Le crédit coûte toujours plus que ce que les banques annoncent d’emblée. Le taux d’intérêt nominal ne reflète qu’une partie de la réalité. D’où l’existence du Taux Effectif Global (TEG), pierre angulaire de la transparence bancaire. Cet indicateur, souvent méconnu des emprunteurs, joue pourtant un rôle décisif dans la comparaison des offres de crédit et peut constituer un levier juridique puissant en cas de litige.
Définition du TEG : un comparateur légal du coût réel
Le TEG n’est pas à proprement parler un taux d’intérêt, mais un indicateur comparatif défini aux articles L.314-1 à L.314-9 du Code de la consommation. L’article L.313-4 du Code monétaire et financier le présente comme « un taux représentatif du coût total du crédit, exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti ».
Sa fonction principale : permettre à l’emprunteur de comparer objectivement différentes offres de crédit. Pour les crédits à la consommation, il prend le nom de « Taux Annuel Effectif Global » (TAEG).
Méthodes de calcul selon le type de crédit
Pour les crédits à la consommation et immobiliers
Ces crédits utilisent la méthode équivalente, conformément à l’article R.314-1 du Code de la consommation. Cette méthode:
- Calcule le taux actuariellement selon le principe des intérêts composés
- Assure l’égalité entre les sommes prêtées et tous les versements dus par l’emprunteur
- Se base sur une année civile (365 ou 366 jours)
- Utilise un mois normalisé de 30,41666 jours
Cette méthode, validée par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts récents (Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, n° 19-21.599), donne généralement un TEG légèrement supérieur à celui obtenu par la méthode proportionnelle.
Pour les crédits professionnels
Pour les financements d’activités professionnelles, l’article L.313-4 du Code monétaire et financier impose la méthode proportionnelle. Le TEG est alors:
- Un taux annuel proportionnel au taux de période
- Calculé à terme échu
- Exprimé pour cent unités monétaires
Éléments inclus et exclus du calcul du TEG
Le TEG intègre, pour une analyse détaillée de ses composantes:
- Les intérêts contractuels
- Les frais de dossier
- Les commissions diverses liées directement au crédit
- Les frais d’enregistrement et garanties
- Le coût des parts sociales imposées par certaines banques coopératives (Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 12-14.377)
- Les primes d’assurance obligatoires
Sont exclus:
- La TVA récupérable
- Les primes d’assurance facultatives
- Les frais de relance et procédure en cas d’incidents
- Les frais d’information annuelle des cautions (Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-19.241)
Le TEG des découverts en compte
Cas particulier, le TEG des découverts en compte ne peut être connu qu’à l’échéance de chaque période d’intérêt. La convention bancaire doit donc indiquer un TEG indicatif, calculé pour une utilisation maximale immédiate.
Les relevés bancaires doivent ensuite mentionner le TEG réellement appliqué. Attention: la commission d’intervention, souvent contestée, n’entre généralement pas dans le calcul du TEG car elle constitue une commission de service (Cass. com., 8 janv. 2013, n° 11-15.476).
Le TEG en matière d’escompte et cessions de créances
Escompte d’effets de commerce
Pour l’escompte, le TEG inclut:
- Les intérêts d’escompte
- La commission d’endossement
- La commission de « remise brûlante » (pour les effets remis peu avant l’échéance)
L’article R.314-8 du Code de la consommation autorise le calcul sur une période minimale de 10 jours d’agios.
Cessions de créances (Dailly, affacturage)
Pour les cessions « Dailly » (art. L.313-23 du Code monétaire et financier), sont généralement exclus du TEG:
- La commission de notification si celle-ci n’est pas une condition de l’opération
- La commission d’acceptation quand l’acceptation du débiteur cédé n’est pas exigée
Concernant l’affacturage, la Cour de cassation considère que les avances sur factures relèvent bien du champ d’application du TEG (Cass. 1re civ., 30 mai 2006, n° 03-17.646).
Les pièges à éviter
Trois écueils principaux menacent les emprunteurs:
- La non-identification des frais obligatoires à intégrer dans le TEG
- La confusion entre année civile et année dite « lombarde » de 360 jours
- L’oubli du caractère indicatif du TEG pour les crédits à taux variable
Vérification et contestation du TEG
L’erreur affectant le TEG n’est sanctionnable que lorsqu’elle est supérieure à une décimale et fait au détriment de l’emprunteur (Cass. com., 15 févr. 2023, n° 21-10.950).
Pour contester un TEG, l’emprunteur doit agir avant expiration du délai de prescription de 5 ans. Ce délai court:
- Pour les professionnels: à compter de la date du contrat (Cass. com., 3 déc. 2013, n° 12-23.976)
- Pour les particuliers: à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur (Cass. 1re civ., 1er mars 2023, n° 22-11.335)
Depuis l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, la sanction unique d’un TEG erroné est la déchéance du droit aux intérêts du prêteur « dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur. »
Vous soupçonnez une erreur dans le calcul du TEG de votre crédit? L’analyse technique de ce taux nécessite des compétences juridiques et financières pointues. Nous pouvons examiner votre dossier et déterminer si une action judiciaire présente des chances sérieuses de succès. N’attendez pas la fin du délai de prescription pour agir.
Sources
- Articles L.314-1 à L.314-9 du Code de la consommation
- Article L.313-4 du Code monétaire et financier
- Article R.314-1 du Code de la consommation (calcul du TAEG)
- Article R.314-5 du Code de la consommation (exclusions)
- Article R.314-8 du Code de la consommation (escompte)
- Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 12-14.377 (parts sociales)
- Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-19.241 (frais d’information caution)
- Cass. com., 8 janv. 2013, n° 11-15.476 (commission d’intervention)
- Cass. 1re civ., 30 mai 2006, n° 03-17.646 (affacturage)
- Cass. com., 15 févr. 2023, n° 21-10.950 (erreur TEG)
- Cass. com., 3 déc. 2013, n° 12-23.976 (prescription professionnels)
- Cass. 1re civ., 1er mars 2023, n° 22-11.335 (prescription particuliers)
- Ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 (sanctions)
- Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, n° 19-21.599 (mois normalisé)