « qui ne dit mot consent » ne s’applique pas en la matière. Toutefois, la jurisprudence montre que si le silence de la personne visée ne constitue pas une preuve en soi, il peut, combiné à d’autres éléments du dossier, éclairer le juge sur le comportement d’une partie. Un refus obstiné de clarifier une situation simple pourrait, par exemple, être perçu comme un indice de mauvaise foi.

Effets juridiques stratégiques : au-delà de la constitution de preuve

L’intérêt de la sommation interpellative dépasse la simple obtention d’une preuve. Elle produit des effets juridiques puissants qui en font un moyen de gestion de litige redoutable, notamment en matière de délais de prescription et dans le cadre des réformes récentes du droit des contrats.

L’interruption du délai de prescription par reconnaissance de dette

C’est l’un des effets les plus méconnus et pourtant les plus utiles de la sommation. L’article 2240 du Code civil dispose que « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ». Une réponse positive, même nuancée, à une interpellation sur une dette peut valoir reconnaissance et faire courir un tout nouveau délai de prescription. Par exemple, si un débiteur répond à l’huissier « Je sais que je vous dois cet argent, mais je ne peux pas payer maintenant », cette déclaration consignée vaut reconnaissance de dette. Elle interrompt la prescription qui était en cours et un nouveau délai, de cinq ans en matière commerciale ou civile, recommence à courir à compter de la date de cette reconnaissance. Pour en savoir plus, consultez notre guide sur tout sur l’interruption de la prescription et ses implications juridiques.

Un outil au service des actions interrogatoires du Code civil

La réforme du droit des contrats a introduit des mécanismes procéduraux appelés « actions interrogatoires », qui permettent de purger des situations juridiques incertaines. La sommation interpellative est le véhicule procédural idéal pour les mettre en œuvre. Elle permet par exemple à un tiers d’interroger le bénéficiaire d’un pacte de préférence pour savoir s’il entend s’en prévaloir (art. 1123 C. civ.). Dans le cadre d’une vente, cela permet à un acquéreur potentiel de sécuriser sa transaction. Elle peut aussi servir à demander à une partie qui pourrait se prévaloir de la nullité d’un contrat de choisir entre la confirmation de l’acte ou une action en nullité dans un délai de six mois (art. 1183 C. civ.). L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 a ainsi intégré de nouvelles « actions interrogatoires » issues de la réforme du droit des contrats qui élargissent l’utilité de la sommation interpellative.

Sommation interpellative vs autres actes : choisir le bon outil

Confondre la sommation interpellative avec d’autres actes de commissaire de justice est une erreur stratégique. Chaque outil répond à un objectif différent, et le choix dépend de ce que le demandeur cherche à accomplir : prouver, contraindre ou constater.

Différence avec la mise en demeure : intention vs interpellation

La mise en demeure a pour but de constater officiellement le refus d’une partie d’exécuter son obligation (de payer, de livrer, de faire…). C’est un préalable souvent obligatoire avant toute exécution forcée. Son objectif est de contraindre, souvent dans un but de règlement amiable forcé. La sommation interpellative, elle, n’exige rien ; elle questionne. Son principal but est de prouver une situation ou une intention, pas d’obtenir une exécution. C’est un moyen de clarification.

Distinction avec l’injonction de payer : prouver avant de réclamer

La procédure d’injonction de payer est une procédure judiciaire simplifiée qui permet d’obtenir rapidement un titre exécutoire pour une créance certaine, liquide et exigible, et qui n’est pas sérieusement contestable. Elle est donc différente d’une sommation de payer, qui est une mise en demeure qualifiée. Elle intervient donc quand la preuve de la créance est déjà établie. La sommation interpellative, au contraire, peut être utilisée en amont, précisément lorsque la créance est ambiguë ou non reconnue, afin d’obtenir l’aveu qui la rendra certaine et lèvera toute contestation.

Complémentarité avec le constat d’huissier : dire vs voir

Le constat d’huissier (ou commissaire de justice) fige une situation matérielle à un instant T. L’officier ministériel décrit ce qu’il voit (un chantier abandonné, des marchandises défectueuses, un message sur un téléphone). La sommation interpellative, elle, consigne ce qu’il entend en réponse à une demande précise. Les deux actes sont donc parfaitement complémentaires : le constat établit un fait matériel, la sommation recueille une déclaration sur ce fait.

Mise en œuvre pratique : procédure, rédaction et coûts

La procédure de sommation interpellative doit respecter le formalisme des actes d’huissier, notamment les mentions obligatoires de l’article 648 du Code de procédure civile. L’élément crucial réside dans la rédaction des questions. Celles-ci doivent être claires, neutres, non orientées et suffisamment précises pour appeler une réponse non équivoque. Le rôle de l’avocat est ici essentiel pour formuler des questions qui maximiseront la portée juridique des réponses obtenues.

La signification doit impérativement être faite à la personne même du destinataire. Le commissaire de justice se rend donc à son domicile ou sur son lieu de travail. Un contact direct est indispensable pour obtenir une réponse claire. Le coût de l’acte n’est pas réglementé (on parle d’honoraires libres) et son prix est donc fixé librement par l’étude du commissaire de justice. Il est conseillé de demander un devis à ce professionnel. Il est intégralement à la charge du demandeur.

Limites et risques : quand la sommation devient une arme à double tranchant

Si elle est un outil puissant, la sommation interpellative doit être maniée avec précaution. Son utilisation abusive peut se retourner contre le demandeur. La jurisprudence sanctionne sévèrement les sommations qui portent une atteinte disproportionnée à la vie privée. L’exemple le plus connu, ayant donné lieu à une décision de justice marquante, est celui d’un époux en instance de divorce qui avait fait délivrer une sommation interpellative (et même une dizaine) aux voisins de la personne soupçonnée d’être l’amant de sa femme (CA Douai, 17 déc. 2009). Une telle démarche, jugée vexatoire et intrusive, peut donner lieu à une sanction sous la forme de dommages-intérêts pour procédure abusive. Le destinataire de l’acte peut alors se retourner contre le demandeur.

Face à la complexité de la preuve en matière de litiges, la sommation interpellative est un recours stratégique et efficace. Pour une analyse approfondie de votre situation et une solution sur mesure, il est recommandé de contacter notre équipe d’avocats. Nos avocats évalueront si la sommation interpellative constitue le moyen le plus adapté à votre situation, et vous guideront sur la formulation des questions pour en maximiser l’avantage probatoire.

Sources

  • Code civil, articles 1123, 1158, 1183, 1383, 2240
  • Code de procédure civile, article 648
  • Cour de cassation, chambre civile 1, 8 juin 1999, n°97-11.927
  • Cour de cassation, chambre civile 3, 6 mars 1996, n°94-13.212

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