Vous l’avez sans doute remarqué dans les centres commerciaux : cette offre séduisante pour « régler en plusieurs fois » ou cette carte de magasin qui promet des avantages. Ces dispositifs cachent souvent un crédit renouvelable, instrument financier encadré par une réglementation stricte. Le législateur a progressivement renforcé les garde-fous autour de ce produit, parfois surnommé « crédit revolving ». Pour mieux situer le crédit renouvelable, approfondissez le cadre juridique général du crédit à la consommation et ses évolutions.
Définition légale et caractéristiques
Le Code de la consommation, en son article L.312-57, définit précisément le crédit renouvelable comme :
« une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l’usage d’une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti »
Cette définition légale distingue le crédit renouvelable des autres formes de crédit à la consommation. Contrairement au prêt personnel classique où l’emprunteur reçoit une somme définie remboursable selon un échéancier fixe, le crédit renouvelable met à disposition une réserve d’argent utilisable partiellement, à tout moment.
Sa particularité ? Le capital se reconstitue au fur et à mesure des remboursements, créant une « réserve d’argent » permanente.
Le tribunal d’instance de Liévin a clarifié cette distinction dans un jugement du 6 mars 2001 :
« un tel crédit ne peut être assimilé à une convention de compte courant […] En premier lieu, le crédit permanent doit donner à l’emprunteur les informations sur ses droits et obligations, conformément aux offres préalables types du Code de la consommation […] sa durée enfin est limitée à un an, et sa reconduction est soumise à l’accomplissement d’obligations positives pour l’emprunteur. »
Les règles spécifiques au crédit renouvelable
Obligation d’information renforcée
Le prêteur doit fournir mensuellement un relevé de compte détaillé au consommateur. L’article L.312-71 du Code de la consommation impose les mentions suivantes :
- La date d’arrêté du relevé et celle du paiement
- La fraction du capital disponible
- Le montant de l’échéance, avec la part correspondant aux intérêts
- Le taux effectif global, essentiel pour suivre le coût réel de cette réserve d’argent variable.
- L’estimation du nombre de mensualités restant dues
Ces informations doivent obligatoirement figurer en première page du document, en caractères lisibles.
Remboursement minimal du capital
Pour éviter l’endettement perpétuel, chaque échéance doit désormais inclure un remboursement minimal du capital emprunté. L’article L.312-65 du Code de la consommation stipule que ce montant varie selon le montant total du crédit consenti.
L’article D.312-27 du même code précise les modalités de calcul de ce remboursement minimal.
Un exemple concret : pour un crédit renouvelable de 3000€ utilisé intégralement, l’échéance minimale doit permettre un remboursement du capital selon un barème progressif empêchant que seuls les intérêts soient payés.
Durée limitée et reconduction expresse
Le crédit renouvelable n’est conclu que pour un an. Sa reconduction n’est pas automatique mais soumise à conditions.
L’article L.312-75 impose au prêteur de :
- Consulter le Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP)
- Vérifier tous les trois ans la solvabilité de l’emprunteur
Si le contrat n’est pas utilisé pendant un an, l’article L.312-80 prévoit sa caducité. Le prêteur doit alors adresser à l’emprunteur un document rappelant cette situation. Sans réponse dans les vingt jours, le contrat est résilié de plein droit.
La carte associée au crédit renouvelable
Mention obligatoire « carte de crédit »
Pour éviter toute confusion, l’article L.312-68 du Code exige que la carte liée à un crédit renouvelable porte expressément la mention « carte de crédit ».
Cette obligation, introduite par la loi Lagarde de 2010, vise à distinguer clairement ces cartes des cartes bancaires classiques.
Distinction paiement comptant/crédit
Les titulaires de ces cartes doivent systématiquement avoir le choix entre paiement comptant et paiement à crédit. L’article L.312-69 stipule que le consommateur doit donner un accord exprès au paiement à crédit après information par le commerçant.
Cette mesure met fin à la pratique controversée du paiement à crédit par défaut, qui pouvait entraîner des situations d’endettement insidieux lors d’achats courants.
L’article L.312-63 interdit également de lier les avantages commerciaux (programme de fidélité) à l’utilisation de la carte à crédit. Les enseignes proposant un programme d’avantages incluant un crédit doivent proposer un programme alternatif sans crédit.
La vérification périodique de solvabilité
Le crédit renouvelable impose une vigilance constante quant à la situation financière de l’emprunteur. Cette vigilance s’inscrit dans les règles de formation du contrat de crédit à la consommation, notamment en matière d’évaluation de la solvabilité.
Consultation du FICP
Avant toute reconduction annuelle, l’article L.312-75 impose la consultation du FICP. Tous les trois ans, le prêteur doit aller plus loin et procéder à une vérification complète de solvabilité, comme s’il s’agissait d’un nouveau crédit.
Ce dispositif tend à prévenir le surendettement en identifiant les situations problématiques avant qu’elles ne s’aggravent.
Conséquences possibles
Si cette vérification révèle une fragilité financière, l’article L.312-76 autorise le prêteur à :
- Ne pas proposer la reconduction
- Suspendre le droit d’utilisation
- Réduire le montant total du crédit
Un exemple récent illustre l’importance de ces mesures : la Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 18 septembre 2003, a considéré que le point de départ du délai de forclusion dans ce type de crédit est le jour du premier incident de paiement non régularisé, soulignant la responsabilité du prêteur dans le suivi de la solvabilité.
Votre situation vous inquiète ? Consultez un avocat spécialisé. Le crédit renouvelable, par sa complexité juridique, génère un contentieux abondant. Un conseil personnalisé permet souvent d’identifier des irrégularités dans l’offre, pouvant entraîner la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur.
Sources
- Articles L.312-57 à L.312-83 du Code de la consommation
- Loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation (dite « loi Lagarde »)
- TI Liévin, 6 mars 2001, JurisData n°2001-010108
- CA Rennes, 18 septembre 2003, Contrats, conc. consom. 2004, comm. 67
- Article D.312-27 du Code de la consommation (modalités de calcul du remboursement minimal)
- G. Raymond, « Droit de la consommation », LexisNexis, 4e édition, 2017
- CJUE, 27 mars 2014, aff. C-565/12, sur les sanctions en cas de manquement à l’obligation d’évaluation de solvabilité