Pour comprendre la place qu’occupe la caducité dans la procédure de saisie immobilière, un petit retour en arrière est nécessaire. Sous l’empire des anciens textes, c’est-à-dire avant la réforme de la procédure opérée par l’ordonnance du 21 avril 2006, il était fréquent que la procédure s’éternise, parfois pendant plusieurs années, voir dizaines d’années.
Lors de la réforme, le législateur a entendu encadrer la procédure dans des délais très stricts afin que de telles dérives ne se reproduisent pas : et c’est ainsi que le non respect de la quasi-totalité des délais susceptibles d’allonger la durée de la procédure est sanctionné par la caducité du commandement.
Nous allons donc nous intéresser successivement aux différents cas de caducité, à ses effets, et la demande de relevé de caducité qui peut parfois être présentée.
La caducité du commandement de payer valant saisie
Article R. 311-11 du code des procédures civiles d’exécution :
« Les délais prévus par les articles R. 321-1, R. 321-6, R. 322-6, R. 322-10 et R. 322-31 ainsi que les délais de deux et trois mois prévus par l’article R. 322-4 sont prescrits à peine de caducité du commandement de payer valant saisie.
Toute partie intéressée peut demander au juge de l’exécution de déclarer la caducité et d’ordonner, en tant que de besoin, qu’il en soit fait mention en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier.
Il n’est pas fait droit à la demande si le créancier poursuivant justifie d’un motif légitime.
La déclaration de la caducité peut également être rapportée si le créancier poursuivant fait connaître au greffe du juge de l’exécution, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de celle-ci, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. »
Les délais prescrits à peine de caducité sont :
- La dénonciation du commandement au conjoint au plus tard le 1e jour ouvrable suivant sa délivrance au débiteur lorsque le bien appartient en propre au débiteur mais constitue la résidence de famille (R. 321-1 du code des procédures civiles d’exécution),
- La publication du commandement au fichier immobilier dans un délai de 2 mois à compter de sa signification (R. 321-6 du code des procédures civiles d’exécution),
- La délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation dans un délai de 2 mois à compter de la publication du commandement (R. 322-4 du code des procédures civiles d’exécution),
- La dénonciation du commandement aux créanciers inscrits et leur assignation à l’audience d’orientation dans les 5 jours ouvrables qui suivent la délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation (R. 322-6 du code des procédures civiles d’exécution),
- Le dépôt au greffe du cahier des conditions de vente dans les 5 jours ouvrables qui suivent la délivrance de l’assignation à l’audience d’orientation (R. 322-10 du code des procédures civiles d’exécution),
- La fixation de la date de l’audience d’orientation dans un délai de 3 mois maximum à compter de la signification de l’assignation à l’audience d’orientation (R. 322-4 du code des procédures civiles d’exécution), étant précisé que le délai plancher de 1 mois en-deçà duquel le texte interdit de fixer la date de l’audience d’orientation n’est pas prévu à peine de caducité (la procédure peut être abrégée, pas allongée),
- L’affichage de la vente forcée dans un délai compris entre -2 et -1 mois avant l’audience d’adjudication (R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution),
- Le défaut de réquisition de la vente au jour de l’audience d’adjudication (R. 322-27 du code des procédures civiles d’exécution).
Les effets de la caducité
La caducité prive rétroactivement d’effet le commandement et entraîne l’extinction de l’instance (Civ. 2e, 4 septembre 2014, n° 13-11.887).
Par ailleurs, la caducité « atteint tous les actes de la procédure de saisie » que le commandement engage. Par conséquent, tous les actes de procédure subséquents sont anéantis (Civ. 2e, 19 février 2015, n° 13.28-445). Dans cette espèce, l’anéantissement des actes subséquents a privé l’assignation à l’audience d’orientation de son effet interruptif de prescription.
Attention ! Il ne faut pas se méprendre à propos de la portée des effets de la caducité. Elle atteint tous les actes de procédure, c’est-à-dire les actes des parties. Cela signifie que le jugement d’orientation ou d’incident qui a tranché une contestation conserve l’autorité de la chose jugée à propos de la contestation tranchée.
Le relevé de caducité
L’article R. 311-11 précité prévoit à ses alinéas 3 et 4 que :
« Il n’est pas fait droit à la demande si le créancier poursuivant justifie d’un motif légitime.
La déclaration de la caducité peut également être rapportée si le créancier poursuivant fait connaître au greffe du juge de l’exécution, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de celle-ci, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. »
Le juge peut ainsi relever la caducité pour motif légitime.
La décision de rapport est notifiée par le greffe.
Exemple : le créancier engage une procédure de saisie immobilière contre une villa, sans disposer de l’extrait d’acte de naissance du débiteur qui est ressortissant étranger. Au moment de la délivrance du commandement de payer, le débiteur reçoit en personne l’huissier, à qui il déclare que la villa est louée.
A l’audience d’orientation, le débiteur demande au juge de constater la caducité du commandement au motif que seule une dépendance située à l’extrémité de la parcelle était louée et que la villa en elle-même constituait le domicile conjugal. Aussitôt informé, le créancier dénonce le commandement au conjoint et invoque les dispositions de l’article R. 311-11 précité. Le juge fait droit à sa demande.