Intégrer un réseau de franchise offre des avantages indéniables, comme bénéficier d’une marque reconnue et d’un savoir-faire éprouvé. Cependant, ce partenariat implique aussi des devoirs importants pour le franchisé. Loin d’être un simple client du franchiseur, le franchisé est un acteur clé du réseau, tenu par des engagements précis qui conditionnent le bon fonctionnement du concept et la pérennité de la relation. Comprendre l’étendue et les limites de ces obligations est essentiel pour tout entrepreneur franchisé. Cet article se propose de détailler les devoirs fondamentaux qui incombent au franchisé, ainsi que les contraintes issues des clauses spécifiques fréquemment rencontrées dans les contrats de franchise.
Les devoirs fondamentaux du franchisé
Ces obligations découlent directement de la nature même du contrat de franchise. Elles constituent la contrepartie logique des droits et avantages accordés par le franchiseur.
Assumer les obligations financières
C’est souvent l’aspect le plus visible de l’engagement du franchisé. En échange de l’accès au réseau, au savoir-faire et à l’assistance, le franchisé doit s’acquitter de différentes sommes :
- Le droit d’entrée : Également appelé redevance initiale forfaitaire, il est versé au début du contrat et rémunère l’intégration au réseau et la transmission initiale du savoir-faire. Son montant est librement fixé par le contrat. Attention, la question de son exigibilité lors d’un simple renouvellement de contrat peut se poser, même si la pratique tend à le prévoir.
- Les redevances d’exploitation (royalties) : Versées périodiquement (souvent mensuellement), elles rémunèrent l’utilisation continue de la marque, du savoir-faire et le bénéfice de l’assistance du franchiseur. Elles sont le plus souvent calculées en pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé. Il est important de bien vérifier l’assiette de calcul prévue au contrat. Le franchiseur peut se ménager des droits de contrôle sur votre chiffre d’affaires pour vérifier l’exactitude des redevances dues, mais ce contrôle doit rester dans des limites raisonnables pour ne pas s’apparenter à une ingérence excessive. La jurisprudence récente a même admis, de manière discutable, qu’un franchiseur puisse se réserver le droit de modifier unilatéralement le taux des redevances (Com. 1er déc. 2021), sous réserve de ne pas en abuser.
- Les redevances publicitaires : Si le contrat le prévoit, le franchisé contribue au budget publicitaire national ou régional géré par le franchiseur. Ces sommes doivent être affectées à la promotion de l’enseigne. Comme vu précédemment, le franchisé est en droit d’attendre une certaine transparence sur l’utilisation de ces fonds.
Le non-paiement régulier de ces différentes redevances constitue un manquement contractuel grave, susceptible d’entraîner la résiliation du contrat aux torts du franchisé.
Participer aux formations proposées
Le savoir-faire est dynamique. Pour garantir la bonne application du concept et son adaptation aux évolutions, le franchiseur organise généralement des sessions de formation, tant initiales que continues. Le contrat de franchise stipule le plus souvent une obligation pour le franchisé (et parfois son personnel clé) de participer à ces formations, un aspect fondamental dès l’engagement en franchise. C’est une condition essentielle pour maintenir le niveau de compétence requis et l’homogénéité des pratiques au sein du réseau. Refuser de suivre ces formations peut être considéré comme un manquement contractuel. Certains contrats prévoient même une sorte de validation à l’issue de la formation initiale ; la légitimité de refuser l’accès au réseau sur cette base peut cependant être discutée si le candidat a déjà signé le contrat et versé un droit d’entrée.
Respecter le concept et l’image du réseau (obligation de fidélité)
C’est l’obligation centrale du franchisé : appliquer loyalement et rigoureusement le savoir-faire transmis et respecter les normes du réseau. Cette obligation de « fidélité » au concept se décline en de multiples aspects concrets :
- Utiliser les méthodes commerciales, techniques et de gestion définies par le franchiseur.
- Respecter les normes d’aménagement et de présentation du point de vente (charte graphique, agencement…).
- Se conformer aux standards de qualité des produits ou services.
- Respecter les politiques promotionnelles définies par le réseau (sans que cela n’aille jusqu’à imposer des prix de revente, ce qui est interdit par l’article L. 442-5 du Code de commerce).
- Utiliser correctement la marque et l’enseigne, sans leur porter atteinte.
- S’abstenir de développer une activité concurrente pendant la durée du contrat.
Cette discipline est la condition de la cohérence et de la force du réseau. Toutefois, fidélité ne signifie pas soumission aveugle. Le franchisé reste un commerçant indépendant. Une marge d’initiative lui est généralement reconnue, et surtout, le franchiseur ne peut lui imposer des contraintes qui le priveraient de toute autonomie et le placeraient dans un état de subordination juridique déguisée.
Maintenir son indépendance juridique… mais jusqu’où ?
Le franchisé est, par définition, un entrepreneur indépendant. Il exploite son entreprise à ses risques et périls. Cette indépendance juridique est un pilier du modèle de la franchise. Pourtant, la frontière avec la dépendance peut parfois devenir floue, et les risques ne sont pas négligeables.
- Le risque de requalification en contrat de travail : Si le franchiseur exerce un contrôle trop étroit et permanent sur l’activité du franchisé (donne des instructions précises sur l’organisation du travail, les horaires, contrôle l’exécution, sanctionne…), le lien de subordination caractéristique du contrat de travail pourrait être reconnu par les juges. Les conséquences seraient majeures : application du Code du travail, paiement de cotisations sociales, etc.
- Le risque lié au statut de gérant de succursale : Indépendamment d’un lien de subordination, le Code du travail (articles L. 7321-1 et s.) étend certaines protections salariales aux « gérants de succursale ». Ce statut peut s’appliquer à une personne vendant des marchandises fournies quasi exclusivement par une seule entreprise, dans un local fourni ou agréé par celle-ci, et aux conditions et prix imposés par cette entreprise. Certains franchisés, notamment dans la distribution alimentaire ou le prêt-à-porter sous commission-affiliation déguisée, ont pu voir leur contrat requalifié sous ce statut.
- Le risque d’immixtion et de gestion de fait : Même sans requalification, une ingérence excessive du franchiseur dans la gestion quotidienne du franchisé (contrôle des comptes bancaires, intervention dans l’embauche du personnel, décisions stratégiques imposées…) peut engager sa responsabilité. En cas de difficultés financières du franchisé, le franchiseur pourrait même être considéré comme un « dirigeant de fait », avec des conséquences potentiellement lourdes (comblement de passif).
Il est donc essentiel, pour le franchisé comme pour le franchiseur, de veiller à maintenir un juste équilibre entre l’intégration nécessaire au réseau et la préservation de l’autonomie de gestion du franchisé.
Les clauses spécifiques et leurs contraintes
Au-delà de ces obligations fondamentales, les contrats de franchise contiennent très souvent des clauses qui encadrent plus strictement l’activité du franchisé. Il est important d’en comprendre la portée et les limites de validité.
L’obligation d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif
Il est fréquent que le contrat impose au franchisé de s’approvisionner, en totalité ou pour une large part (quasi-exclusivité, souvent fixée à plus de 80%), auprès du franchiseur ou de fournisseurs référencés par lui. L’objectif affiché est de garantir l’homogénéité des produits ou services, la qualité, et parfois de permettre au franchiseur de réaliser des marges sur ces fournitures.
Cependant, la validité de ces clauses est strictement encadrée :
- Durée : L’article L. 330-1 du Code de commerce limite la durée des clauses d’exclusivité d’approvisionnement à dix ans.
- Justification : Pour être licite au regard du droit de la concurrence, la clause doit être indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau ou à la bonne application du savoir-faire. Elle ne se justifie pas pour des produits banals ou standardisés pour lesquels d’autres fournisseurs pourraient offrir des conditions équivalentes ou meilleures. Imposer une exclusivité sur des caisses enregistreuses, par exemple, a été jugé illicite.
- Droit de l’Union Européenne : Si le réseau a une dimension européenne, le règlement d’exemption sur les accords verticaux (actuellement le Règlement UE n° 2022/720) s’applique. Il encadre strictement les obligations de non-concurrence (qui incluent l’approvisionnement exclusif au-delà de 80%), notamment en termes de durée (en principe 5 ans maximum, sauf exceptions liées à la nature de la franchise).
Un franchisé confronté à une clause d’approvisionnement très large doit donc s’interroger sur sa nécessité réelle et sa proportionnalité.
Les clauses d’agrément et de préemption en cas de cession
Le caractère intuitu personae (lié à la personne) du contrat de franchise justifie que le franchiseur souhaite contrôler qui rejoint son réseau. C’est pourquoi les contrats contiennent quasiment toujours :
- Une clause d’agrément : Le franchisé qui souhaite céder son fonds de commerce ou les parts de sa société doit obtenir l’accord préalable du franchiseur sur la personne du repreneur.
- Une clause de préemption : Elle donne au franchiseur le droit de racheter prioritairement le fonds ou les parts, aux conditions proposées par le candidat acquéreur initial.
Ces clauses sont valables en principe. La préemption permet au franchiseur d’éviter qu’un concurrent ne reprenne un point de vente stratégique. L’agrément lui permet de s’assurer que le nouveau franchisé a les compétences et les moyens requis. Cependant, leur mise en œuvre doit se faire loyalement. Un franchiseur ne peut abuser de son droit d’agrément (en opposant des refus successifs et injustifiés) pour décourager les acheteurs potentiels et forcer le franchisé à lui céder son affaire à vil prix. Un tel comportement pourrait être sanctionné par les tribunaux sur le fondement de l’abus de droit (application de l’obligation de bonne foi de l’article 1104 du Code civil).
Les clauses d’objectifs ou de performance
Pour stimuler l’activité des franchisés et s’assurer du dynamisme du réseau, le franchiseur peut insérer des clauses fixant des objectifs de chiffre d’affaires, de rentabilité ou de part de marché. Le non-respect de ces objectifs peut parfois être une cause de résiliation du contrat.
La validité de ces clauses est admise, à condition que les objectifs fixés soient réalistes, objectifs (basés sur des critères vérifiables) et non discriminatoires (ne pas imposer des objectifs impossibles à certains franchisés pour s’en débarrasser). L’appréciation du respect de ces objectifs doit également se faire de bonne foi, en tenant compte du contexte économique et des efforts réellement fournis par le franchisé.
La promesse de céder son fonds au franchiseur
Plus rare, et particulièrement dangereuse pour le franchisé, est la clause qui contient une promesse unilatérale de vente de son fonds de commerce au profit du franchiseur, activable par ce dernier en fin de contrat ou dans certaines circonstances. Imaginez la situation : si l’affaire est florissante, le franchiseur lève l’option et récupère un fonds valorisé par le travail du franchisé, souvent à un prix fixé d’avance potentiellement déconnecté de la valeur réelle. Si l’affaire périclite, le franchiseur ne lève pas l’option, laissant le franchisé avec ses difficultés. De plus, pour être valable, une telle promesse portant sur un fonds de commerce doit respecter un formalisme fiscal strict : être constatée par acte authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans les dix jours de son acceptation par le bénéficiaire (article 1589-2 du Code civil).
En somme, si le franchisé bénéficie du cadre et du soutien du réseau, il est aussi tenu par des obligations contractuelles parfois lourdes et des clauses qui peuvent limiter sa liberté d’action. Une bonne compréhension de ces engagements est indispensable pour gérer la relation au quotidien et anticiper les éventuels points de friction.
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Sources
- Code civil, notamment articles 1104 (Bonne foi), 1194 (Suites du contrat), 1589-2 (Formalisme promesse de vente de fonds).
- Code de commerce, notamment articles L. 330-1 (Durée exclusivité), L. 442-5 (Interdiction prix imposés), L. 7321-1 et suivants (Gérant de succursale).
- Règlement (UE) n° 2022/720 du 10 mai 2022 concernant les accords verticaux.
- Jurisprudence relative aux obligations financières, au respect du concept, aux limites de l’indépendance, à la validité des clauses d’approvisionnement exclusif, d’agrément, de préemption et de performance.
Absolument. Voici la proposition de rédaction pour l’Article 4, élaborée selon le plan et les directives du guide :