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Les effets des moyens de défense – De la décision aux recours

Table des matières

L’invocation d’un moyen de défense peut déterminer l’issue d’un procès. Qu’il s’agisse d’une défense au fond, d’une fin de non-recevoir ou d’une exception de procédure, ses effets varient considérablement. L’avocat qui maîtrise ces effets dispose d’un avantage stratégique déterminant. Examinons les conséquences de chaque moyen sur l’instance et au-delà.

1. Le contenu de la décision

Dommages-intérêts en cas de manœuvre dilatoire

L’utilisation tardive et dilatoire d’un moyen de défense peut entraîner une condamnation à des dommages-intérêts. Les articles 118 et 123 du Code de procédure civile prévoient cette sanction pour les exceptions de nullité pour vice de fond et les fins de non-recevoir.

Dans un arrêt du 27 février 2003, la Cour de cassation a confirmé une condamnation à dommages-intérêts pour utilisation tardive d’une exception de procédure (Civ. 2e, 27 févr. 2003, n° 01-11.975, Bull. civ. II, n° 44).

Cette sanction ne s’applique pas à la défense au fond présentée tardivement (article 72 du CPC). Une nuance existe toutefois en appel avec l’article 910-4 du CPC qui impose désormais une « concentration » des moyens.

Statuer ou non sur le fond

Le juge qui accueille une exception ou une fin de non-recevoir ne peut, en principe, statuer sur le fond. La 2e Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 février 1992, a considéré qu’un juge commet un excès de pouvoir lorsqu’il déclare une demande irrecevable et la rejette au fond (Civ. 2e, 26 févr. 1992, n° 90-18.308, Bull. civ. II, n° 67).

Cette interdiction connaît quelques adaptations. Si le juge accueille une exception dilatoire, il reste saisi du fond. De même, le dessaisissement n’est pas total – le juge peut statuer sur des questions de fond étrangères au domaine de la fin de non-recevoir retenue, comme l’a précisé la Cour de cassation (Civ. 1re, 28 janv. 1997, n° 94-19.747, Bull. civ. I, n° 35).

2. La portée de la décision

Effets provisoires ou définitifs

L’idée reçue selon laquelle les défenses au fond et fins de non-recevoir ont un effet définitif, à l’inverse des exceptions qui ne feraient que différer l’examen du litige, mérite d’être nuancée.

Une défense au fond peut n’avoir qu’un effet provisoire, comme dans le cas du terme suspensif où la demande n’est rejetée qu’en l’état. De même, certaines fins de non-recevoir peuvent n’avoir qu’un effet temporaire:

  • L’intérêt à agir initialement absent peut apparaître
  • Une demande prématurée peut devenir recevable
  • Une demande incidente irrecevable peut faire l’objet d’un nouveau procès

Ces situations sont qualifiées par la doctrine de fins de non-recevoir « en l’état » (RTD civ. 2019. 181, spéc. 184, obs. Cayrol).

Impact sur l’interruption de prescription et forclusion

La réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008 a modifié l’effet des moyens de défense sur l’interruption de la prescription et de la forclusion.

L’article 2241, alinéa 2, du Code civil maintient désormais l’effet interruptif en cas d’annulation de l’acte de saisine pour vice de procédure, qu’il s’agisse d’un vice de forme ou de fond (Civ. 3e, 11 mars 2015, n° 14-15.198, Bull. civ. III, n° 31).

En revanche, pour les fins de non-recevoir, la Cour de cassation a jugé que l’interruption est « non avenue » (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-15.568, Bull. civ. II, n° 112), conformément à l’article 2243 du Code civil.

Autorité des ordonnances du juge de la mise en état

Les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de procédure ont autorité de chose jugée, qu’elles mettent ou non fin à l’instance (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-21.997, Bull. civ., p. 210).

Cette solution, désormais prévue à l’article 794 du CPC, met fin à une jurisprudence antérieure qui limitait cette autorité aux seules ordonnances mettant fin à l’instance.

Le récent décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus I » a renforcé les pouvoirs du juge de la mise en état. Il peut désormais renvoyer à la formation de jugement l’examen de toute fin de non-recevoir, mais uniquement « à l’issue de l’instruction » (C. pr. civ., art. 789, nouv. al. 9).

3. Les recours contre la décision

Régime des recours selon la qualification du moyen

Les voies de recours varient selon la nature du moyen de défense:

  • Pour la défense au fond: le jugement peut être immédiatement frappé d’appel (art. 544 CPC) ou de pourvoi (art. 606 CPC).
  • Pour les fins de non-recevoir et les exceptions: le recours n’est possible, en principe, qu’avec le jugement sur le fond.

Cette règle connaît des exceptions significatives. L’article 544, alinéa 2 du CPC permet l’appel immédiat lorsque la décision met fin à l’instance.

Recours immédiat: conditions et exceptions

Des régimes spéciaux prévoient un recours immédiat sans condition:

  • Article 272 CPC pour les décisions d’expertise
  • Article 380 CPC pour les jugements de sursis à statuer
  • Article 795 CPC pour les ordonnances du JME
  • Article 916 CPC pour le déféré des ordonnances du CME

Le décret « Magicobus I » a restreint l’appel immédiat aux seules ordonnances du JME « statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un incident d’instance, [qui] mettent fin à l’instance » (C. pr. civ., nouv. art. 795, al. 6).

Simplification du régime des exceptions d’incompétence

Le pourvoi contre l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur la compétence obéissait autrefois à une casuistique complexe. Le décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 a simplifié ce régime en introduisant l’article 607-1 du CPC, qui permet le pourvoi contre « l’arrêt par lequel la cour d’appel se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond ».

Cette simplification a mis fin à une jurisprudence distinguant selon que la cour avait été saisie par contredit ou par appel, et selon la nature de la juridiction dont la compétence était contestée.

Dans le contentieux de l’incompétence, l’avocat doit être particulièrement vigilant aux délais et au choix de la voie de recours appropriée.

L’avocat qui saisit le bon outil dans sa boîte à moyens de défense doit anticiper ses effets. Au-delà de la recevabilité du moyen, c’est toute une stratégie qui se déploie à travers ses conséquences procédurales.

Vous affrontez une situation complexe où un adversaire a soulevé un moyen de défense? Un spécialiste du contentieux saura évaluer ses effets potentiels sur votre dossier et développer la meilleure stratégie.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 72, 118, 123, 272, 380, 544, 606, 607-1, 789, 795, 910-4, 916
  • Code civil, articles 2241, 2243
  • Civ. 2e, 27 févr. 2003, n° 01-11.975, Bull. civ. II, n° 44
  • Civ. 2e, 26 févr. 1992, n° 90-18.308, Bull. civ. II, n° 67
  • Civ. 1re, 28 janv. 1997, n° 94-19.747, Bull. civ. I, n° 35
  • Civ. 3e, 11 mars 2015, n° 14-15.198, Bull. civ. III, n° 31
  • Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-15.568, Bull. civ. II, n° 112
  • Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-21.997, Bull. civ., p. 210
  • RTD civ. 2019. 181, spéc. 184, obs. Cayrol
  • Décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014
  • Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus I »
  • I. Pétel-Teyssié, Défenses, exceptions, fins de non-recevoir, Répertoire de procédure civile, Dalloz, novembre 2023

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