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Les délais d’action en procédure civile : quand le temps devient l’ennemi du justiciable

Table des matières

Les délais structurent le procès civil. Ils imposent un cadre temporel aux plaideurs et constituent souvent un piège redoutable pour les non-initiés. Un jour de retard peut anéantir des années de procédure.

La péremption d’instance

Définition et conditions

La péremption est une exception de procédure qui éteint l’instance. Elle sanctionne l’inaction des parties pendant deux ans. Selon l’article 386 du Code de procédure civile, elle « emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir ».

Le délai commence à courir dès la remise de l’assignation au greffe. Si cette remise n’est pas effectuée dans les quatre mois, l’assignation devient caduque (article 757 alinéa 2 du Code de procédure civile).

La péremption peut être demandée par le défendeur comme par le demandeur, par voie d’action ou d’exception. Elle doit être soulevée avant tout autre moyen, conformément à l’article 388 du Code de procédure civile.

Le décret n°2017-892 du 6 mai 2017 a modifié l’article 388 pour permettre au juge de prononcer d’office la péremption d’instance, après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

Incidence de la suspension

Le délai de péremption n’est pas suspendu par les événements qui suspendent l’instance. Ni la radiation par le juge, ni un retrait du rôle ne suspendent ce délai.

Cette solution logique pour la radiation, sanction de la négligence des parties, semble moins justifiée pour un retrait conventionnel du rôle. Lorsque les parties demandent conjointement ce retrait pour tenter une conciliation, il paraît injuste de les sanctionner. Pourtant, la jurisprudence reste ferme : seul un sursis à statuer suspend la péremption.

Incidence de l’interruption

L’interruption de l’instance efface la péremption. L’article 392 alinéa 1 du Code de procédure civile précise que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption ».

L’interruption intervient de plein droit en cas de majorité d’un plaideur, de cessation des fonctions de l’avocat, ou lors d’un jugement prononçant une procédure collective. Elle cesse avec la reprise d’instance, matérialisée par une constitution d’avocat ou le dépôt de conclusions.

La demande d’aide juridictionnelle interrompt aussi le délai de péremption (Civ. 2e, 19 novembre 2009, n°08-16.698).

Actes interruptifs et exclus

Pour interrompre le délai, l’acte doit faire progresser l’affaire. La Cour de cassation exige « un acte qui fait partie de l’instance et est destiné à la continuer » (Civ. 2e, 4 mars 2004, n°02-12.516).

Ne sont pas interruptifs :

  • Le dépôt de conclusions sans demande de rétablissement après radiation
  • Les demandes de réinscription au rôle suivies de radiation
  • Les courriers informant le juge d’un recours pendant

En revanche, interrompent le délai :

  • Les courriers critiquant une expertise
  • Les lettres sollicitant du juge d’accélérer une expertise

La péremption ne court pas lorsque les parties attendent une fixation d’audience après avoir accompli toutes leurs diligences. Un revirement jurisprudentiel important est intervenu le 7 mars 2024 : la 2e chambre civile a jugé que lorsque les parties ont accompli toutes leurs charges procédurales, la péremption ne court plus contre elles (arrêts n°21-19.475, 21-19.761, 21-20.719 et 21-23.230).

La caducité

Caducité de la demande en justice

La caducité sanctionne deux défauts principaux : le non-respect du délai d’enrôlement et l’absence de notification du jugement.

Le délai d’enrôlement est de quatre mois devant le tribunal judiciaire (article 757 alinéa 2 du Code de procédure civile). Ce délai est réduit à la veille du jour d’audience pour une assignation à jour fixe.

En appel, l’appelant dispose de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure. À défaut, sa déclaration devient caduque (article 908 du Code de procédure civile). La Cour de cassation a précisé que lorsque la déclaration d’appel est adressée par lettre recommandée, ce délai court dès l’expédition de la lettre (Civ. 2e, 9 janvier 2020, n°18-24.107).

La caducité frappe également le demandeur qui ne comparaît pas sans motif légitime. Le juge peut déclarer la citation caduque, mais cette décision peut être rapportée si le demandeur justifie dans les quinze jours d’un motif légitime (article 468 du Code de procédure civile).

Caducité du jugement

L’article 478 du Code de procédure civile prévoit qu’un jugement par défaut ou réputé contradictoire est non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date. Cette règle vise à empêcher qu’un demandeur n’attende un moment opportun pour révéler le jugement au défendeur.

La Cour de cassation a récemment rappelé ce principe dans un arrêt du 14 septembre 2023 (n°21-23.793).

Régime et effets

La caducité de l’assignation peut entraîner celle des mesures conservatoires ordonnées préalablement et détruire l’effet interruptif de prescription.

Quand le jugement est non avenu, tous les actes fondés sur lui tombent. L’instance initiale demeure valable et peut être reprise par réitération de l’assignation.

Cette sanction, exception de procédure, doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Elle ne peut être présentée pour la première fois en appel (Civ. 2e, 11 octobre 1995, n°93-14.326).

La déchéance

Délais imposés

La procédure devant la Cour de cassation illustre parfaitement les délais de déchéance. Le demandeur au pourvoi dispose de quatre mois pour déposer son mémoire ampliatif et le notifier aux autres parties (article 978 du Code de procédure civile).

Dans ce même délai, il doit remettre au greffe, sous peine d’irrecevabilité, une copie de la décision attaquée et de ses actes de signification (article 979).

Le défendeur dispose de deux mois pour déposer son mémoire en défense et le notifier (article 982). Ce délai s’applique également pour un pourvoi incident.

Automaticité et exceptions

La déchéance opère automatiquement. La Cour de cassation refuse généralement les justifications tirées des erreurs des représentants légaux (Civ. 2e, 12 juillet 2001, n°00-17.329).

Cette rigueur a toutefois été tempérée par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’arrêt Platakou contre Grèce du 11 janvier 2001, elle a admis que le recours puisse être rouvert au nom du droit d’accès au juge.

La déchéance peut n’être que partielle, frappant uniquement certains moyens présentés hors délai ou concernant seulement un des demandeurs au pourvoi.

Agir avant qu’il ne soit trop tard

Ces délais forment un véritable parcours d’obstacles procéduraux. Péremption, caducité et déchéance partagent un point commun : elles sanctionnent impitoyablement l’inaction ou le retard.

Ces règles techniques nécessitent une vigilance constante. Un seul jour de retard peut anéantir des droits substantiels parfaitement fondés. La complexité du mécanisme des interruptions et suspensions aggrave ce risque.

Le cabinet reste disponible pour analyser votre situation et vous accompagner dans vos démarches procédurales. L’assistance d’un avocat devient essentielle pour naviguer dans ces écueils temporels qui jalonnent le parcours judiciaire.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 386 à 393 (péremption), 757, 908 (caducité), 978 à 982 (déchéance)
  • Civ. 2e, 19 novembre 2009, n°08-16.698, JCP 2010
  • Civ. 2e, 4 mars 2004, n°02-12.516, Bull. civ. II, n°92
  • Civ. 2e, 7 mars 2024, n°21-19.475, 21-19.761, 21-20.719 et 21-23.230
  • Civ. 2e, 9 janvier 2020, n°18-24.107
  • Civ. 2e, 14 septembre 2023, n°21-23.793
  • Civ. 2e, 11 octobre 1995, n°93-14.326, Bull. civ. II, n°233
  • CEDH, 11 janvier 2001, Platakou c/ Grèce
  • Décret n°2017-892 du 6 mai 2017

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