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La vente aux enchères publiques, avec son rituel caractéristique et son marteau qui scelle les transactions, fascine autant qu’elle interroge. Le cadre juridique qui l’entoure a profondément évolué ces dernières années. Depuis 2011, le domaine s’est libéralisé, ouvrant de nouvelles possibilités tout en maintenant un encadrement nécessaire.
L’évolution récente du droit des ventes aux enchères mobilières
Le paysage juridique des ventes aux enchères a connu une transformation majeure avec la loi n°2011-850 du 20 juillet 2011. Cette loi a supprimé l’interdiction historique de « faire des enchères publiques un procédé habituel de l’exercice de son commerce » qui figurait dans l’ancien article L.320-1 du code de commerce.
Désormais, selon l’article L.321-1 du code de commerce, « les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peuvent porter sur des biens neufs ou sur des biens d’occasion. » Elles peuvent s’effectuer au détail, par lots ou en gros.
Cette évolution a mis fin au monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires, créant un système plus ouvert mais toujours réglementé.
Organisation des ventes volontaires de meubles aux enchères
Les acteurs des ventes aux enchères
La loi de 2011 a rebattu les cartes. Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont désormais organisées par des opérateurs exerçant « à titre individuel ou sous la forme juridique de leur choix » (article L.321-2 du code de commerce).
Ces opérateurs doivent remplir des conditions strictes :
- Pour les personnes physiques : être français ou ressortissant d’un État membre de l’UE, justifier d’une qualification professionnelle, et avoir déclaré leur activité auprès du Conseil des ventes volontaires (CVV).
- Pour les personnes morales : être constituées conformément à la législation d’un État membre de l’UE, disposer d’un établissement en France, et compter parmi leurs dirigeants au moins une personne qualifiée.
À noter : les notaires et huissiers peuvent, dans les communes sans commissaire-priseur judiciaire, organiser des ventes volontaires à titre accessoire (article L.321-2, alinéa 2).
Le Conseil des ventes volontaires : rôle et pouvoirs
Créé par la loi du 10 juillet 2000, le Conseil des ventes volontaires (CVV) joue un rôle central dans la régulation du secteur. Cette autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale est composée de onze membres nommés pour quatre ans.
Le CVV exerce plusieurs missions essentielles :
- L’agrément des opérateurs
- L’élaboration d’un recueil des obligations déontologiques
- La sanction des manquements professionnels
Son pouvoir de sanction est gradué : avertissement, blâme, interdiction temporaire (jusqu’à trois ans) ou définitive d’exercer l’activité (article L.321-22 du code de commerce).
Les responsabilités des opérateurs de ventes
Les opérateurs agissent comme mandataires du propriétaire (article L.321-5). Ce statut leur impose plusieurs obligations :
- L’impossibilité d’acheter pour leur compte les biens proposés
- L’interdiction de vendre leurs propres biens, sauf mention expresse dans la publicité
- L’obligation de justifier d’un compte spécial pour les fonds détenus pour autrui
- La nécessité de souscrire une assurance responsabilité professionnelle
L’article L.321-14 du code de commerce précise que « les opérateurs de ventes volontaires sont responsables à l’égard du vendeur et de l’acheteur de la représentation du prix et de la délivrance des biens. »
Cette responsabilité ne peut être écartée par aucune clause contraire. Preuve de l’importance accordée par le législateur à la protection des parties.
Préparation et réalisation des ventes
Mandat de vente et estimations
Toute vente commence par un mandat écrit. L’opérateur de ventes agit comme mandataire du propriétaire. Ce mandat doit obligatoirement être établi par écrit, comme l’a confirmé la Cour de cassation (Civ. 1re, 15 juin 2016, n°15-19.365).
Le vendeur peut stipuler un prix de réserve, c’est-à-dire un montant minimal en-dessous duquel le bien ne sera pas vendu. L’article L.321-11 du code de commerce précise que « si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l’estimation la plus basse figurant dans la publicité. »
Nouveauté importante : l’opérateur peut consentir une avance sur le prix d’adjudication (article L.321-13) ou garantir au vendeur un prix minimal (article L.321-12).
Publicité et catalogue
La publicité des ventes n’est soumise à aucun formalisme particulier, mais doit contenir certaines mentions obligatoires énumérées à l’article R.321-33 du code de commerce, notamment :
- La date et le lieu de la vente
- L’identité de l’opérateur et son numéro d’agrément
- La qualité de commerçant ou d’artisan du vendeur pour les biens neufs
- Le caractère neuf du bien
- L’intervention éventuelle d’un expert
Les mentions figurant au catalogue engagent la responsabilité de l’opérateur. La Cour de cassation a clairement affirmé que ces mentions s’analysent en des documents contractuels (Civ. 1re, 27 févr. 2007, n°02-13.420).
Déroulement des enchères
Les enchères doivent être publiques et libres. Aucun membre de l’assistance ne peut être empêché d’enchérir. La vente est attribuée au dernier enchérisseur, c’est-à-dire celui qui a proposé le prix le plus élevé.
L’article L.321-9 du code de commerce prévoit que « l’opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques désigne le dernier enchérisseur comme adjudicataire ou déclare le bien non adjugé et dresse procès-verbal de la vente. »
Si le prix de réserve n’est pas atteint, le bien est déclaré non adjugé. Cependant, l’opérateur peut, avec l’accord du vendeur, vendre le bien de gré à gré après la vente, à condition que ce soit à un prix au moins égal à la dernière enchère.
Les effets juridiques de l’adjudication
Transfert de propriété
L’adjudication entraîne le transfert immédiat de propriété. Cette règle a été confirmée par le Conseil d’État dans une décision récente (CE 28 mars 2024, n°463879).
Ce transfert n’est accompagné ni de la garantie d’éviction, ni de la garantie des vices cachés (article 1649 du code civil). L’adjudicataire achète donc le bien « en l’état ».
Obligations du vendeur et de l’adjudicataire
Le vendeur est tenu de délivrer le bien. En pratique, cette obligation est exécutée par l’opérateur de ventes, responsable de la délivrance envers l’acheteur (article L.321-14).
L’adjudicataire a deux obligations principales :
- Payer le prix, généralement au comptant
- Enlever le bien dans les délais fixés
Le prix doit être versé à l’opérateur de ventes, qui le remettra au vendeur dans un délai maximum de deux mois.
La procédure de folle enchère
En cas de défaut de paiement, l’article L.321-14 du code de commerce prévoit une procédure spécifique : la « réitération des enchères » (autrefois appelée « folle enchère »).
Après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur. Cette demande doit être formulée dans un délai de trois mois à compter de l’adjudication, faute de quoi la vente est résolue de plein droit.
L’adjudicataire défaillant reste tenu de payer la différence entre son enchère et le prix obtenu lors de la seconde vente, si celui-ci est inférieur. Il peut également être condamné à des dommages-intérêts.
Les ventes aux enchères électroniques : spécificités juridiques
L’article L.321-3 du code de commerce définit précisément la vente aux enchères par voie électronique comme « le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux-disant des enchérisseurs. »
Ces ventes sont soumises aux mêmes règles que les ventes physiques. La loi précise que « la seule circonstance qu’une confirmation, conforme aux dispositions de l’article 1127-2 du code civil, soit exigée est sans incidence sur la qualification de la vente. »
Attention à ne pas confondre ces ventes avec les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique. Ces dernières se caractérisent par l’absence d’adjudication au mieux-disant et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente.
La qualification juridique exacte de l’opération est essentielle car elle détermine le régime applicable. Le tribunal de Versailles a ainsi refusé la qualification de vente aux enchères à certaines plateformes internet faute d’adjudication automatique (Versailles, 16 juin 2011, RJDA 2011, n°1013).
Pour vous prémunir contre toute difficulté lors d’une vente aux enchères, il est judicieux de consulter un avocat spécialisé. À notre cabinet, nous accompagnons régulièrement vendeurs, acheteurs et opérateurs dans leurs démarches. N’hésitez pas à nous solliciter pour sécuriser vos transactions et faire valoir vos droits.
Sources
- Code de commerce, articles L.320-1 à L.321-38 et R.321-1 à R.321-73
- Loi n°2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, n°15-19.365
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 février 2007, n°02-13.420
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 février 2013, n°11-23.287
- Conseil d’État, 28 mars 2024, n°463879
- Cour d’appel de Versailles, 16 juin 2011, RJDA 2011, n°1013
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