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Dans le monde du crédit à la consommation, le législateur a prévu des garde-fous essentiels pour protéger les consommateurs. Parmi eux, le droit de rétractation représente un rempart contre les engagements hâtifs. Instauré dès la loi Scrivener du 10 janvier 1978, ce mécanisme – également appelé droit de repentir – offre une seconde chance à l’emprunteur qui aurait signé un peu vite.
1. Le délai de rétractation : un temps de réflexion imposé
Le Code de la consommation octroie à l’emprunteur un délai de quatorze jours calendaires révolus pour se rétracter (article L. 312-19). Cette période commence à partir du jour de l’acceptation de l’offre de crédit.
Ce délai légal n’est pas arbitraire. Il correspond exactement à celui prévu par la directive européenne 2008/48/CE du 23 avril 2008, transposée en droit français par la loi du 1er juillet 2010.
Deux semaines, c’est le temps jugé nécessaire pour prendre du recul après un engagement financier parfois souscrit sous pression commerciale.
Un délai raccourci dans certains cas
Dans certaines circonstances, ce délai peut être réduit à trois jours. L’article L. 312-47 du Code de la consommation le permet lorsque l’emprunteur demande expressément une livraison immédiate du bien.
Pour cela, il doit apposer de sa main sur le contrat une mention manuscrite précise, prévue à l’article R. 312-20 du Code, qui atteste :
- Sa connaissance que son contrat de vente principal sera définitif dès le quatrième jour
- Son acceptation d’un délai de rétractation réduit
La jurisprudence est stricte sur ce point. Sans mention manuscrite conforme, le consommateur conserve le délai normal de quatorze jours (Cass. 1re civ., 19 mai 1992).
2. Comment exercer son droit de rétractation ?
L’exercice du droit de rétractation passe par plusieurs modalités précises.
Le formulaire détachable
L’article L. 312-21 du Code de la consommation impose que l’offre de crédit contienne un formulaire détachable de rétractation. Ce document doit être conforme au modèle annexé à l’article R. 312-9, constituant ainsi une composante essentielle des règles de formation du contrat de crédit.
Attention à la jurisprudence sur ce formulaire : la Cour de cassation exige qu’il ne comporte pas d’autres mentions que celles prévues par la loi. Dans un arrêt du 8 juillet 1997, la Haute juridiction a sanctionné la présence d’un slogan publicitaire sur le formulaire.
L’emprunteur n’est pas tenu d’utiliser ce formulaire spécifique. L’essentiel est qu’il manifeste clairement sa volonté de renoncer au crédit sollicité, mais le formulaire facilite la preuve.
La preuve de la rétractation
Par sécurité, l’envoi du formulaire ou de tout document manifestant la volonté de se rétracter devrait se faire par lettre recommandée avec accusé de réception.
Un arrêt récent du 21 octobre 2020 a bouleversé la jurisprudence antérieure concernant la preuve de la remise du bordereau de rétractation. La formule pré-imprimée « je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire détachable de rétractation » ne constitue plus en soi la preuve de la présence du bordereau, mais un simple indice que le prêteur doit corroborer par d’autres éléments (Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n° 19-18.971).
À qui adresser sa rétractation ?
Le droit de repentir doit normalement être exercé auprès de l’organisme de crédit.
Toutefois, la jurisprudence admet que le consommateur puisse également se rétracter auprès du vendeur (Cass. 1re civ., 12 févr. 1991). La Cour de cassation considère que le vendeur qui remet l’offre de crédit au nom de l’établissement financier est son mandataire. Le consommateur peut donc légitimement croire que ce vendeur est habilité à recevoir sa rétractation.
3. Les effets de la rétractation
Les conséquences de l’exercice du droit de rétractation sont importantes.
Sur le contrat de crédit
La rétractation entraîne la caducité du contrat de crédit. L’emprunteur est libéré de toute obligation à l’égard du prêteur. La jurisprudence considère qu’il s’agit d’un contrat conclu sous condition résolutoire (Cass. 1re civ., 10 juin 1992).
Sur le contrat principal en cas de crédit affecté
Dans le cas d’un crédit affecté (finançant un bien ou service précis), l’article L. 312-52 du Code de la consommation prévoit que le contrat de vente principal est également résolu de plein droit si l’emprunteur exerce son droit de rétractation dans les délais.
Cette résolution automatique ne s’applique pas si l’acheteur paie comptant avant l’expiration du délai. Mais attention : ce paiement comptant doit être un acte libre et volontaire du consommateur, qui ne peut y être contraint par une clause du contrat (article L. 341-11 du Code de la consommation).
4. L’interdiction des versements pendant le délai de réflexion
Pour garantir l’effectivité de ce droit de rétractation, l’article L. 312-25 du Code de la consommation interdit tout paiement pendant sept jours à compter de l’acceptation du contrat de crédit.
Cette interdiction concerne :
- Les versements du prêteur à l’emprunteur
- Les versements de l’emprunteur au prêteur
- Tout dépôt au profit du prêteur
La jurisprudence précise que même la simple remise d’un chèque constitue un paiement prohibé (Cass. crim., 12 déc. 1991).
Si le vendeur ou le prêteur enfreint cette interdiction, il s’expose à des sanctions pénales prévues à l’article L. 341-12 du Code de la consommation.
5. La remise en cause du droit de rétractation
Si le droit de rétractation constitue une protection importante, il peut être fragilisé par certaines pratiques.
En pratique, certains professionnels peuvent tenter de contourner ce délai, notamment :
- En faisant signer des reconnaissances de remise du formulaire sans l’avoir effectivement fourni
- En persuadant le consommateur de renoncer à ce délai
- En antidatant les documents
Ces pratiques, quand elles sont prouvées, peuvent conduire à une déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur (article L. 341-4 du Code de la consommation).
Le droit de rétractation demeure un outil puissant, mais dont l’effectivité dépend souvent de la vigilance de l’emprunteur. En cas de litige sur l’exercice de ce droit, l’intervention d’un conseil juridique spécialisé peut s’avérer déterminante pour faire respecter cette protection légale.
Un cabinet d’avocats spécialisé saura analyser les documents contractuels, vérifier le respect des formalités légales et construire l’argumentation nécessaire pour défendre les droits des emprunteurs ayant rencontré des difficultés dans l’exercice de leur droit de rétractation.
Sources
- Code de la consommation : articles L. 312-19, L. 312-21, L. 312-25, L. 312-47, L. 312-52, L. 341-4, L. 341-11, L. 341-12
- Code de la consommation : article R. 312-9, R. 312-20
- Cass. 1re civ., 19 mai 1992 (délai de rétractation réduit)
- Cass. 1re civ., 8 juillet 1997 (formulaire détachable)
- Cass. 1re civ., 12 févr. 1991 (rétractation auprès du vendeur)
- Cass. crim., 12 déc. 1991 (remise de chèque)
- Cass. 1re civ., 10 juin 1992 (nature juridique du contrat)
- Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n° 19-18.971 (preuve de la remise du bordereau)
- Directive européenne 2008/48/CE du 23 avril 2008
- Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation
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