Le billet à ordre peut sembler être un instrument financier réservé aux initiés. Pourtant, cet écrit engageant est plus fréquent qu’on ne le pense dans la vie des affaires, notamment pour organiser des paiements différés entre partenaires commerciaux. Il s’agit d’une promesse écrite par laquelle une personne (le souscripteur) s’engage à payer une somme d’argent déterminée, à une date précise, à une autre personne (le bénéficiaire). Simple en apparence, son maniement obéit à des règles juridiques précises issues principalement du Code de commerce. Une mauvaise compréhension de ses mécanismes peut entraîner des conséquences non négligeables.
Cet article a pour objectif de vous éclairer sur le fonctionnement du billet à ordre. Nous aborderons ses caractéristiques principales, les conditions de sa validité, le déroulement du paiement, les garanties qui peuvent l’accompagner et les issues en cas de difficulté. Maîtriser ces aspects est important pour sécuriser vos transactions et utiliser cet outil à bon escient.
Qu’est-ce qu’un billet à ordre et à quoi sert-il ?
Pour bien comprendre, imaginons un fournisseur qui accorde un délai de paiement à son client. Plutôt qu’une simple mention sur facture, le client peut émettre un billet à ordre : il formalise ainsi sa promesse de payer le montant dû, par exemple, à 90 jours. C’est un engagement ferme.
Le billet à ordre remplit donc une fonction essentielle de crédit fournisseur. Il permet au débiteur d’obtenir un délai de paiement et au créancier de disposer d’un titre clair constatant sa créance. Il sert aussi parfois à mobiliser des crédits : le bénéficiaire du billet peut le transmettre à sa propre banque (par endossement) pour obtenir une avance de trésorerie avant l’échéance. Un cas particulier est celui des « billets de fonds », utilisés lors de la vente d’un fonds de commerce pour échelonner le paiement du prix.
Contrairement à la lettre de change qui implique trois acteurs au départ (le tireur qui donne l’ordre, le tiré qui doit payer, et le bénéficiaire), le billet à ordre n’en nécessite que deux : le souscripteur (celui qui promet de payer) et le bénéficiaire (celui qui recevra le paiement). Cette simplicité structurelle n’empêche pas une certaine complexité juridique.
Le régime juridique du billet à ordre est défini aux articles L. 512-1 à L. 512-8 du Code de commerce. Cependant, la loi renvoie très souvent aux règles applicables à la lettre de change (articles L. 511-1 et suivants du même code) pour de nombreux aspects comme l’endossement, l’échéance, le paiement, les recours, etc.. Il faut donc naviguer entre ces différentes dispositions, en gardant à l’esprit les spécificités du billet à ordre.
Une nouveauté importante issue de la loi « Attractivité » du 13 juin 2024 est la reconnaissance explicite de la possibilité d’établir, signer, transférer et conserver un billet à ordre sous forme électronique, dans des conditions qui assurent sa fiabilité et son intégrité. C’est une évolution majeure vers la dématérialisation de cet effet de commerce.
Les caractéristiques essentielles du billet à ordre
Pour être valable juridiquement et produire tous ses effets, le billet à ordre doit respecter un certain nombre de conditions, tant sur le fond que sur la forme.
Conditions pour créer un billet à ordre valide
Tout d’abord, le billet à ordre doit impérativement être un écrit. Traditionnellement sur papier, il peut désormais, comme vu précédemment, être établi sous forme électronique sous certaines conditions. La forme authentique (devant notaire) est rare mais peut se rencontrer, par exemple, si le billet garantit un prêt hypothécaire ou lors de la vente d’un fonds de commerce. Le plus souvent, il s’agit d’un acte sous seing privé.
Concernant la capacité de celui qui s’engage (le souscripteur), les règles classiques s’appliquent. Il faut avoir la capacité juridique de contracter une obligation. Si l’engagement est lié à une activité commerciale, la capacité commerciale est requise ; sinon, la capacité civile suffit. Un billet souscrit par un mineur non émancipé serait nul, par exemple, même si des mentions indiquent une contrepartie commerciale. La nullité pour incapacité ne peut être invoquée que par l’incapable lui-même. Toutefois, la nullité de la signature de l’incapable n’affecte pas la validité des engagements des autres signataires éventuels (endosseurs, avaliseurs), en vertu du principe d’indépendance des signatures.
Le billet peut être émis par un représentant : un mandataire, un gérant de société, un directeur financier agissant au nom de l’entreprise. Pour éviter toute ambiguïté, il est essentiel que le signataire indique clairement qu’il agit « par procuration » (« PP ») ou en sa qualité de représentant légal (ex: « Le Gérant »), en apposant idéalement le cachet de l’entreprise. Une signature apposée sans précision sur la qualité du signataire pourrait engager personnellement ce dernier. Cependant, la jurisprudence admet la validité de l’engagement de la société si le signataire agissait en tant que mandataire apparent, c’est-à-dire si le bénéficiaire pouvait légitimement croire qu’il avait le pouvoir d’engager la société, sauf si la société prouve qu’elle est étrangère à cette apparence. Le porteur de bonne foi n’est généralement pas tenu de vérifier systématiquement les pouvoirs du signataire.
Les mentions obligatoires : la checklist pour ne rien oublier
Le formalisme est roi en matière d’effets de commerce. L’article L. 512-1 du Code de commerce liste sept mentions qui doivent obligatoirement figurer sur le titre pour qu’il soit qualifié de billet à ordre. L’oubli d’une seule de ces mentions peut avoir des conséquences importantes.
- La dénomination « billet à ordre » ou la « clause à ordre » : Le titre doit comporter soit l’expression « billet à ordre » insérée dans le texte même, soit indiquer que le paiement sera fait « à l’ordre de » telle personne. Cette mention est essentielle et différencie le billet à ordre d’un simple écrit.
- La promesse pure et simple de payer une somme déterminée : Le souscripteur doit s’engager sans condition à payer un montant précis. Une promesse conditionnelle ne vaudrait pas billet à ordre. La somme doit être clairement indiquée, en chiffres et/ou en lettres. En cas de différence, c’est la somme en lettres qui prévaut (renvoi à l’article L. 511-4 C. com.). Une stipulation d’intérêts est possible uniquement pour les billets payables à vue ou à un certain délai de vue.
- L’indication de l’échéance : La date à laquelle le paiement devra intervenir doit être mentionnée. Plusieurs possibilités existent : à vue (payable dès présentation), à un certain délai de vue (ex: « à 30 jours de vue »), à un certain délai de date (ex: « à 60 jours de date »), ou à jour fixe (ex: « le 31 juillet 2025 »). Si aucune échéance n’est indiquée, le billet est considéré comme payable à vue.
- L’indication du lieu où le paiement doit s’effectuer : C’est l’adresse où le porteur devra présenter le billet pour en obtenir le paiement. Il peut s’agir du domicile du souscripteur ou d’un autre lieu, notamment une banque (domiciliation).
- Le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait : Il s’agit du bénéficiaire initial. Son nom doit être clairement indiqué. Un billet ne peut pas être « au porteur » ; il doit désigner une personne précise. Le souscripteur ne peut pas se désigner lui-même comme bénéficiaire.
- L’indication de la date et du lieu où le billet est souscrit : La date de création est essentielle, son absence invalide le titre en tant que billet à ordre. Elle permet notamment de calculer certains délais et de vérifier la capacité du souscripteur au moment de l’émission. Le lieu de création doit aussi être mentionné.
- La signature de celui qui émet le titre (le souscripteur) : C’est l’engagement fondamental. Cette signature doit impérativement être manuscrite sur un billet papier. Une simple griffe ou un cachet ne suffisent pas. Plusieurs personnes peuvent souscrire conjointement un billet ; elles sont alors tenues solidairement.
Que se passe-t-il si l’une de ces mentions manque ? Le titre perd sa qualification de billet à ordre et ne bénéficie plus du régime cambiaire protecteur (règles spécifiques de circulation, de paiement, de recours). Cependant, il ne perd pas toute valeur. Selon les cas, il peut valoir comme :
- Une simple promesse de payer soumise au droit commun des obligations.
- Un commencement de preuve par écrit si les conditions de l’article 1376 du Code civil ne sont pas remplies (pour les actes civils).
- Un billet au porteur si seul le nom du bénéficiaire manque, mais son régime est différent.
Il existe toutefois des suppléances légales prévues par le Code de commerce :
- Un billet sans échéance est payable à vue.
- À défaut de lieu de paiement indiqué, c’est le lieu de création qui est réputé être le lieu de paiement et le domicile du souscripteur.
- À défaut de lieu de création indiqué, le billet est considéré comme souscrit au lieu désigné à côté du nom du souscripteur.
Une régularisation a posteriori est parfois admise, par exemple si une mention manquante est complétée avant la présentation au paiement, d’un commun accord entre les parties. De même, si le nom du souscripteur et celui du bénéficiaire sont identiques (ce qui normalement n’est pas permis), l’endossement du billet à un tiers régularise la situation en désignant ce tiers comme le bénéficiaire effectif.
Les clauses que l’on peut ajouter (clauses facultatives)
Au-delà des mentions obligatoires, les parties peuvent insérer d’autres clauses sur le billet à ordre, à condition qu’elles ne soient pas incompatibles avec sa nature. Les plus courantes sont :
- La mention de la « valeur fournie » : Elle rappelle la cause de l’engagement (ex: « valeur reçue en marchandises »). Fréquente dans les billets de fonds.
- La clause de domiciliation : Elle précise que le paiement se fera chez un tiers, généralement une banque. Très fréquente, elle facilite souvent le traitement informatisé (BOR – Billet à Ordre Relevé).
- La clause « sans frais » ou « retour sans frais » : Elle dispense le porteur de faire établir un protêt en cas de non-paiement pour conserver ses recours contre les garants.
- L’aval : C’est une garantie de paiement donnée par un tiers (ou un autre signataire) au profit d’un des obligés (le plus souvent le souscripteur). Nous y reviendrons.
- La clause « sans garantie » : Un endosseur peut l’insérer pour transmettre le billet sans garantir lui-même le paiement.
Certaines clauses sont en revanche impossibles ou sans effet sur un billet à ordre, comme la clause « non acceptable » (puisque le billet est accepté par nature dès sa souscription) ou la clause « non à ordre » qui le dénaturerait.
Billet à ordre : civil ou commercial ?
C’est une différence notable avec la lettre de change. Alors que la lettre de change est toujours considérée comme un acte de commerce par la forme, quel que soit son signataire ou sa cause, le billet à ordre, lui, n’est pas automatiquement commercial.
Son caractère (civil ou commercial) dépend de la cause de l’engagement ou de la qualité du souscripteur. Il sera commercial si :
- Il est souscrit à l’occasion d’un acte de commerce (ex: achat de marchandises pour la revente).
- Il est souscrit par un commerçant pour les besoins de son activité professionnelle.
Dans les autres cas (ex: prêt entre particuliers, paiement d’honoraires à un professionnel libéral), le billet à ordre est un acte civil.
Cette distinction a aujourd’hui des conséquences pratiques assez limitées. Elle influe principalement sur :
- La capacité requise pour le souscripteur (civile ou commerciale).
- La compétence juridictionnelle : Si le billet porte au moins une signature commerciale (souscripteur ou endosseur commerçant agissant pour son commerce), le tribunal de commerce est compétent pour toutes les actions liées au billet, même contre les signataires non-commerçants. S’il ne comporte que des signatures civiles, c’est le tribunal judiciaire qui est compétent.
Il faut noter que même un non-commerçant peut être attrait devant le tribunal de commerce s’il a avalisé un billet à ordre souscrit par une société commerciale dont il est dirigeant et a un intérêt personnel patrimonial à l’opération.
Le paiement du billet à ordre : comment ça marche ?
Le paiement est l’aboutissement normal de la vie du billet à ordre. Plusieurs questions se posent : quelles sont les garanties pour le porteur ? Quand et où le paiement doit-il avoir lieu ? Peut-on s’y opposer ?
Les garanties spécifiques (et celles qui manquent)
Le billet à ordre offre certaines sécurités au bénéficiaire, mais il lui manque deux mécanismes clés de la lettre de change :
- Absence d’acceptation formelle : Dans une lettre de change, le tiré (celui qui doit payer) doit formellement accepter l’ordre de payer en signant la lettre. Cette acceptation le rend débiteur principal. Dans le billet à ordre, le souscripteur est d’emblée engagé comme débiteur principal, de la même manière qu’un accepteur de lettre de change (article L. 512-6 C. com.). Il n’y a donc pas d’étape d’acceptation à proprement parler.
- Absence de provision : La provision, dans la lettre de change, est la créance que le tireur détient sur le tiré et dont la propriété est transmise aux porteurs successifs. Ce concept n’existe pas dans le billet à ordre, puisque le tireur et le tiré sont confondus en la personne du souscripteur. Le porteur ne bénéficie donc pas de cette sûreté spécifique. La jurisprudence a toutefois parfois raisonné par analogie, par exemple en considérant que les fonds déposés chez le banquier domiciliataire en vue du paiement pourraient faire l’objet d’une affectation spéciale.
Malgré ces absences, le billet à ordre offre d’autres garanties :
- La solidarité légale : Tous ceux qui ont signé le billet (souscripteur, endosseurs successifs, avaliseurs) sont tenus solidairement envers le porteur (article L. 511-44 C. com., applicable par renvoi de L. 512-3). Cela signifie que le porteur, en cas de non-paiement à l’échéance, peut réclamer la totalité de la somme à n’importe lequel des signataires, sans devoir suivre un ordre précis. Cette solidarité s’applique même si l’acte est civil. Un endosseur peut cependant s’exonérer de cette garantie en insérant une clause « sans garantie » lors de son endossement. Le souscripteur, lui, ne peut pas s’exonérer de la garantie de paiement.
- L’aval : C’est une garantie conventionnelle très importante pour le billet à ordre, compte tenu de l’absence de provision et de la circulation souvent plus limitée que la lettre de change. L’aval est l’engagement pris par une personne (l’avaliste ou donneur d’aval) de payer le billet à la place d’un des signataires (l’avalisé), si celui-ci ne le fait pas.
- Qui peut donner un aval ? Un tiers, ou même un autre signataire du billet (sauf le souscripteur lui-même, car il est déjà débiteur principal). L’avaliste doit avoir la capacité requise (civile ou commerciale selon l’engagement garanti).
- Comment donner un aval ? L’aval doit être porté sur le billet lui-même (ou une allonge) ou par acte séparé indiquant le lieu où il est donné. Il s’exprime par la formule « bon pour aval » ou une formule équivalente, suivie de la signature manuscrite de l’avaliste. Une simple signature apposée au recto du billet (ailleurs que celle du souscripteur) vaut aval. L’aval doit indiquer pour qui il est donné ; à défaut, il est réputé donné pour le souscripteur.
- Quels sont les effets de l’aval ? L’avaliste est tenu dans les mêmes termes que celui qu’il garantit (article L. 511-21, al. 7 C. com.). Son engagement est cambiaire : il ne peut opposer au porteur de bonne foi les exceptions personnelles qu’il pourrait avoir contre l’avalisé ou que l’avalisé pourrait avoir contre le souscripteur (principe d’inopposabilité des exceptions). Cependant, l’avaliste peut opposer les exceptions que l’avalisé pourrait opposer directement au porteur (ex: paiement déjà effectué par l’avalisé). L’engagement de l’avaliste est autonome : il reste tenu même si l’obligation de l’avalisé est nulle pour une raison autre qu’un vice de forme (ex: incapacité de l’avalisé). Sauf limitation expresse, l’aval garantit la totalité de la somme.
- La transmission des garanties par endossement : Lorsque le billet à ordre est transmis par endossement, le nouveau porteur (endossataire) acquiert non seulement la créance cambiaire mais aussi tous les droits qui y sont attachés, y compris les sûretés qui pouvaient garantir la créance initiale (ex: le privilège du vendeur d’un fonds de commerce si le billet est un billet de fonds). L’endossement active aussi la garantie solidaire des endosseurs précédents et du souscripteur. Le porteur légitime bénéficie de l’inopposabilité des exceptions, sauf s’il a agi sciemment au détriment du débiteur (mauvaise foi).
L’échéance et le lieu du paiement
Le paiement doit être demandé à l’échéance prévue sur le billet. Le porteur ne peut exiger le paiement avant cette date (sauf cas de déchéance du terme liée au contrat initial, mais cela n’affecte que le souscripteur et non les autres garants ) et le souscripteur ne peut le contraindre à recevoir le paiement par anticipation.
Une règle particulière s’applique au billet payable à un certain délai de vue. Pour que le délai commence à courir, le billet doit être présenté au visa du souscripteur dans un délai d’un an à compter de sa date de création (sauf délai différent fixé sur le titre). Le délai de paiement court alors à partir de la date du visa apposé par le souscripteur. Si le souscripteur refuse de dater son visa, ou refuse de le donner, son refus doit être constaté par un protêt, dont la date servira de point de départ au délai de vue. Le non-respect de ce délai de présentation au visa fait perdre au porteur ses recours contre les endosseurs et avalistes, mais pas contre le souscripteur.
Le paiement doit être réclamé au lieu indiqué sur le billet. S’il n’y a pas d’indication spécifique, c’est le lieu de création, réputé être aussi le domicile du souscripteur. Si le billet est domicilié dans une banque, la présentation doit se faire à cette banque. Pour les billets à ordre relevés (BOR) traités informatiquement, il n’y a pas de présentation matérielle du titre ; les informations circulent électroniquement via le système de compensation.
Le souscripteur doit être en mesure de payer à l’échéance. Il ne peut bénéficier d’aucun délai de grâce judiciaire pour le paiement de l’obligation cambiaire (article L. 511-81 C. com.).
Peut-on s’opposer au paiement ?
L’opposition au paiement d’un billet à ordre est très encadrée par la loi, tout comme pour la lettre de change (article L. 511-31 C. com.). Elle n’est admise que dans des cas limitatifs:
- En cas de perte du billet.
- En cas de procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) ouverte contre le porteur du billet.
Toute autre opposition est inefficace et ne libère pas le souscripteur de son obligation de payer le porteur légitime. Il n’est notamment pas possible de faire opposition pour un motif tiré du contrat initial (ex: litige sur la marchandise livrée), sauf si le porteur est le bénéficiaire initial ou un porteur de mauvaise foi. De même, la créance cambiaire incorporée dans le billet est considérée comme insaisissable par nature. Un créancier du bénéficiaire ne peut donc pas pratiquer une saisie-attribution entre les mains du souscripteur pour bloquer le paiement au porteur.
Que se passe-t-il en cas de non-paiement ?
Si, à l’échéance, le souscripteur ne paie pas, le porteur dispose de recours pour obtenir la somme qui lui est due. Mais il doit agir vite et selon des formes précises pour ne pas perdre ses droits.
Les recours du porteur
En cas de défaut de paiement à l’échéance, le porteur peut exercer ses recours contre tous les signataires du billet : le souscripteur, les endosseurs successifs et les avaliseurs, qui sont tenus solidairement. Il peut agir contre eux individuellement ou collectivement, sans être obligé de respecter un ordre.
Le recours peut aussi être exercé avant l’échéance dans certaines situations graves affectant le souscripteur (assimilé au tiré de la lettre de change pour ces cas) :
- Son redressement ou sa liquidation judiciaire.
- Sa cessation des paiements, même non constatée par un jugement.
- Une saisie de ses biens demeurée infructueuse.
Pour conserver ses recours contre les endosseurs et leurs avalistes, le porteur doit impérativement faire constater le non-paiement par un protêt faute de paiement. C’est un acte dressé par un huissier ou un notaire. Le protêt doit être établi dans les délais légaux (généralement dans les jours ouvrables qui suivent l’échéance). S’il ne le fait pas, le porteur est dit « négligent » et perd ses recours contre ces garants.
Cependant, le défaut de protêt ne lui fait pas perdre ses droits contre :
- Le souscripteur.
- L’avaliste du souscripteur.
Ces derniers restent tenus car ils sont les débiteurs principaux ou garantissent le débiteur principal, et ne peuvent donc se prévaloir de la négligence du porteur.
L’établissement du protêt n’est pas nécessaire (ou est impossible) dans certains cas :
- Si le billet contient une clause « retour sans frais » ou « sans protêt ». Le porteur est alors dispensé du protêt mais doit présenter le billet au paiement dans les délais pour ne pas être négligent.
- En cas de redressement ou liquidation judiciaire du souscripteur. La production de la créance à la procédure suffit.
Le porteur doit également donner avis du défaut de paiement à son propre endosseur et aux autres garants dans des délais courts (généralement 4 jours ouvrables après le protêt ou la présentation) pour les informer de la situation et leur permettre de prendre leurs dispositions.
Le porteur qui exerce ses recours peut réclamer:
- Le montant impayé du billet.
- Les intérêts au taux légal depuis l’échéance.
- Les frais de protêt, d’avis et autres frais engagés.
La négligence du porteur et la prescription
Comme évoqué, le porteur qui n’accomplit pas les actes requis dans les délais (présentation au paiement, protêt si nécessaire) est considéré comme négligent. La sanction est sévère : il est déchu de ses droits cambiaires contre les endosseurs et leurs avalistes. Il ne conserve d’action cambiaire que contre le souscripteur et son avaliste.
Au-delà de la négligence, les actions liées au billet à ordre sont soumises à des délais de prescription assez courts (article L. 511-78 C. com., applicable par renvoi):
- L’action du porteur contre le souscripteur (et son avaliste) se prescrit par 3 ans à compter de la date d’échéance.
- L’action du porteur contre les endosseurs (et leurs avalistes) se prescrit par 1 an à compter de la date du protêt (ou de l’échéance en cas de clause « sans frais »).
- Les actions des différents garants (endosseurs, avalistes) entre eux, après avoir payé, se prescrivent par 6 mois à compter du jour où ils ont eux-mêmes remboursé le billet ou du jour où ils ont été assignés en justice.
Ces délais sont spécifiques à l’action cambiaire. Une fois ces délais expirés, le porteur (ou le garant ayant payé) ne peut plus agir sur le fondement du droit des effets de commerce. Cependant, cela n’éteint pas nécessairement la créance initiale (celle qui a donné naissance au billet). Le créancier conserve la possibilité d’agir contre son débiteur direct sur le fondement du rapport fondamental (ex: contrat de vente, contrat de prêt), cette action étant soumise aux délais de prescription de droit commun (généralement 5 ans en matière commerciale ou civile depuis la loi de 2008, mais des délais plus longs pouvaient s’appliquer antérieurement).
La gestion des billets à ordre peut soulever des questions complexes en pratique. Si vous souhaitez sécuriser vos transactions ou faire valoir vos droits en cas d’impayé, notre cabinet peut vous accompagner. Contactez-nous pour une analyse de votre situation.
Sources
- Code de commerce, articles L. 511-1 et suivants (dispositions relatives à la lettre de change applicables par renvoi)
- Code de commerce, articles L. 512-1 à L. 512-8 (dispositions spécifiques au billet à ordre)
- Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (pour le billet à ordre électronique)