Les difficultés financières peuvent frapper n’importe qui. Un accident de la vie, un licenciement ou un divorce peuvent rendre impossible le remboursement d’un crédit immobilier. Heureusement, la loi prévoit plusieurs mécanismes pour aider les emprunteurs en difficulté. Ces dispositifs permettent d’éviter les spirales d’endettement et de donner une seconde chance aux particuliers confrontés à des problèmes passagers ou plus durables. Comprendre ces solutions est essentiel pour réagir efficacement.
Les délais de grâce accordés par le juge
Le premier recours pour un emprunteur rencontrant des difficultés passagères est la demande de délais de grâce auprès du juge. L’article L. 314-20 du Code de la consommation renvoie aux dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, qui permettent au juge d’accorder un répit au débiteur de bonne foi.
Concrètement, le juge des contentieux de la protection (anciennement juge d’instance) peut :
- Reporter ou rééchelonner le paiement des sommes dues, sur une période maximale de deux ans.
- Ordonner que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
- Suspendre les procédures d’exécution (saisies) qui auraient été engagées par l’établissement de crédit.
- Décider que les sommes correspondant aux échéances reportées produiront intérêt à un taux réduit, qui ne peut être inférieur au taux légal, ou même qu’elles ne produiront pas d’intérêt.
Cette mesure est accordée en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Le juge doit fixer le terme de ce délai dans sa décision. Il est important de noter que ces délais de grâce ne se cumulent pas avec les mesures spécifiques prévues dans le cadre d’une procédure de surendettement.
Le traitement du surendettement des particuliers
Lorsque les difficultés financières deviennent plus profondes et durables, la procédure de surendettement peut être envisagée. Elle s’adresse aux particuliers de bonne foi se trouvant dans « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir », comme le définit l’article L. 711-1 du Code de la consommation.
Un point important, clarifié par la loi depuis 2010, est que « le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée ». Avoir un bien immobilier ne ferme donc pas automatiquement la porte à cette procédure.
La jurisprudence a confirmé que le surendettement peut être reconnu même si l’emprunteur n’a qu’une seule dette importante, typiquement un crédit immobilier, qu’il ne peut plus rembourser (Cass. 1re civ., 24 mars 1993, n° 92-04.079). De même, la simple charge représentée par les échéances futures, si elle est manifestement insupportable au regard des ressources, peut suffire à caractériser le surendettement (Cass. 1re civ., 13 janvier 1993, n° 91-04.136). Pour une analyse préventive, en savoir plus sur l’évaluation de la solvabilité comme mesure préventive peut être utile.
Le dépôt d’un dossier de surendettement auprès de la commission départementale compétente entraîne, si le dossier est déclaré recevable, la suspension automatique des procédures d’exécution (saisies) sur les biens du débiteur (article L. 722-2 du Code de la consommation). Cette suspension vise à protéger le débiteur et à permettre un traitement équitable de ses dettes.
La procédure de désendettement conventionnel
Une fois le dossier jugé recevable, la commission de surendettement tente en premier lieu de trouver une solution amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers. Cette phase de conciliation peut aboutir à l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement. Ce plan est un véritable contrat signé par le débiteur et les créanciers qui l’acceptent.
L’article L. 732-2 du Code de la consommation détaille les mesures qui peuvent être incluses dans ce plan :
- Report ou rééchelonnement des paiements des dettes.
- Remise partielle de dettes (la commission ne peut imposer une remise totale à ce stade).
- Réduction ou suppression du taux d’intérêt conventionnel.
- Consolidation (regroupement) de crédits.
- Création ou substitution de garanties.
La mise en œuvre de ces mesures peut être conditionnée à certains engagements de la part du débiteur, comme la vente de son bien immobilier si cela est jugé nécessaire pour apurer une partie significative des dettes (Cass. 1re civ., 24 février 1993, n° 91-04.140).
Il est essentiel de noter un point concernant les cautions. La Cour de cassation a jugé que les mesures accordées au débiteur principal dans le cadre du plan conventionnel ne profitent pas à la caution (Cass. 1re civ., 13 novembre 1996, n° 94-12.856). Le créancier conserve donc le droit de réclamer l’intégralité du paiement à la personne qui s’est portée caution, même si la dette principale a été réaménagée.
Les mesures de désendettement imposées
Si la tentative de conciliation échoue, la commission de surendettement peut imposer certaines mesures ou en recommander d’autres au juge. Si ces mesures sont contestées par le débiteur ou un créancier, c’est le juge des contentieux de la protection qui tranchera et pourra imposer un plan.
Les mesures pouvant être imposées (articles L. 733-1 et L. 733-4 du Code de la consommation) sont similaires à celles du plan conventionnel, mais avec des limites plus strictes :
- Rééchelonnement des dettes sur une durée maximale de sept ans (au lieu de huit ans avant la réforme de 2016).
- Imputation des paiements prioritairement sur le capital.
- Réduction du taux d’intérêt, qui ne peut être inférieur au taux d’intérêt légal.
Une exception importante concerne les prêts immobiliers relatifs à la résidence principale : la durée du rééchelonnement peut dépasser sept ans si cela permet d’éviter la vente du logement ou si cela permet au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en conservant sa résidence principale (article L. 733-3 du Code de la consommation).
La mesure spécifique en cas de vente du logement
L’article L. 733-7 du Code de la consommation prévoit une mesure particulière lorsque la vente (forcée ou amiable pour éviter la saisie) du logement principal grevé d’un crédit immobilier ne suffit pas à rembourser l’intégralité du prêt.
Dans ce cas, la commission peut recommander (mesure soumise à l’homologation du juge) ou le juge peut imposer une réduction du solde du prêt restant dû après la vente. Cette réduction doit être calculée de manière à ce que le paiement du solde restant, éventuellement rééchelonné, soit compatible avec les ressources et les charges du débiteur.
La jurisprudence a interprété cette disposition de manière extensive, admettant que si la situation du débiteur l’exige, la réduction peut aller jusqu’à l’effacement total du solde restant dû (Cass. 1re civ., 31 mars 1992, n° 91-04.039). Cette mesure vise à éviter qu’un débiteur continue de rembourser un prêt pour un bien qu’il a perdu, tout en devant faire face à de nouvelles charges de logement.
Le rétablissement personnel : une solution pour les situations irrémédiablement compromises
Pour les situations les plus graves, où le débiteur est insolvable et sans perspective réaliste de pouvoir rembourser ses dettes même avec un plan, la procédure de rétablissement personnel peut être envisagée. Inspirée du droit des faillites, elle a été introduite par la loi « Borloo » du 1er août 2003.
Elle est ouverte par le juge, sur recommandation de la commission et avec l’accord du débiteur, lorsque la situation est jugée « irrémédiablement compromise ». Deux variantes existent :
- Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire (articles L. 741-1 et suivants) : Applicable lorsque le débiteur ne possède aucun patrimoine significatif susceptible d’être vendu (essentiellement des meubles nécessaires à la vie courante ou des biens indispensables à l’activité professionnelle). Le juge prononce alors directement l’effacement des dettes.
- Le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire (articles L. 742-1 et suivants) : Lorsque le débiteur possède des biens (y compris immobiliers) pouvant être vendus, le juge ouvre une procédure de liquidation. Un liquidateur est désigné pour vendre les biens. Si le produit de la vente ne suffit pas à payer toutes les dettes, le juge prononce la clôture pour insuffisance d’actif, ce qui entraîne l’effacement des dettes restantes.
Dans les deux cas, l’effacement concerne toutes les dettes non professionnelles, à l’exception notable :
- Des dettes alimentaires.
- Des amendes pénales.
- Des réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale.
- Des dettes dont le paiement a été effectué par une caution ou un coobligé à la place du débiteur. Ces derniers conservent leur droit de recours contre le débiteur, même après l’effacement des autres dettes.
Conseils pratiques pour les emprunteurs en difficulté
Face aux difficultés de remboursement, l’anticipation est votre meilleure alliée. N’attendez pas que la situation s’aggrave pour agir.
- Contactez votre banque : Dès les premiers signes de difficultés, prenez contact avec votre conseiller bancaire. De nombreux établissements préfèrent trouver une solution amiable (report d’échéance, renégociation temporaire) plutôt que d’engager des procédures contentieuses, longues et coûteuses. Discutez des options de la réforme du crédit immobilier et vos droits.
- Envisagez la renégociation : Si vos difficultés sont liées à un taux d’intérêt devenu trop élevé par rapport au marché, ou si un allongement de la durée pourrait soulager vos mensualités, la renégociation (article L. 313-39 du Code de la consommation) est une piste. Elle se formalise par un simple avenant au contrat initial.
- Le remboursement anticipé : Si, au contraire, votre situation financière s’améliore (rentrée d’argent imprévue, héritage…), le remboursement anticipé (total ou partiel) est un droit (article L. 313-47). Une indemnité peut être réclamée par la banque pour les prêts à taux fixe, mais elle est plafonnée par la loi (article R. 313-25).
- Ne restez pas isolé : Les difficultés financières peuvent toucher tout le monde. La honte ou la peur sont de mauvaises conseillères et retardent souvent la prise de mesures adaptées. N’hésitez pas à vous faire accompagner.
- Consultez un professionnel : Un avocat peut analyser votre situation, vérifier la régularité de votre contrat de prêt (et les éventuelles sanctions en cas de manquements du prêteur), vous expliquer les différentes procédures (délais de grâce, surendettement) et vous assister dans vos démarches auprès de la banque ou de la commission de surendettement.
Les difficultés de remboursement d’un crédit immobilier ne sont pas une fatalité. Des solutions existent, mais elles nécessitent une réaction rapide et éclairée. Nos avocats vous conseillent en crédit immobilier pour évaluer les options les plus adaptées à votre cas particulier et défendre au mieux vos intérêts.
Sources
- Code de la consommation : articles L. 313-39, L. 314-20, L. 711-1 et suivants, L. 722-2, L. 732-2, L. 733-3, L. 733-7, L. 741-1 et suivants, L. 742-1 et suivants, R. 313-25.
- Code civil : article 1343-5.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 13 janvier 1993, n° 91-04.136.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 24 mars 1993, n° 92-04.079.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 24 février 1993, n° 91-04.140.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 janvier 1994, n° 92-04.070.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 13 novembre 1996, n° 94-12.856.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 31 mars 1992, n° 91-04.039.
- Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
- Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation.